Le Gouvernement admet que plus de la moitié des directeurs généraux (DG) et des présidents de conseils d’administration (PCA) des entreprises et établissements publics du Cameroun continuent de prendre des actes de gestion alors même que leurs mandats sont échus. Cette reconnaissance est contenue dans le « Tome vert » 2021, document annexé à la loi de finances 2022 qui retrace la situation financière de ces entreprises et établissements publics.
D’après le document qui fait référence aux lois de 2017 régissant le fonctionnement de ces entités publiques, « A l’observation, plus de 60% des dirigeants sociaux ont des mandats échus ou ont perdu la qualité qui a présidé à leur désignation ».
Selon ces textes, il est clairement précisé que le mandat des PCA et des autres membres du conseil d’administration est de trois ans renouvelables éventuellement deux fois. Et c’est à juste titre que ces lois indiquent, « Dans tous les cas, les mandats cumulés du directeur général ou de son adjoint ne peuvent excéder neuf ans ».
Cependant, dans la réalité, depuis la promulgation de ces textes, le débat fait rage. Il y a d’un camp, ceux qui pensent que les textes évoqués ne sont pas rétroactifs. S’agissant de leur cas, il faudrait donc remettre les compteurs à zéro en commençant un nouveau décompte à partir de 2017. D’autres encore plus radicales, estiment que les concernées sont anticonstitutionnelles, le pouvoir constitutionnel du Chef de l’Etat ne peut pas être limité par une disposition de la loi parce que la constitution lui confère le pouvoir de nommer en toute discrétion aux emplois civils et militaires.
De sources crédibles, cette interprétation a trouvé des soutiens au plus haut sommet de l’Etat. En mois d’août 2019, alors que la primature préparait un mouvement général dont le but était de faire partir les dirigeants sociaux qui avaient dépassé la limitation des mandats, quitte à les remplacer par des responsables provisoires comme le prévoient les lois, une réaction est venue du palais présidentiel. L’on se rappelle, le secrétaire général de la Présidence de la République (SGPR), Ferdinand Ngoh Ngoh, avait adressé deux correspondances, largement partagées sur les réseaux sociaux, au Premier ministre et au Ministre délégué à la Présidence de la République en charge du Contrôle supérieur de l’Etat, dans le but d’arrêter le processus.
Pour les tenants de la thèse contraire comme c’est le cas de Viviane Ondoua Biwolé, la longévité des dirigeants à la tête des entreprises publiques au Cameroun n’est pas de nature à favoriser leur meilleur rendement. « Les lettres du SGPR ne dédouanent pas les dirigeants publics qui prendraient des actes de gestion alors que leurs mandats sont échus, ce d’autant plus que la loi prévoit que ces actes soient frappés de nullité », fait savoir l’universitaire. Pour celle-ci, il n’existe aucun cadre juridique qui légitime la protection des DG et PCA qui continuent d’assumer leurs fonctions avec des mandats caducs.
Innocent D H