La France vient de déclassifier une première partie des archives diplomatiques, portant la mention «Très secret» et relatives à la répression des nationalistes camerounais pour la période 1957-1969, a annoncé jeudi le Quai d'Orsay.
«Comme elle s’y était engagée en 2015, la France contribue à faire toute la lumière sur les épisodes tragiques de la répression des maquis indépendantistes des années 1950 et 1960 au Cameroun», a indiqué le Quai d'Orsay dans une note d'information, reprise par l’AFP.
Il a indiqué qu'une première série de plusieurs fonds d’archives diplomatiques (une centaine) relatifs à ces événements pour la période 1957-1969 a été «classée, inventoriée et rendue consultable» à la salle de lecture du centre des Archives diplomatiques de La Courneuve. Tous les documents de ces fonds émis par le quai d’Orsay et portant une mention «très secret», soit une centaine, ont été déclassifiés.
Le ministère français a précisé que le travail d’inventaire, de classement et de déclassification des documents relatifs au Cameroun pour la période allant jusqu’à 1971 «se poursuit et devrait s’achever en 2019».
En juin 2015, rappelle-t-on, le président français à l'époque François Hollande avait promis, lors d'une conférence de presse conjointe avec le président camerounais, Paul Biya, de déclassifier les archives camerounaises de la période 1950-1960.
La génération d’aujourd’hui pourrait bientôt connaitre les vérités cachées de la guerre pour l’indépendance du Cameroun qui a opposé entre les années 50 et 60, les nationalistes au pouvoir colonial français.
Selon plusieurs observateurs de la scène politique, il s’agit là, d’une suite favorable à une préoccupation du journaliste et parton de presse Severin Tchounke pendant une conférence de presse conjointe de François Hollande et son homologue camerounais Paul Biya, à Yaoundé le 03 juillet 2015.
«Monsieur le Président, 50 ans après les indépendances, il demeure un conflit latent, historique, sur la période d’administration du Cameroun par la France. Le moment n’est-il pas venu d’adresser cette question en déclassifiant les documents y relatifs ? Le Cameroun peut-il s’attendre à une démarche de votre part, similaire à celle que vous avez effectuée en Algérie». Telle était la question du journaliste.
Elle avait reçu la réponse suivante de la part du prédécesseur d’Emmanuel Macron: «C’est vrai qu’il y a eu des épisodes extrêmement tourmentés et tragiques même. Puisqu’après l’indépendance, il y a eu une répression en Sanaga-Maritime, au pays Bamiléké, et nous sommes, comme je l’ai fait partout, ouverts pour que les livres d’histoire puissent être ouverts, les archives aussi».
En 2015, le Pr Daniel Abwa, historien, vice-recteur chargé des enseignements, université de Yaoundé I, estimait qu’ «il y en a beaucoup de documents relatifs à la période dite de rébellion ou du maquis que le Cameroun n’a pas. Pendant la présence française ici, du temps de la guerre pour l’indépendance, l’administration sous son autorité a pris plusieurs documents appartenant à l’Union des populations du Cameroun (UPC). Ce parti avait sa manière d’écrire l’histoire politique du Cameroun, telle qu’il l’a voyait. Et nous ne pouvons retrouver ces documents que dans les archives qui ont été emportées et classifiées par les Français. S’ils sont déclassifiés, nous avons la possibilité de connaître l’histoire du Cameroun pendant cette période, telle qu’elle était vécue par les upécistes à l’époque».
«En ce qui me concerne, par exemple, j’ai obtenu l’autorisation de consulter certains messages dans la région bamiléké. Il s’agit des messages que ceux qu’on appelait « maquisards » élaboraient pour empêcher les Camerounais de collaborer avec les autorités françaises. Nous aurons donc là une aubaine, si la déclassification se fait. En fait, ce sont les Français seuls qui savent ce qu’il y a dans les archives concernées. Et ce sont eux seuls qui peuvent dire s’ils vont tout déclassifier, car personne n’ira le vérifier, ne sachant pas ce qu’il y a dans ces sources-là», concluait-il.
Otric N.