Le 01er octobre, au tribunal de grande instance de Nanterre, une dizaine de membres de l’ethnie bunong ont témoigné contre des entreprises liées au groupe Bolloré accusées d’accaparement de terres.
Selon plusieurs sources, une dizaine de membres de l’ethnie bunong ont témoigné mardi 1er octobre devant le tribunal de grande instance de Nanterre dans le cadre d’un procès intenté au groupe Bolloré, à sa filiale Compagnie du Cambodge et à la Socfin-KCD. Ces femmes et ces hommes, qui s’estiment spoliés de leurs terres, ont assisté en rangs serrés et en silence, à une audience dite de mise en état dans l’affaire qui les oppose, depuis 2015, au groupe de l’industriel breton, dont le siège se trouve dans le ressort du TGI.
Les 80 plaignants du village de Busra, dans la province du Mondulkiri, accusent ces entreprises de s’être rendues coupable d’accaparement en 2007 de quelques 7 000 hectares de forêt composant leur terre ancestrale pour y développer des plantations d’hévéa, bouleversant le mode de vie des Bunongs basé sur la sacralisation de leurs forêts, une agriculture itinérante et la collecte des produits de la forêt. Ainsi, les Bunongs réclament la reconnaissance de responsabilité du groupe Bolloré dans ce qu’ils estiment être une spoliation, la restitution de leurs terres ainsi que des dommages et intérêts.
« Cette société est venue investir dans mon village mais ils n’ont pas respecté la loi. Ils n’ont pas obtenu le consensus du village. Je demande qu’on me rende ma terre », a confié Soang Prou, l’une des plaignantes à l’AFP. « Il y a des années, la forêt et les animaux sauvages suffisaient à notre quotidien. Quand la compagnie est arrivée, nous avons perdu notre terre et notre culture », a indiqué un autre au Parisien la veille de l’audience.
Le Parisien décrit également les larmes de Phoul Klang, un des plaignants qui raconte « Paris est grand et les gens d’ici ont une meilleure vie. Pourquoi la Socfin est-elle venue dans mon village détruire notre terre ? ».
Entre colère et incompréhension, les plaignants qui ont fait le déplacement ont rappelé qu’ils venaient réclamer « justice pour (leurs) familles » et qu’ils espéraient « que la justice française soit plus indépendante » que chez eux, où leurs plaintes sont restées sans suite.
Pour l’avocat des plaignants Me Fedor Rilov, tout l’enjeu est de « démontrer que Bolloré était le véritable décideur ». En effet, selon lui, Terres Rouges Consultant, une société liquidée en 2012 et installée dans la tour Bolloré, « gérait depuis Puteaux les plantations du Cambodge ». Le groupe, actionnaire à 39% de la Socfin-KDC, nie quant à lui toute responsabilité. La défense demande aux plaignants cambodgiens de fournir des documents prouvant qu’ils disposent du droit de propriété ou de jouissance des terres qu’ils disent avoir perdues. Notons cependant que, de nombreux Cambodgiens occupent des terres depuis des décennies sans posséder de titres de propriété formels, un phénomène qui touche d’autant plus les minorités ethniques.
Massifs au Cambodge, les accaparements de terres ont touché des centaines de milliers de Cambodgiens depuis 2010 selon la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH), qui avait publié en 2011 un rapport sur les violations des droits de l’homme liées aux plantations d’hévéas de la Socfin-KCD
Pour l’heure, le jugement n’a pas encore été prononcé. Le tribunal rendra sa décision le 08 novembre. Affaire à suivre…
Danielle Ngono Efondo