Même si dans le document rendu public en fin de semaine, l’on a pris soin de mentionner « cette mesure spéciale s’inscrit en droite ligne de la volonté du chef de l’État, Paul Biya … ».
Le communiqué rendu public cette fin de semaine par le ministre de la Fonction Publique et de la Réforme Administrative et publié par nos confrères de Investir au Cameroun, porte le sceau du chef du gouvernement : « Le Premier ministre, chef du gouvernement, a autorisé, à titre exceptionnel et pour le compte de l’année académique 2019-2020, le recrutement de 119 candidats supplémentaires [à l’École nationale d’administration et de magistrature (Enam)] sous réserve du remplissage effectif de tous les critères d’admission prévus par la réglementation en vigueur… ».
Le même document stipule que « cette mesure spéciale s’inscrit en droite ligne de la volonté du chef de l’État, Paul Biya. Lequel prête une oreille attentive aux préoccupations de ses jeunes compatriotes en butte à de nombreuses difficultés et qui frappent massivement à la porte de la fonction publique pour apporter, à travers leurs carrières, une contribution significative à l’édification de notre nation ».
Le Président de la République doit–il encore s’impliquer personnellement, alors que des personnes sont nommées pour assurer certaines tâches ?
Face aux nombreux scandales qui depuis des années entachent d’un zeste de corruption, les résultats rendus publics au sein de cette école sensée former les élites du Cameroun, l’on est tenté de répondre par l’affirmative.
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Il y a quelques jours, c’est dans les colonnes de nos confrères de le Jour qu’un magistrat avait choisi de remettre au devant de la scène, à travers une lettre adressée au Chef de l’Etat, les « différents réseaux mafieux » avec lesquels les « Fils des pauvres » qui ambitionnent d’intégrer cette école doivent composer. Nul besoin d’être un génie, il faut soit avoir un parrain, soit débourser de fortes sommes d’argent : de 5 à 8 millions pour le cycle B (niveau Baccalauréat) et de 07 à 12 millions pour le cycle A (niveau licence et Magistrature).
Des tripatouillages qui ont des répercussions dans la gestion des affaires internes du pays ?
Pour Axel Moukoko, qui se définit entre autres comme géo stratège et analyste politique, « Point besoin de se poser une telle question. La réponse est évidente et cela n’a rien à voir avec la politique ou encore l’appartenance à une quelconque formation politique. Lorsqu’on sait qu’on a déboursé de l’argent pour intégrer dans une école, il faut se donner les moyens de le rembourser. Il n’est dès lors plus question de s’investir dans la gestion normative du travail qui peut être confié, non, il faut pérenniser les poches de corruption. On pourrait mettre les notes partout où on veut, dans lesquelles on dit à l’usager que le « service public est gratuit », vous et moi savons que tout est rançonné et à différentes échelles… Aujourd’hui, le Président de la République fait recruter 119 nouveaux candidats à l’ENAM, certainement ceux dont les places ont été prises par les enfants des pontes de ce régime, mais, il faut aussi le faire dans les écoles comme l’IRIC, le CUSS… Parce que de ce côté, ce n’est pas toujours le plus méritant qui est pris. Il faut que ça change, absolument… ».
Les bénéficiaires de cette mesure sont attendus dès lundi prochain à l’Ecole Nationale de l’Administration et de Magistrature.
Nicole Ricci Minyem
Les propositions d’un Magistrat contre ces pratiques qui n’honorent pas notre pays et qui crée la stigmatisation et le mal être au sein de la jeunesse, sont contenues dans une lettre écrite au Chef de l’Etat Camerounais. Elles ont été publiées dans les colonnes du quotidien le Jour le 17 septembre dernier.
« Excellence
Monsieur le Président de la République,
Je viens par la présente correspondance, marquée du sceau de la confidentialité, pour dénoncer certaines pratiques de nos autorités en charge de l’organisation des concours administratifs, et qui sont de nature à saper vos efforts d’apaisement dans notre pays, mais surtout de promotion d’une véritable justice sociale dont les fondements sont la liberté, l’égalité et la solidarité.
Le 03 Mai 2019, un concours d’entrée à l’Ecole Nationale d’Administration et de Magistrature (ENAM) a été régulièrement organisé par le Ministre de la Fonction Publique et de la Réforme Administrative. Compte tenu de la conjoncture actuelle que subit notre pays, le nombre de places ouvertes a été drastiquement réduit dans de nombreuses sections.
