Présidentielle au Nigeria, la course à la succession de Buhari est lancée.
Le président du Nigeria, Muhammadu Buhari, et son principal rival, le richissime homme d'affaires Atiku Abubakar, ont dévoilé leur programme donnant lundi le coup d'envoi de la campagne présidentielle, à trois mois du scrutin.
Ils devront choisir leur président parmi 78 candidats. Mais le véritable duel opposera le président sortant, candidat du Congrès des Progressistes (APC) et le chef de file de l'opposition (Parti populaire Démocratique, PDP).
Il y a quelques mois encore, l'ancien général Buhari, 75 ans, était quasiment assuré d'une victoire face à une opposition divisée mais son parti a subi de nombreux revers et des défections en série.
Atiku Abubakar, ancien vice-président (1999-2007), âgé de 71 ans est un homme politique bien connu des Nigérians, et sa réputation d'homme à l'immense richesse a été ternie par des accusations de corruption et des scandales liés à des conflits d'intérêts, mais aucun de ses détracteurs n'a réussi à le faire comparaître en justice.
En quelques semaines du démarrage de la campagne, il a réussi à rassembler des déçus de la présidence de M. Buhari, dont l'image a souffert du ralentissement de l'économie tout comme de graves problèmes sécuritaires dans le pays.
Les deux candidats s'affrontent sur des axes volontairement différents.
Le candidat Abubakar entend miser sur son succès en tant qu'homme d'affaires et investisseur, pour "remettre le Nigeria au travail", alors que le president sortant Buhari a placé la lutte contre la corruption au coeur de son discours électoral.
A la télévision nationale, Buhari a affirmé avoir tenu ses promesses en termes de sécurité, d'économie et de lutte contre la corruption depuis son élection en 2015.
"Le Nigeria, plus que jamais, a besoin d'un gouvernement stable, tourné vers le peuple", a-t-il asséné. "Nous sommes déterminés à approfondir le travail que nous avons entamé" pour "que les ressources du pays continuent à bénéficier à la société", a déclaré le Président Buhari, dénonçant la corruption comme une "menace existentielle".
Dès son arrivée au pouvoir en 2015, il s'était engagé à récupérer les "sommes astronomiques" d'argent public volé sous les administrations précédentes.
La semaine dernière, le directeur de l'agence anti-corruption (EFCC), Ibrahim Magu, s'est félicité d'avoir saisi l'équivalent de 2,3 milliards de dollars, ainsi que des "villas, stations essences, bijoux, voitures, terrains..."
Toutefois, ces saisies se déroulent souvent hors de toute procédure judiciaire, les opposants de M. Buhari l'accusant de ne cibler que des opposants politiques.
Dans son programme dévoilé dimanche, le président Buhari souhaite, comme il y a quatre ans, mettre l'accent sur la création d'emplois et la diversification de l'économie pour être moins dépendant du pétrole et renforcer le système d'éducation.
Sur ces points, il y a urgence: environ 60% de la population a moins de 30 ans et le pays devrait devenir le troisième pays le plus peuplé du monde d'ici 2050, derrière l'Inde et la Chine.
De son côté, le candidat du PDP a lancé officiellement son programme dans une video en direct diffusée sur Facebook et Twitter, un "choix stratégique" selon son équipe de communication, pour s'adresser directement aux jeunes électeurs.
Le président Buhari avait fait polémique il y a quelques mois, déclarant que la jeunesse nigériane était "paresseuse". Dans une réponse à peine déguisée, Abubakar estime qu'elle est "la richesse la plus précieuse du pays".
Dans un programme de 63 pages largement diffusé sur les réseaux sociaux, il promet notamment mettre en place des programmes de formation professionnelle, de porter le secteur industriel à 30% du PIB d'ici 2015 (contre 9% actuellement), et assure pouvoir sortir "50 millions de personnes de l'extrême pauvreté d'ici deux ans".
En donnant le coup d'envoi de la campagne, Buhari a exhorté tous les candidats et leurs partisans à "ne pas enflammer le pays à cause de la politique", alors que les élections au Nigeria ont souvent provoqué de nombreuses violences.
Le week-end dernier, vingt-quatre pays (dont les Etats-Unis, la Grande-Bretagne, la France, l'Allemagne) se sont dits "gravement préoccupés" par l'achat de voix, l'intimidation à l'encontre des électeurs dans les récentes élections locales, appelant à la tenue "d'élections libres, équitables, transparentes et pacifiques".
Stéphane Nzesseu