Ce jeudi 25 octobre 2018, les Chefs d'États de la CEMAC disent non à la devaluation du FCFA. Ils refusent de s'installer dans le cercle vicieux de cisif. Seulement, ils menent un combat en ayant remis leurs armes entre les mains de l'adversaire.
Le bras de fer entre les États de la zone Cemac d'une part, la France et le Fonds Monétaire International (FMI) d'autres part, s'est poursuivi ce jeudi à Ndjaména. Un bras de fer dont le dernier affrontement direct date du 22 décembre 2016 à Yaoundé. Sur la table des debats, les déficits des réserves de change des pays de la Cemac, le FMI juge nécessaire de déprécier la valeur du CFA par rapport à l'Euro.
La France et le compte d'opération contrôlent le franc CFA
Les États africains n'ont aucun contrôle sur le compte d'opération logé au sein du Trésor français. Alors que les débats étaient houleux entre la France, le FMI et les États de la zone Cemac, le Président Equato Guinéen exige que soit au préalable produit le rapport de gestion de ce compte d'operation avant toute discussion sur la question de la dévaluation du CFA. Les accords de coopération monétaire entre la France et les États africains installent une relation de servitude. Selon ces accords, pour garantir la convertibilité du CFA, les pays de la CEMAC doivent déposer 50% de leurs devises dans un compte logé dans le trésor français.
Seulement, cette contrepartie de garantie n'est pas assurée par la France. Depuis 2014, les États de la zone CEMAC vivent avec accuité les effets de la baisse des cours du baril de petrole. Conséquence, les déficits budgétaires se sont accrus. Or d'après la convention de coopération monétaire entre la France et les États membres, le trésor français devrait intervenir pour renflouer les caisses des États ainsi en difficultés. Ce qui n'est pas fait.
Le système est vérouillé. Les africains pris dans le piège de la dévaluation.
La raison, c'est que la France avec ses déficits et son taux d'endettement très élevé choisi de sacrifier les économies rentières africaines pour sauvegarder la stabilité de leur propre économie. Comme en 1994, il a été demandé aux États de la Cemac de procéder à des ajustements internes. C'est le résultat des assises du 22 décembre 2016 à Yaoundé. Et c'est là qu'intervient le FMI. Il vient prescrire le contenu des ajustements internes à mettre en oeuvre. Comme en 1994, si ces ajustements internes sont insuffisants, on aboutira à la dévaluation.
Le franc CFA est piloté par un trésor publique et non par une banque centrale comme l'exige les principes économiques de création et de gestion d'une monnaie. C'est une curiosité et une exclusivité internationale. N'ayant aucune main mise, les États africains sont à la merci du dictat français qui peuvent décider de la dévaluation du CFA au gré de leurs stratégies économiques.
En l'etat actuelle des discussions, la France et le FMI a posé des conditions bien difficiles à respecter aux États de la Cemac. Le Cameroun, le Tchad, la RCA sont déjà embarqués dans le processus d'ajustement interne. Mais il manque encore le Congo et la Guinée Équatoriale qui ne jugent pas nécessaire de se plier à ces exigences. Depuis 2016, on constate grâce à ce programme d'ajustement interne les pays membres sont passés de 57% à 60% en 2017 de taux de couverture extérieure du CFA. Une croissance qui dans la réalité est un trompe l'œil. Elle résulte de l'amelioration des balances commerciales, mais davantage des avances financières accordées dans le cadre du programme économique avec le FMI et les bailleurs de fonds tels la Banque Mondiale, la Banque Africaine de Développement, l'agence Française de Développement. Cette augmentation n'est pas la conséquence d'un développement interne réel, encore moin de la production d'une plus value dans le PIB des États membres.
La seule issue de secours, pour sortir de cette pression constante de la France et du FMI et donc du risque permanent de dévaluation, c'est la sortie des pays africains de la zone monétaire CFA.
Stéphane Nzesseu