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Dans une interview accordée à nos confrères d’«Investir au Cameroun », Samuel Nguiffo, secrétaire général du Centre pour l’Environnement et le Développement revient entre autres sur les raisons qui auraient amené le gouvernement à se dédire mais aussi sur les leçons qui peuvent être tirées suite au Décret du Premier ministre signé le 05 mai dernier    

 

  • Le Premier ministre a décidé d’annuler l’incorporation, réalisée en 2016, au domaine privé de l’État des terres du domaine public dans le département de la vallée du Ntem. Qu’est-ce qui peut avoir poussé le gouvernement à se dédire ?

Samuel Nguiffo : En l’absence d’une explication fournie par le gouvernement sur les raisons de cette décision, l’on ne peut que spéculer, en s’appuyant toutefois sur des faits avérés : il s’agit de terres localisées dans la Vallée du Ntem, département dont les forces vives, réunies autour de leurs autorités traditionnelles, se sont illustrées l’année dernière par une volonté ferme de reprendre le contrôle de leurs terres coutumières, après leur incorporation au domaine privé de l’État en 2016.

Il faut dire que les communautés de ce département de la région du Sud n’avaient exprimé la contestation qu’après la décision d’attribution de ces terres, relevant désormais du domaine privé de l’État, à deux investisseurs (Neo Industry et PAC, NDLR).

Les communautés ont expliqué, au moment de la contestation, qu’elles n’étaient pas informées de la démarche ayant conduit à l’incorporation de leurs terres dans le domaine privé de l’État.

L’organisation particulièrement efficace de leur mouvement de résistance, la clarté de leur demande, de même que la finesse de leur stratégie de contestation des droits de l’État ont sans doute conduit celui-ci à lâcher prise. Il faut aussi rappeler que les communautés avaient opté pour la saisine du juge administratif, pour demander l’annulation des titres fonciers querellés.

Je crois que c’est une décision sage de la part du gouvernement, qui a choisi d’éviter l’escalade, face à des communautés déterminées à ne pas abandonner le combat. Un État qui accepte de revenir sur une décision pour le bien-être de ses populations ne fait pas forcément preuve de faiblesse. L’État n’est pas infaillible, et choisir de ne pas s’entêter lorsqu’une de ses décisions est contestée est tout simplement une attitude normale, bénéfique pour la paix.

 

  • C’est la deuxième décision du genre en l’espace de quelques mois. Comment comprendre cela ?

S.N: En effet, c’est au moins la deuxième fois que le gouvernement retire des textes relatifs à la gestion des terres et des forêts, en quelques mois. On se souvient en effet qu’en juillet 2020, le Premier ministre avait pris un décret annulant l’incorporation au domaine privé de l’État d’une partie de la forêt d’Ebo et suspendant le processus de classement de la seconde portion.

Ici, il s’agissait d’une superficie d’environ 130 000 ha. Et dans ce cas aussi, on avait assisté à une opposition ferme d’une grande partie de la communauté Banen, y compris de la diaspora, comme dans la Vallée du Ntem. Trois facteurs peuvent contribuer à la compréhension de ce phénomène :

(1) La terre a une forte capacité de mobilisation des membres de la communauté, surtout dans un contexte où la pression croissante sur les terres et les ressources expose chaque communauté au risque de la dépossession.

Les expériences diffusées par les médias ont contribué à aiguiser l’intérêt des populations, qui redoutent de se voir privées de la terre, dont elles dépendent si étroitement. 

(2) La terre est un élément essentiel de l’identité culturelle des communautés, qui s’identifient à l’espace qui les a vues naître, et dont dépend leur système de production.

Il est donc normal que les autorités traditionnelles, garantes en principe de l’intégrité des terroirs villageois, appellent à la mobilisation lorsque la terre est en péril, et que les membres de la communauté y répondent, même si leur subsistance quotidienne ne dépend plus directement de ces espaces.

(3) Il existe un conflit latent entre l’État et les communautés, relatif à la propriété de la terre et des espaces : l’un et les autres revendiquent le droit (parfois présenté comme exclusif) de gérer la terre, en vertu du corps de normes auquel il se réfère. Le droit étatique ne reconnait en effet pas la propriété des communautés sur les terres et les ressources, alors que les droits coutumiers confèrent aux populations la propriété.

Les communautés de la Vallée du Ntem ne proclamaient-elles pas que l’État, né alors que les communautés étaient déjà installées sur les espaces querellés, ne pouvait pas être devenu propriétaire de terres qui leur appartenaient ?

 

  • Quelles leçons peut-on tirer de cette situation ?

SN : Plusieurs leçons peuvent être tirées de cette décision et, plus généralement, de l’observation de cette tendance à la contestation ferme par les communautés des décisions de l’Etat visant à transférer dans son domaine privé des terres relevant de la propriété foncière coutumière des populations.

