L’ex procureur qui n’a jamais reconnu publiquement autre chose que des relations consenties avec les femmes qui l’accusent va connaître sa peine ce mercredi, qui ne pourra être inférieure à cinq ans de prison, un moment très attendu par les victimes.
Cinq ans. C’est ce que prévoit le minimum légal et c’est ce qu’ont demandé les avocats de l’ancien magnat de Hollywood au juge James Burke, qui se prononcera mercredi au tribunal pénal de Manhattan.
« Compte tenu de son âge (67 ans) », ont-ils écrit, « toute peine supérieure au minimum légal (…) équivaudrait à une condamnation à perpétuité. » Celui qui fut un temps le producteur indépendant le plus puissant du monde encourt jusqu’à 29 ans de prison pour les deux chefs d’accusation dont il a été reconnu coupable le 24 février.
« Ces événements continueront de nous hanter »
Les avocats font valoir que depuis octobre 2017, leur client a perdu sa femme, qui l’a quitté, son emploi, sa société (The Weinstein Company) et fait encore face à des manifestations d’hostilité constantes. La défense mentionne aussi ses deux jeunes enfants, de six et neuf ans. En face, il y a les victimes, à commencer par les deux femmes dont les agressions ont mené à la condamnation, Mimi Haleyi et Jessica Mann. Elles s’exprimeront mercredi à l’audience, avant que le juge ne rende sa décision.
Tarale Wulff, qui a témoigné au procès, sera aussi présente mercredi, et a écrit une lettre ouverte publiée mardi sur le site Medium. « Quelle que soit la peine (…), cela ne changera pas ce qui s’est passé », a-t-elle écrit. « Ces événements continueront de nous hanter, les autres survivantes et moi, pour le restant de nos vies. »
Etats–Unis : Le procès du producteur Harvey Weinstein accusé de viol touche à sa fin
Harvey Weinstein n’a jamais reconnu les faits
La procureure Joan Illuzzi-Orbon, qui a mené l’accusation durant le procès, n’a pas demandé de peine précise, demandant au juge une peine qui reflète « la gravité des crimes du condamné, son absence totale de remords (…) et la nécessité de le dissuader, lui et d’autres, de commettre de nouveaux crimes ».
Dans sa lettre, la procureure énonce des accusations d’agressions sexuelles qui s’étalent sur près de quarante ans, la première remontant à 1978. Harvey Weinstein n’a jamais reconnu publiquement autre chose que des relations consenties avec les femmes qui l’accusent et, de fait, n’a exprimé aucun remords ni présenté d’excuses.
N.R.M
Lundi, le producteur déchu a été jugé coupable d’agression sexuelle au premier degré (sous la contrainte) et de viol au troisième degré par un jury de Manhattan.
Le magna du cinéma américain va passer sa première nuit en prison ce Mardi. Il a toutefois été acquitté de la charge la plus grave (comportement sexuel « prédateur ») qui était passible de la perpétuité. Harvey Weinstein risque 25 ans de prison et sera fixé sur sa peine le 11 mars. En attendant, le juge a ordonné son placement en détention, et Weinstein a quitté la salle d’audience menotté.
« Harvey est déçu mais il est fort, il a encaissé comme un homme, le combat n’est pas terminé », a déclaré son avocate Donna Rotunno : « C’est très difficile d’avoir un procès équitable », a-t-elle continué, confirmant que son équipe allait faire appel.
Le jury de sept hommes et cinq femmes a rendu son verdict après cinq jours de délibérations, et un mois d’un procès ultra-médiatisé, emblématique du mouvement #Metoo. Tout au long de la semaine dernière, les jurés ont demandé que leur soient relus plusieurs témoignages car ils ne parvenaient pas à s’accorder sur un verdict à l’unanimité sur la charge la plus grave.
« Une nouvelle ère pour la justice »
Le mouvement Time’s Up s’est félicité d’un verdict marquant « une nouvelle ère pour la justice ». « Le verdict du jury envoie un puissant message au monde sur l’ampleur des progrès accomplis depuis que les femmes qui sont sorties du silence contre Weinstein ont déclenché un mouvement qui ne s'arrêtera pas ».
Le procureur de Manhattan, lui, a estimé lundi que les six femmes qui ont témoigné contre Harvey Weinstein et les deux femmes procureurs en charge du dossier avaient « changé le cours de l’histoire ». « Un viol est un viol qu’il soit commis par un inconnu dans une ruelle sombre, ou par un partenaire dans une relation intime », a-t-il souligné devant les journalistes. « C’est un viol même s’il n’y a aucune preuve matérielle et si ça s’est passé il y a très longtemps ».
Pour Harvey Weinstein, le procès à New York était le premier, mais sans doute pas le dernier: en janvier, il a été inculpé à Los Angeles pour deux autres agressions sexuelles.
