Depuis la proclamation des résultats des élections contestés par plusieurs formations politiques, l'opposition notamment le MRC multiplie les actions de « provocation », manifestation visible, du pouvoir protestataire.
D’un autre côté, l’idéologie de « l’irrecevabilité » qui a réussi à germer du contexte social lui-même, laisse subodorer que depuis 36 ans, le peuple camerounais est resté « irrecevable » dans divers aspects de la vie sociopolitique ou économique… A titre d’illustration, selon la Banque Mondiale, le taux de croissance était de 3,2% en 2017 contre 5,7% en 2015. Or pour l’INS (2016), une croissance économique d’au-moins 7% est nécessaire pour entamer une réduction de l’extrême pauvreté au Cameroun.
Considérée comme une grille de lecture et de compréhension de la paupérisation d’une bonne frange de camerounais désœuvrée, frustrée, choquée et écrouée par une élite accroc aux détournements de la chose publique, amoureuse des belles formes, des véhicules de luxes, des châteaux, des voyages, des extrémités féminines et promesses, l’idéologie de l’irrecevabilité prône en fait, le « changement » sinon la rupture avec les manières politiques érigées en normes sociales.
Cette façon de voir, de concevoir et même de percevoir le monde s’oppose malheureusement à la vision monotone commune à plusieurs hauts cadres de l’Etat donc la mission voilée serait de maintenir le statu quo par tous les moyens.
Rien de surprenant lorsqu'on sait que dans la plupart des Etats qui appliquent le modèle du paternalisme, il est inadmissible de tolérer une quelconque insurrection car le chef de la grande famille Etat avec ses notables, a pour mission, de distribuer les ressources selon sa sagesse à tous ses enfants c’est-à-dire à ses collaborateurs et au peuple. Par conséquent, aucune insoumission n’est tolérée, quiconque osera s’opposer, sera banni de la grande famille et donc de la responsabilité du père qui attend de ses « enfants » des remerciements, de la soumission totale, des louanges et des courbettes. Le Chef de famille serait donc l’homme providentiel, un sage, une bibliothèque humaine, un visionnaire au milieu de serviteurs acquis à sa cause, lorgnant les merveilleux privilèges dus à son siège et développant des stratégies pour le renverser.
Doté du pouvoir légitime et légal d’action contenu dans les institutions, l’Etat qui a le monopole de la violence peut se permettre d’utiliser toutes ses cartouches en interdisant par exemple des manifestations soupçonnés antagonistes, en arrêtant des citoyens qui osent manifester une certaine illumination et même en menaçant de dissoudre des mouvements contradictoires à la philosophie du conformisme qui pourtant, reste une utopie en démocratie…
L’usage d’une telle violence par l’Etat se positionne dans l’échiquier des interactions politiques comme étant une réaction à une provocation. Dès-lors, la violence d’Etat se justifierait par le fait que « la provocation entraîne la répression ». En revanche, la violence contestataire, protestataire ou subversive apparaît comme une volonté manifeste à marquer une opposition à un ordre sociopolitique jugé illégitime ou oppressif. Les individus qui choisissent donc d’exercer une telle violence, se donnent pour raison, le devoir de lutter contre l’asservissement : « c’est la répression qui justifie l’insurrection ».
Si l’opposition continue à se radicaliser et si le ton de l’Etat atteint une fermeté inébranlable alors notre beau pays risque fort bien de traverser une période sérieusement trouble entretenue par un peuple assoiffé de liberté fondement de toute existence.