L’artiste Bikutsi, dans une gymnastique intellectuelle a choisi de soutenir sa consœur musicienne.
Lynda Raymonde parle de l’alternance et reconnaît subrepticement que le sujet est au centre des préoccupations des camerounais. « Décidément ce mot "alternance", au Cameroun pose un véritable problème alors que tout le monde y pense secrètement. Pendant que certains s'offusquent à sa simple évocation, d'autres s'en inquiètent, s'interrogent ouvertement ou non. Certains choisissent d'en parler, d'autres préfèrent se taire. À chacun son choix, respectons-le. Et moi aussi évidemment, je m'interroge "l'alternance au Cameroun" et quelque soient les systèmes, est-ce un sujet tabou? » Même si elle ne dit pas ce qu'elle pense sur ce sujet, Lynda Raymonde d’une certaine manière, fait savoir que Charlotte Dipanda a juste fait savoir tout haut ce que d’autres disent tout bas.
« À mon avis, on devrait librement et même naturellement en parler au lieu de faire du Cameroun, un champ de bataille, de camps, de clans et de théoriciens contradictoires qui nous épuisons sur les réseaux sociaux à longueur de journée. Comprenons que le mot "contradiction" est un mot français qui existe dans le dictionnaire alors laissons le exister dans le jeu politique de notre pays. » Un véritable appel à la tolérance.
Dans la suite de ses propos, l’artiste Bikutsi avoue que le système en place n’aime pas entendre la vérité. « Même s'il est vrai que dans le système auquel nous appartenons actuellement, quand tu décides de dire la vérité, sache que tu as décidé de marcher seul, d'être incompris, rejeté, insulté, dénigré et traîné dans la boue et aux oubliettes toutes les bonnes œuvres que tu as pu réaliser, tous les grands titres que tu as pu glaner, tout l'engagement et l'amour que tu as toujours donné. (…) Il va te rappeler tes échecs, tes divorces, tes balbutiements, ton célibat, ton aigreur, ton impertinence, ta double nationalité, ta frilosité intellectuelle. Prépare-toi, car il va te créer des crimes, des infidélités, une double vie, il va te faire pleurer, il va te dégoûter du Cameroun et parfois de la vie par ce qu’il va tout tenter pour te voler ta fierté. »
Une situation qui amène l'intellectuelle qu'elle est à se plonger dans la nostalgie d’un Cameroun flamboyant. « Jadis "Être camerounais" était un esprit positif, un esprit de combativité, de persévérance, de demarquation positive. Aujourd'hui ce terme a perdu tout son sens : "Être camerounais" renvoie désormais à être envieux, méchant, jaloux, injurieux, menteur, malhonnête, malveillant, mauvais, malsain, aigris, manipulateur, conspirateur... » Sans le dire ouvertement, Lynda Raymonde partagerait l’avis de Charlotte Dipanda en tout point de vue.
Stéphane NZESSEU
La polémique enfle entre les artistes musiciens camerounais et les observateurs de la société civile. Depuis la mise au gout du jour de la situation d’indigence de quelques artistes qui auront fait les beaux jours de la musique camerounaise, ils sont nombreux à avoir condamné l’appel à l’assistance émis par ces grands noms de la musique, dont l’artiste Maman Nguéa Laroute. Dans une publication, l’ancien journaliste de la Crtv, Jean Lambert Nang a fustigé cet appel, estimant que c’est la conséquence de la mauvaise gestion des cachets qu’ils engrangent au cours de leurs carrières. Une réaction qui n’a pas laissé indifférente Lynda Raymonde, une figure montante de la musique de chez nous.
Elle commence son coup de gueule en disant combien elle est fière tout en s’identifiant à « Mama Nguea ». Tout d’abord elle souligne l’œuvre des artistes camerounais dans le développement de l’unité national et e rayonnement de la notoriété de notre pays. « Je suis fière d'être cette artiste qui au prix de nombreux sacrifices et contraintes a pu produire une multitude d'œuvres de l'esprit qui ont fait vibrer le Cameroun tout entier. Des œuvres qui ont traversé des frontières, brisé des clivages ethniques et politiques, des œuvres qui ont été appréciées, chantées en chœur et consommées par des millions de personnes à travers le monde. Je suis fière d’être cette artiste camerounaise dont le système exploite, suce et broie ses artistes pour ensuite les traiter comme des clochards et rire de leur désarroi, de leur misère causée par le système lui-même en dualité complicité avec le peuple qui sans gêne consomme gratuitement au vu et au su de tous, les œuvres de l'esprit de pauvres artistes pour ensuite s'en moquer. Nous sommes nos propres producteurs, nous n'avons pas de subventions, nous n’avons pas de salaires, nos droits ne nous sont pas reversés durant des années et lorsque c’est le cas les montants sont dérisoires ; la corruption dont nous sommes victimes pour communiquer et faire connaitre nos œuvres, je n'en parle pas. L'un des rares métiers au Cameroun où il faut s'investir physiquement, moralement, financièrement soi-même et à tous les niveaux pour espérer « réussir » au pire exister, c'est celui d'artiste musicien. Triste n’est-ce pas ? » Vraiment triste ce tableau sombre de la situation de l’artiste camerounais.