Tenant compte de vos promesses électorales et de votre action en faveur de la bonne gouvernance et des bonnes pratiques pour une République exemplaire, seule gage d’une réelle prospérité, mais surtout confortés par votre volonté de garantir la transparence et l’objectivité dans le recrutement à la fonction publique, de nombreux jeunes camerounais (environ 25 000) ont candidaté pour ce concours. Ces jeunes camerounais diplômés de nos universités n’ont souhaité qu’apporter leurs compétences et leurs énergies pour vous accompagner dans la réalisation de votre projet de société qui se résume à faire du Cameroun »Un pays émergent, démocratique et uni dans la diversité à l’horion 2035 ». Ils ont tenu compte de vos inquiétudes sur l’efficacité de notre administration et ont souhaité l’intégrer sur la base de leurs aptitudes intellectuelles et de leur personnalité.
Vous avez régulièrement décrié l’inertie dans la fonction publique camerounaise ( se référant à votre message adressé à la Nation le 31 Décembre 2011) et dénoncé le fait que celle – ci est régulièrement pointée du doigt par nos concitoyens et nos partenaires au développement. Quel crime commettent les jeunes camerounais qui veulent vous accompagner à la modernisation de cette administration ? Pourrais je m’aventurer sans commettre un crime de lèse – majesté, à vous dire à vous, la place de l’administration publique dans l’atteinte de nos objectifs d’émergence ?
Evidemment que non. Vous avez donc besoin d’être accompagné par une administration publique performante et bien formée capable de comprendre les enjeux de l’émergence et de mettre en œuvre les politiques de développement globales et sectorielles implémentées par vous. Nous pensons donc M. le Président de la République, que le recrutement dans cette fonction publique doit respecter les engagements internationaux auxquels notre pays sous votre direction a souscrit, notamment le principe de l’égalité de tous les citoyens donc le corolaire est celui de l’égal accès aux emplois publics. Cette égalité qui suppose une transparence dans l’organisation des concours administratifs apparaît comme le seul gage de la paix et de la stabilité sociale.
Puis je vous dire sans risque d’errements que l’école est aujourd’hui le meilleur ascenseur social ? Une école républicaine qui permet à un enfant d’instituer par ses efforts, d’espérer faire mieux que son père en devenant professeur des lycées et collèges. C’est l’école républicaine que font les fils des riches et des pauvres sans distinction, qui leur assure les mêmes chances de réussite. Oui, s’il paraît normal que le fils d’un Magistrat soit admis à l’ENAM à la section d’un Magistrature, l’un des indicateurs de la République, la vraie (celle qui permet à chaque citoyen de réaliser son rêve) doit être de permettre également au fils d’un mécanicien comme moi, de devenir lui aussi Magistrat, ou au fils d’un catéchiste comme vous-même de devenir un Chef d’Etat et pas des moindres.
Excellence Monsieur le Président de la République, Nombreux sont les jeunes camerounais qui ne croient plus aujourd’hui à l’idéal de « l’école comme ascenseur social » dans notre pays. Cela ne semble plus possible au regard de certaines pratiques ayant cours pour l’admission aux concours administratifs ; permettez moi de vous dire du haut de mes dix années d’expérience dans la préparation des candidats aux concours administratifs et principalement le concours d’entrée à l’ENAM, car nous sommes des formateurs mais également des confidents des candidats et de leurs parents qui nous révèlent des choses effroyables.
En effet, nous sommes toujours surpris devoir certains de nos candidats les plus médiocres réussir contrairement aux candidats les plus brillants et cela cause en nous un profond trouble intérieur quand nous savons quels efforts fournissent ces jeunes qui pour certains se préparent une année entière pour espérer acquérir les aptitudes nécessaires. Et c’est pour retrouver la paix et espérer un secours que nous avons décidé de vous adresser le plus humblement et avec le plus grand respect, cette lettre, pour porter à votre très haute attention le cri de détresse de ces enfants et de leurs familles qui vous appellent au secours.
Excellence Monsieur le Président de la République, Comment trouver les mots pour consoler une jeune dame de 30 ans, inscrite en thèse de Doctorat et qui depuis quatre années consécutives (2016, 2017, 2018, 2019) est admissible à la section administrative de la magistrature sans jamais être admise ? Elle s’appelle Ondoa Onana Marie Françoise. Que dire à un jeune garçon de 25 ans qui faute de moyens, partage la même chambre d’étudiant que sa sœur aînée de 27 ans (dont les parents vieillissants et démunis vivent en campagne) et qui aux sessions de 2017 et 2019 a été admissible dans deux sections à chaque fois sans jamais être admis ? Il s’appelle Moukoudi Moukoudi Guy Yannick. Comment consoler un moniteur d’un groupe de préparation titulaire d’un Master, âgé de 29ans et qui depuis 2015 est admissible chaque année à la section Prix, Poids et Mesures niveau Baccalauréat sans jamais être admis ? Pendant que pour les mêmes concours, les candidats qu’il forme au sein du groupe réussissent la même année d’obtention de leur baccalauréat parce que fils de ministre, de directeur général, de haut magistrat … ?
