Bernard Ouandji est économiste et ancien fonctionnaire du système des nations unies. Il décrypte pour Agence Cameroun Presse les implications économiques des crises sécuritaires que traverses le Cameroun avec un accent sur la crise dans le Nord Ouest et le Sud Ouest du pays.
- Quelles sont les conséquences de la lutte contre Boko Haram et de la crise dans le Nord Ouest et le Sud Ouest dans l'économie du Cameroun ?
Vous savez déjà que l'Extrême Nord du Cameroun a une part très réduite dans le Produit Intérieur Brut (PIB). Ce qui fait que sur le plan économique, ici dans le Sud, on ne ressente pas vraiment les effets de ces perturbations occasionnées par Boko Haram.
En ce qui concerne la crise au Nord Ouest et au Sud Ouest, l'impact aussi est très limité du point de vue des résidents et de consommateurs qui sont à Douala, Yaoundé et Ngaoundéré. C'est paradoxal, parceque le Sud Ouest à lui seul, du fait des richesses pétrolières, contribue à près de 20% des recettes nationales fiscales.
- L'exploitation du pétrole est elle menacée ?
Ce qui est etrange, c'est que le pompage et l'exploitation du pétrole continue comme avant, malgré la crise armée et les violences connues dans le Nord Ouest. Puisqu'il se pompe en Mer et il est chargé dans les navires en Mer, les assaillants ne peuvent pas vraiment perturber son exploitation. Donc ça peut durer pendant des années.
J'ai été économiste des Nations Unies en Angola pendant 06 ans. Or l'Angola était en guerre depuis 27 ans. À ce moment, le gouvernement central à Luanda, qui était reconnu par la communauté internationale, continuait de bénéficier de l'exploitation du pétrole. Il est arrivé une fois que les rebelles de l'UNITA ont tenté une attaque en direction des plateformes, ce sont les compagnies pétrolières elles mêmes qui se sont chargées de repousser les rebelles. C'est dire que malgré ce qui se passe sur le continent dans le Nord Ouest et le Sud Ouest, le pompage et l'exploitation du pétrole continue comme avant.
- la crise a causé la destruction de plusieurs plantations dans ces localités. Quelles peuvent être les implications sur l'économie de notre pays ?
Selon un rapport que j'ai reçu pas plus tard que ce samedi (10/11/2018 ndlr), les plantations sont pratiquement à l'arrêt. La PAMOL, la CDC. En tout cas, ça ne tourne pas à un rythme industriel. Et vous devez savoir que lorsqu'une industrie agricole est en arrêt de la sorte, la remettre en marche ne sera pas facile. L'huile de palme, le caoutchouc, la banane sont très recherchés sur le marché mondial en ce moment.
À l'heure actuelle, le Cameroun importe près de 100 mille tonnes d'huile de palme du Gabon. Or il n'y a pas plus de 10ans que le Gabon s'est investi dans la production de ces denrées. C'est "OLAM" une entreprise d'Asie du Sud-Est qui est en charge de la culture et de l'exploitation de l'huile de palme et de l'Heveha au Gabon. Conséquence, le pays d'Ali Bongo nous exporté déjà l'huile de palme.
Tout ceci nous donne de constater que l'économie du Sud Ouest est morte à 80%, excepté bien sûr le pétrole.
Propos recueillis par Stéphane Nzesseu