La première est la persistance des droits coutumiers dans notre pays, qui ont résisté à plus d’un siècle de coexistence avec le droit foncier étatique, et qui restent un cadre de référence privilégié pour les populations rurales.

Aujourd’hui, leur cohabitation avec un droit étatique ancien, peu adapté aux dynamiques de gestion actuelles et aux attentes des populations rurales, est explosive, parce qu’elle soulève des problèmes de légitimité de la loi. 

La deuxième et le constat du retard du droit étatique, qui se situe largement en retrait par rapport aux pratiques internationales en matière de reconnaissance et de protection des droits des communautés.

Et ici aussi, le décalage s’explique par l’inadaptation des textes en vigueur en matière foncière au Cameroun, dont l’ossature date du milieu des années 1970. L’observation de ce décalage fournit des indications utiles à l’entreprise de réforme foncière engagée par l’Etat depuis 2011.

L’urgence de finaliser la réforme foncière, dont les résultats restent attendus, est le troisième enseignement qui découle de cette situation : les incertitudes liées au statu quo actuel sont préjudiciables à la relation entre l’Etat et les communautés rurales.

Il y a en effet un risque que ces dernières perdent toute confiance en l’Etat, parfois soupçonné de vouloir les déposséder de leurs terres.

Pour ce qui est des communautés, il est intéressant de relever qu’elles gagnent en capacité d’action et d’organisation, et inaugurent de nouveaux modes d’action collective dans notre pays.

 

  • L’incorporation des terres du domaine public au domaine privé de l’État est visiblement conflictuelle. Comment dans ce cas garantir l’accès à la terre aux investisseurs ?

SN : La récurrence des conflits sur les terres et les ressources inquiète, en raison de l’importance de la terre pour les communautés rurales. Elle peut également être mal comprise, si on analyse lesdits conflits de manière superficielle. Dans les cas récents au Cameroun, ils expriment fortement une demande, par les communautés, de sécurisation de leurs droits sur les terres.

On peut comprendre la démarche de l’État, qui souhaite répondre à la demande des investisseurs, en leur fournissant des terres arables pour l’agro-industrie. Le fait que les terres de la Vallée du Ntem étaient déjà attribuées à des investisseurs confirme bien la demande.

Mais le schéma consistant à fournir de vastes superficies de terres communautaires à des investisseurs pourrait être questionné, à la lumière de cette résistance des communautés.  

L’intérêt de l’investisseur est généralement d’accéder à une récolte, qui est la matière première dont il a besoin. L’accès à la terre n’est qu’un moyen de garantir l’accès à la récolte, dans les conditions, le volume, le prix et la qualité qu’il souhaite pour ses opérations de transformation, ou pour l’exportation.

S’il essaie de prendre la terre, il se met à dos des communautés qui seront alors exposées à des modifications structurelles de leur mode de vie et de production. Il risque donc d’y avoir un conflit entre la communauté et l’investisseur.

 

  • Quelle alternative s’offre à l’État ?

SN : L’État et l’investisseur pourraient établir un partenariat pour un meilleur partage de la richesse générée par l’opportunité qui se présente du fait de l’intérêt de la compagnie. Il faudrait pour cela que les communautés gardent le contrôle de leurs terres coutumières, et soient accompagnées pour produire, conformément aux attentes et exigences de la compagnie.

D’adversaire, la compagnie deviendrait un partenaire, et participerait à la promotion du développement local et de l’épanouissement individuel et familial dans la zone. Ses opérations consisteraient alors à fournir une assistance technique (en association avec les services de l’État), un apport en intrants et une garantie pour des prêts auprès de banques ou d’établissements de micro finance.

La construction et l’entretien des pistes rurales pour désenclaver les zones de production relèveront également de la responsabilité de la compagnie.

Ces schémas de partage de la richesse semblent être les plus appropriés pour nos pays. Ils renforcent la sécurité foncière des communautés, et leur apportent le respect et la dignité qu’elles n’ont pas dans le système de concession.

Elles rassurent la compagnie, en la mettant dans un partenariat avec des communautés dont elle contribue à la richesse. Elles renforcent l’État dans son rôle de protecteur de ses citoyens, en leur permettant de tirer le meilleur parti de l’arrivée d’un investisseur dans leur terroir.

Une étude conduite en Amérique du Sud, en Europe de l’Est, en Asie et en Afrique au sud du Sahara (principales régions d’accueil des investissements fonciers) a montré que lorsque les communautés n’ont pas de sécurité de leurs droits fonciers, tout investisseur qui s’installe sur leurs terres coutumières court le risque de perdre son investissement. De nombreux exemples, y compris au Cameroun, illustrent cette situation, et appellent à une réforme urgente.

 

N.R.M

 

Published in Agro-Industrie






Sunday, 05 June 2022 11:01