Un message qui sonne comme une interpellation, alors que certains camerounais s’amusent à semer les graines de la division, du tribalisme, du repli identitaire et n’hésitent pas à s’en prendre à l’Institution de leur pays, aussi bien sur le plan national qu’international. Un appel à considérer l'entente et la réconciliation avant qu'elle soit imposée par les mêmes qui auront déclenché la destruction. A qui profite le crime ? La question que devraient se poser tous les citoyens avant de se lancer dans ces aventures qui démontrent la bassesse de la dignité et de l'intelligence de ceux qui s'y lancent aveuglément.
« Le business de la haine
Je me suis toujours demandé, en lisant les rapports de guerre communautaires sous d'autres cieux, comment des gens qui vivaient en bonne intelligence, en étaient arrivés à se massacrer comme des animaux. Comment les Bété et les Dioula en Côte d'ivoire ou les Tutsi et les Hutu au Rwanda avaient pu aller aussi loin. Comment des gens en arrivaient à tuer suite à un mot d'ordre de personnes qu'ils n'avaient jamais vues, avec qui ils n'avaient eu aucune relation, et dont l'unique chose qu'ils avaient en commun était la tribu... En regardant la scène camerounaise, je crois que je commence à comprendre. Alors je t'écris aujourd'hui, jeune camerounais, pour te dire ce que tu sais peut être déjà.
La haine est un business et aussi un formidable ascenseur pour les politiciens professionnels pour accéder aux privilèges qu'ils convoitent. Ce business repose sur un postulat simple : « Tu n'es pas ce que tu devrais être ou là où tu devrais être parce qu'un autre s'est mis entre toi et ton destin. Il faut donc l'éliminer ». C'est ainsi que les entrepreneurs de la haine réussissent à embarquer les gens dans leur entreprise.
Alors toi qui me lis ce matin et qui as déjà limé ta machette, prêt à en découdre, toi qui attends impatiemment le D-day pour en finir avec ceux qui sont responsables de ta situation et qui se trouvent tous être de l'autre ethnie, je vais te dire dès maintenant ce qui t'attend au pas de la porte : Tu vas rencontrer de l'autre côté, d'autres jeunes, braves comme toi et encore plus vicieux, eux aussi nourris à la mamelle de la haine comme toi et ne reculant devant rien. Tu en tueras un grands nombre, mais tu perdras aussi un grand nombre de frères, de sœurs, de parents, d'amis, de connaissances, de relations... Ton avenir t'attendra sagement au coin d'une rue en terre, quand tu tomberas dans une embuscade, ou, si tu es chanceux, dans un hôpital de fortune, où tu seras pris en charge par un médecin de la croix rouge, le visage défiguré, les marques de la guerre bien visibles sur ton corps déchiqueté.
Tous les jours RFI se chargera de faire le décompte des morts, en attendant qu'il atteigne le seuil qui déclenchera l'indignation de la communauté internationale. Certaines mauvaises langues disent qu'il commence à 3000. Un matin, du fond de ton lit d'infortune, tu l'entendras dans le journal officiel : Création de la commission de réconciliation.
Et qui sera nommé à la tête de cette commission ? Le même type qui t'avait dit que c'est l'autre qui est responsable de ton malheur. Tu le verras, tout sourire, promettre au JT de 20h, œuvrer pour la réconciliation et t'appeler à pardonner. La commission sera créée avec un budget de 25 milliards qu'ils vont se répartir entre eux au travers des arnaques appelées consultations. Tu seras là, au fond de ton lit de fortune, le regard noir, la jambe amputée, perdu dans tes pensées, avec une longue liste de comptes à régler. Mais là dehors la donne a changé.
Tu ne peux plus massacrer impunément. Et même si tu le voulais encore, tu n'en as plus les moyens ni la force. C'est là que tu te rappelleras que, comme par magie, aucun de ceux qui t'ont mené là où tu es n'as été tué, ni eux, ni leurs familles. Peut-être bien que, pour te galvaniser, ils ont dû sacrifier un arrière petit fils du cousin de la tante de la sœur de la grand-mère du président de la République...
Mon frère, sache que dans ce business, tu ne seras qu'un pion. Demande aux dioula et bété de côté d'ivoire qui sont obligés aujourd'hui de se tolérer, de vivre ensemble par les mêmes qui leur avaient dit que ce n'était plus possible. Pense à ces gens qui sont obligés de vivre aujourd'hui avec les séquelles d'une guerre qui n'aurait jamais dû vivre, et qui sont obligés de garder leur frustration en sourdine, la rancœur plein le cœur, et l'avenir en pointillés... C'est ça que tu veux pour toi et ton pays ? C'est ce genre d'avenir que tu veux pour toi et tes enfants ?
Sache donc que dans une guerre civile, il n'y a que des perdants Et que, quelle que soit la force de ton clan, à la fin, on vous imposera la réconciliation.
Voilà, tu ne diras pas que je ne t'avais pas prévenu. En limant ta machette ce matin, relis bien mes paroles, elles sont celles d'un gars qui a vu ce qui s'est passé ailleurs… ».
N.R.M