Dans un deuxième temps, Lynda Raymonde s’en prend aux mélomanes du terroir. « Nos compatriotes, nos frères, nos sœurs préfèrent se faire inviter à nos concerts au lieu d'acheter des tickets d'entrée ; sincèrement comment préparer une retraite paisible, lorsque personne n'achète nos CD et tout le monde préfère consommer gratuitement notre musique, télécharger gratuitement nos œuvres sans se soucier de nos nuits blanches à bosser en studio, de nos investissements personnels! Tout ce mépris social déversé sur les artistes m'écœure. Pourquoi ne téléchargez-vous pas gratuitement les aliments pour vos repas? Pourquoi ne téléchargez-vous pas gratuitement les taxis pour vos déplacements? Pourquoi ne téléchargez-vous pas gratuitement la cigarette, la bière pour les consommer? Vous payez même parfois avant d'être servis! Faites pareil pour la musique et nous aurons de belles retraites et une meilleure condition. Avez-vous seulement idée des manques à gagner ? »
Lynda Raymonde rappelle aux camerounais les réalités des artistes. Depuis la production des supports jusqu’à la distribution de ceux-ci : « Savez-vous seulement combien ça coûte de faire une chanson, un album ? Connaissez-vous les facteurs : inspiration, mélodie, texte, studio, musiciens, promotion, communication, radio Tv réseaux sociaux, hors medias, image artiste, clip vidéo, logistique, transport et c'est pas tout... ; qui entrent en jeu ? Pouvez-vous estimer le prix de revient total de ce travail exigeant et contraignant? Mieux dites-nous à combien évaluer vous L'inspiration d'une chanson, le travail de fond, la composition des musiques, les nuits d'insomnie, les journées de travail, les clips, la gestion des médias, la veille, le suivi, toutes les ressources humaines et la logistique qui sont déployées pour la réussite du projet musical? Lorsque vous aurez une idée approximative honnête, alors monsieur Nang, relisez votre post et ayez l’amabilité de revenir faire un unième post.
Je me risque tout de même à vous confier que le prix de revient d'un travail méticuleux d'une œuvre de l'esprit coûte le prix d'une voiture pour certains et d'une maison pour d'autres! Alors sans subventions, sans producteurs, sans paies grasses comme ce fut le cas pour vous durant des années, motivés uniquement par la foi et l'amour de la musique qui les animent plusieurs artistes sont à féliciter sur la durée. Imaginez le nombre de maisons que nous aurions pu construire mais que nous sacrifions à chaque nouvelle chanson ou même pour chaque nouvel album pour votre plaisir, pour vous donner un peu de bonheur au quotidien!? Bonheur dont vous profitez et jouissez gratuitement, honteusement et permanemment chez vous dans votre domicile, dans votre voiture, à vos évènements 12 étoiles et j'en passe...
Commencez donc par changer vos mentalités par ce que c'est du vol jumelé de complicité avec tous ceux qui comme vous, téléchargent chaque jour nos musiques sans payer un centime et affichent aujourd'hui du mépris face à une artiste talentueuse qui a tout donné avec passion et s'est dignement battue avec sa maladie durant des années. Chaque jour, nos œuvres sont consommées en tous lieux, en tout temps sans retenue et sans limite, très souvent gratuitement, à chacun de vos évènements anodins ou importants, physiquement ou spirituellement vous abusez de nous. Retenez monsieur Nang que nous nous laissons faire juste par espoir de reconnaissance de notre participation à votre bonheur quotidien. Lorsqu’à certains de nos sursauts d’estime, nous nous donnons de la valeur, par ce qu'à certaines de vos sollicitations nous exigeons un traitement décent, vous vous risquez à vouloir nous maltraiter publiquement oh que Non ! Ça doit cesser! ».
« En lisant votre post qui m'a été répercuté par une capture sur la toile, j'ai eu la vision d'un rustre frappant et raillant une femme à terre! Quelle lâcheté! Quel manque de finesse et d'élégance face à une dame! Vous auriez mieux fait de l'aider à se relever de sa chute. Les gentlemen savent le faire, les rustres j'en doute. Pour un journaliste de votre envergure, comprenez ma déception et mon amertume. À l'avenir cher aîné, buvez un grand verre d'eau face à certaines situations dont vous n'avez pas les réponses, avalez doucement et restez à votre place, qui devrait être aujourd'hui celle d'une sage, ne vous précipitez pas comme la jeunesse bouillonnante dont je fais partie à déclarer des choses avec émotion. Je fais partie de ce milieu ingrat, je vis et partage l'ingratitude, la tristesse et la douleur des artistes au quotidien. Pour nous qui avons le privilège d'autres casquettes c'est une autre chanson, mais pour ceux qui n'ont que la musique, je vous invite à pénétrer leurs univers, leurs vies, leurs contraintes, c'est l'horreur !!! »
« Quelle retraite envisagez-vous pour les artistes lorsqu'ils ne perçoivent pas leurs droits durant des années et que ça anime la galerie au lieu de l'offusquer? Sincèrement pensez-vous que nous ne songeons pas à nos retraites ? Aidez-nous à mieux la préparer en achetant nos CD originaux, en assistant et en payant les tickets d’entrée aux spectacles de vos artistes préférés, en payant les téléchargements de nos musiques sur les plates formes agrées, en payant décemment les prestations ou les services des artistes que vous invitez pour vos cérémonies et en barrant la route à tous gestes qui visent à ruiner l'artiste. Je suis fière d'être une artiste qui a partagé sa passion et son amour sans faille pour la musique malgré le mépris social dont vous vous êtes faits complices et bourreaux. Il ne revient pas à l'artiste seul de changer sa condition, cette responsabilité nous incombe à tous, changeons nos mentalités et améliorons le statut de l'artiste ensemble.
Permettez-moi donc de vous renvoyer la question, 1 million de francs cfa pour une chanson, à un anniversaire que vous vous êtes préparés à célébrer à coups de caisses de champagnes hors de prix, est-ce toujours cher payé? » Quelle tristesse !