N.R.M
Les délibérations commenceront mardi. La défense avait la parole ce jeudi. Les avocats de l’ex-magnat d’Hollywood ont appelé les jurés à l’acquitter mais aussi d’ignorer l’agitation médiatique après trois semaines de procès où les notions de contrainte et consentement de ses accusatrices ont paru souvent brouillées.
Dans sa plaidoirie finale de plus de quatre heures, Donna Rotunno, principale avocate d’Harvey Weinstein, a accusé les procureurs d’avoir créé un univers alternatif dans lequel le producteur aux plus de 80 Oscars s’attaquait à de jeunes actrices, sans fournir les preuves de la culpabilité de celui qui a donné naissance malgré lui au mouvement #MeToo.
« Il était innocent quand il a franchi cette porte. Il était innocent quand les témoins ont commencé à déposer. Et il est innocent, assis devant vous maintenant », a-t-elle lancé aux 12 jurés du tribunal de Manhattan.
« Les médias ont fait du zèle, l’accusation a fait du zèle (…) Vous êtes appelés à prendre une décision impopulaire et à ignorer l’agitation médiatique autour de ce dossier…Ne laissez jamais vos émotions brouiller votre réflexion. Utilisez votre bon sens new-yorkais, il vous mènera à la bonne réponse », a-t-elle ajouté.
La ligne du consentement brouillée
Le producteur de 67 ans, qui fut le premier à découvrir le talent de Quentin Tarantino et produisit des succès comme Shakespeare in Love ou The Artist, risque la perpétuité en cas de condamnation. Il nie les faits et assure que toutes ces relations étaient consenties.
Six femmes ont, depuis le 22 janvier, témoigné pour l’accusation, affirmant que l’ex-magnat d’Hollywood, devenu un paria pour l’opinion publique, les avait sexuellement agressées.
Si Harvey Weinstein a été accusé de harcèlement ou d’agression sexuelle par plus de 80 femmes depuis octobre 2017, son avocate Donna Rotunno a cependant rappelé aux jurés qu’il n’était jugé à New York que pour deux agressions présumées : un viol supposé sur une aspirante actrice, Jessica Mann, en 2013, et un cunnilingus forcé sur une ex-assistante de production, Mimi Haleyi, en 2006.
Or dans ces deux cas, la notion-clé de consentement s’avère plus floue que dans la plupart des procès pour agressions sexuelles. Les deux femmes ont en effet reconnu au cours du procès avoir eu avec Harvey Weinstein au moins un rapport sexuel consenti après l’agression supposée.
Donna Rotunno a à maintes reprises jeudi fait référence aux nombreux courriels et textos semblant montrer que les accusatrices étaient restées en bons termes avec le producteur après leur agression présumée : « La vérité laisse des traces », a affirmé l’avocate, appelant les jurés à examiner les preuves en temps réel, plutôt que de croire à un monde imaginaire où les femmes n’auraient « aucun libre arbitre.
Weinstein souriant en sortant
Dans le monde des procureurs, « les femmes ne sont responsables ni des soirées où elles se rendent, ni des hommes avec lesquels elles flirtent… ni des emplois qu’elles veulent qu’on les aide à obtenir, » a-t-elle souligné, insinuant que les victimes présumées avaient utilisé Harvey Weinstein pour avancer leur carrière.
Elle s’est dite « désolée pour Jessica Mann », qui a maintenu avec Weinstein une relation amoureuse compliquée, de son propre aveu, plusieurs années après son viol présumé, et s’est effondrée lors de son contre – interrogatoire par la défense. A en croire Donna Rotunno, elle a été manipulée par les procureurs.
L’avocate a aussi rappelé aux jurés qu’ils ne pouvaient condamner Weinstein que s’ils étaient certains de sa culpabilité « au-delà d’un doute raisonnable ». Le producteur, en costume sombre et cravate, s’est montré souriant à la sortie du tribunal jeudi, visiblement ravi de la plaidoirie de Mme Rotunno.
Délibérations à partir de mardi
Après la défense, c’est la procureure Joan Illuzzi-Orbon qui prononcera sa plaidoirie finale vendredi, avant le début des délibérations mardi. Les jurés doivent arriver à un verdict à l’unanimité. En cas de désaccord, le procès serait annulé. L’accusation pourrait alors décider de tenter un nouveau procès – comme ce fut le cas pour la vedette de télévision Bill Cosby, accusé lui aussi d’agression sexuelle et condamné à l’issue d’un deuxième procès en avril 2018. S’il était acquitté à New York ou si le procès était annulé, Harvey Weinstein aurait à répondre d’autres inculpations pour deux agressions sexuelles à Los Angeles, annoncées début janvier.
N.R.M