Ce monsieur s’appelle Fanyep Cédric Adrien. Que dire à tous ces nombreux autres jeunes tels que Ousmanou Njoya, Rodain Mouemene, Alain Fouda, Michel Mbessoh, Christophe Essola, Yannick Serge Mabaya, Ovono Evang, Boum Kotna, Boumyem, Armelle Etong et de très nombreux autres jeunes qui cumulent deux, trois, quatre, voire cinq admissibilités consécutives sans jamais être admis ?
Comment convaincre ces jeunes qu’ils se sont pas victimes d’une injustice voire même d’un rejet de la République ? Quel pêché ont – ils commis de vouloir servir dans l’administration publique camerounaise lorsqu’ils en ont les compétences ? Quel crime ont – ils commis pour naître des parents pauvres ? Comment les convaincre de ne pas souhaiter une alternance politique qui pourrait leur être salutaire ?
Excellence Monsieur le Président de la République, Les pratiques qui suivent ont été instituées par certaines personnalités, membres de votre équipe qui semblent courir avec le temps et veulent à tout prix caser leurs progénitures quelque soit le moyen utilisé et dont les plus usuelles sont l’achat des concours et le trafic d’influence. Les prix d’achat souvent très élevés varient de 5 à 8 millions pour le cycle B (niveau Baccalauréat) et de 7 à 12 millions pour le cycle A (niveau licence et Magistrature).
Le trafic d’influence est souvent très évident lorsqu’à la lecture des admissions au concours de la magistrature, on dirait l’énumération des hauts magistrats de la République. Pour preuve, les micros – finances abondent des comptes joints ouverts par les candidats et les responsables en charge de l’organisation du concours, les études de Notaire signent des dépôts séquestres, des actes de cession des terrains sont signés, etc. Je vous épargne, par pudeur et par respect, de nombreux actes pernicieux qui conditionnent aussi souvent l’accès à notre fonction publique et plus précisément à notre prestigieuse école qu’est l’ENAM.
Les fossoyeurs de votre idéal et de votre projet de société, pour apporter une certaine caution morale aux concours administratifs enfument les candidats brillants en leur miroitant la réussite par les admissibilités qui se suivent presque toujours par un échec au définitif, ce qui est méchant et même inhumain à mon humble avis. Nous avons en mémoire le cas de Monsieur Ateba Meguim Daniel qui a été évincé aux résultats définitifs de la section Trésor A à la section de 2013 au profit d’un candidat qui lui, était déjà l’ENAM, depuis 2012 au même cycle A, Administration du Travail et qui, par caprice ou par ambition voulait juste changer de section.
Excellence, Monsieur le Président de la République, Face à ce drame qui de plus en plus alimente la chronique des médias, renforce le sentiment de rejet de certains jeunes et ternit l’image de notre pays, je me suis permis, et je vous prie de m’en excuser, de proposer un éventail de solutions telles que :
1. La reprise pure et simple de tout le processus du concours d’entrée à l’ENAM session 2019 avec les mêmes candidats aux nouvelles dates ou à défaut l’admission définitive des candidats ayant obtenu aux moins deux admissibilités à cette session ;
2. L’admission de tous les candidats âgés de 32 ans (âge limite) qui sont admissibles lors de cette session de 2019, et qui ont finalement échoué ;
3. L’admission de tous les candidats admissibles à cette session 2019 et qui cumulent au moins deux admissibilités lors des sessions antérieures ;
4. La création d’une Direction des concours administratifs à la Présidence de la République ou au Premier Ministère chargée de veiller sur la transparence et l’objectivité dans les concours officiels. Elle sera chargée de tout le processus partant de l’organisation matérielle à la publication des résultats définitifs en veillant au respect des divers équilibres (équilibre régional, équilibre genre), à la représentation des minorités et des handicapés, à la promotion de l’excellence et de la saine compétition.
Excellence Monsieur le Président de la République, Je vous crois en votre volonté de rester dans la mémoire des camerounais comme l’artisan de la démocratie et de la prospérité qui ne peut s’envisager que si une équipe dynamique, compétente et réactive vous accompagne dans votre lourde responsabilité ; ce qui passera aussi par la sélection, sur la base des critères objectifs, des hauts cadres de l’administration chargés de mettre en œuvre les politiques de développement définies par vous.
Je vous prie de croire, Excellence Monsieur le Président en ma volonté sincère, de contribuer par cette dénonciation, non pas à la stigmatisation des personnes, mais en l’amélioration de notre administration pour la consolidation de notre Nation.
Je vous remercie »