Le clinicien a décidé de donner les détails sur le cas du malade dont l’affaire a conduit à la fermeture de son officine aux médias – option qu’il dit regretter à cause du secret médical. Toutefois, il ne dit mot concernant la convocation envoyée par sa hiérarchie après les plaintes émises suite à des surfacturations
« Nous les médecins, nous n’avons pas l’habitude de faire notre métier dans les médias. Et nous sommes toujours très gênés et très peinés quand on perd un malade.
Donc je vais commencer par adresser mes condoléances à cette famille, et regretter l’aspect médiatisation excessive que prend cette affaire, mais ils en portent seuls la responsabilité. C’est un patient qui a de gros antécédents cardiaques et qui est suivi à l’hôpital de la garnison militaire à Douala.
Il s’y est rendu jeudi dernier (7 avril 2020, ndlr), parce qu’il avait perdu la mobilité d’une partie de son corps. Et là-bas on a diagnostiqué un AVC. Il avait les problèmes de respiration. Ils ont voulu le mettre sous oxygène mais tous les lits de réanimation étaient occupés.
Ils sont allés à l’hôpital général, et compte tenu de la pandémie actuelle, tous les lits de réanimation là-bas aussi étaient occupés. Et on leur a demandé de venir ici à la polyclinique Marie O. Avec un diagnostic d’AVC, nous l’avons admis en réanimation mais très rapidement, je me suis posé la question de savoir pourquoi un malade d’AVC qui est un ancien hypertendu aurait des difficultés pour respirer.
Et sur ce, j’ai fait venir une ambulance médicalisée et nous l’avons conduit dans un centre de radiologie de la place pour faire un scanner cérébral et thoracique. Pourquoi j’ai fait ça ? Mais parce que de l’expérience que nous avons, nous a montré que la Covid donne plusieurs pathologies.
Elle est essentiellement pulmonaire parce que le virus entre par les voies aériennes respiratoires, mais j’ai déjà eu ici une insuffisance rénale aigue, nous avons eu deux cas d’an céphalées atteintes du cerveau à Covid, nous avons une forme digestive, et une forme pulmonaire. Le résultat par scanner est venu. Il y avait des images de pneumopathies bilatérales en ver dépoli type Covid 19 qui atteignait plus de 60% des poumons.
J’ai expliqué à ses enfants que c’était très grave et qu’il avait des facteurs de comorbidité c’est-à-dire son âge, son hypertension artérielle, et le fait qu’il avait fait plusieurs AVC et que la situation était grave mais que nous allions le soigner.
Mais qu’il fallait qu’ils aillent à l’hôpital Laquintinie, parce que c’est le centre de référence Covid avec HPPL de Yassa. Ils ont dit non, qu’ils voulaient que je le soigne ici. Je leur ai rappelé que le coût sera plus qu’à Laquintinie, et ils ont signé l’engagement. Effectivement, ils ont déposé la somme de 250.000 FCFA. Là-dedans, il faut d’abord retirer les frais de scanner et d’ambulance.
Voyant qu’ils avaient des difficultés, j’ai appelé mon confrère radiologue pour lui demander de faire des prix spéciaux pour cette famille. Les deux scanners et l’ambulance ont été facturés à moitié prix (le scanner cérébral coûte 100.000 il leur a été facturé à 50.000Fcfa.
Un scanner pulmonaire c’est 130.000, il leur a été fait à 60.000 FCFA. Une ambulance médicalisée, dans le cas de Covid 19, c’est 150.000 FCFA. Elle leur a été facturé à 70.000 FCFA. Voilà les efforts que nous avons faits, et nous avons soigné ce malade.
Mais malheureusement, il est décédé lundi matin. La famille ne posait aucun problème quand on leur a dit qu’il est décédé. Sauf qu’ils ont voulu des arrangements que j’ai refusé. C’est-à-dire que le chef de village attendait la dépouille parce qu’il était un notable dans son village. Je leur ai dit que ce n’était pas faisable.
Que pour des raisons de sécurité prises par le gouvernement, de protection sanitaire nationale, que les décès comme ceux-ci n’appartenaient plus aux familles, mais à l’Etat qui allait encadrer le processus.
Nous avons appelé la délégation régionale de la santé, qui devait envoyer une équipe pour les prélèvements post-mortels pour les statistiques officielles et stériliser, faire les mesures d’hygiène.
Ils sont allés à Laquintinie acheter la housse mortuaire, ils ont acheté le cercueil, ils sont venus avec le corbillard et tout a dégénéré. Et c’est normal, car certains membres de la famille exigeaient de voir le corps.
Et c’est normal qu’ils n’aient pas vu leur père pendant quatre jours, car c’est une maladie hautement contagieuse. On est obligé de protéger tout le monde, et c’est la grande désolation pour tout le monde. Voilà la situation. C’est tout » !
N.R.M