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Le « Droumage » : L’une des tâches les plus pénibles exercée dans les mines de l’Est Cameroun

dimanche, 27 juin 2021 22:04 Nicole Ricci Minyem

Cette activité est principalement menée par les femmes qui, réveillées dès les premières heures de la matinée, s’attèlent à trier, laver, tamiser les graviers pilés, traiter les déchets ou vendre les minerais aussi bien aux nombreux négociants qui circulent dans les camps qu’à des privés

 

Il faut relever qu’elles n’ont pas véritablement le choix, étant donné que c’est de là qu’elles tirent principalement leurs revenus ; Ceux – ci étant plus élevés, par rapport à ce qu’elles pourraient avoir dans la vente des produits issus des champs, d’autant plus qu’elles ne sont pas à l’abri des mauvaises récoltes, suite à la détérioration de l’environnement. 

Même s’il n’est pas inopportun de penser qu’il existe une raison bien plus importante que celles qui sont relevées plus haut :    

Maîmouna, minière de Kana : « Vous savez, nous vivons dans des campements qui sont créés au gré des différentes recherches de l’or que nous recherchons. Nous abandonnons nos villages, nos familles parce que nous sommes informés de la présence de l’or à tel ou à tel autre endroit. Nous ne pouvons de ce fait définir dès le départ, le temps que nous ferons quelque part. Pourquoi dès lors faire des champs » ?

La quête permanente d’un mieux être

La quasi majorité de celles qui ont été rencontrées à Kambele III et à Kana disent fuir la misère, mais aussi les fausses promesses qui leurs sont faites par des « escrocs » qui prétendent leur offrir monts et merveille, alors qu’ils ne cherchent qu’à les utiliser à des fins peu honorables.

Certaines se trouvent obligées de contracter des mariages précoces car, arguent elles, « Cela rehausse le statut social ». Il arrive toutefois que les époux soient obligés de s’absenter pendant de longues périodes, dans la quête des moyens de subsistance et, s’ils ne reviennent pas, pour une raison ou pour une autre, elles contractent de nouveaux mariages, plus par nécessité et pour obtenir un statut dans la société que par plaisir.

Par ailleurs, l’afflux massif des populations diverses sur les sites d’exploitation a entraîné une dégradation rapide des mœurs et la prostitution atteint des chiffres exponentiels.

Bien qu’il soit impossible d’avoir des statistiques nationales officielles récentes sur la prostitution pratiquée sur ces sites, les dernières publiées par la « Fondation Scelles », font savoir qu’en 2010, 40 % de jeunes filles dont l’âge varie entre 9 et 20 ans, seraient victimes de prostitution au sein de ces exploitations.

Conditions de travail et violations des droits humains dans les mines

Selon certains spécialistes, les sites miniers sont un monde à part, une zone de non-droit, où règne la loi de la jungle. Les droits civils et sociaux sont absents et nombreux : pauvreté extrême accompagnée de violations des droits à la santé, en particulière à la santé reproductive, à l’eau potable, à l’alimentation, à la sécurité, à l’éducation et au logement.

Certaines femmes font également savoir qu’elles sont confrontées à l’exploitation sexuelle, qui frise des conditions d’esclavage. Une situation préoccupante pour elles et qui est aggravée par une discrimination basée sur le genre.

Celles qui acceptent de témoigner racontent que parmi elles, nombreuses sont – elles qui sont des filles mères, obligées de vivre avec leurs enfants dans les camps des creuseurs.

Violences faites aux femmes dans les mines

Bien qu’elles soient dans leur grande majorité assez réticentes lorsqu’il faut aborder ce sujet, certaines vont même jusqu’à nier l’existence des cas de violences de tout genre dont elles sont victimes.

Des sources non officielles font savoir que « 15 % de femmes disent qu’elles ne subissent pas des violences sexuelles  et 11,25 % ne se prononcent pas ».

Or, les mêmes sources relèvent que « 73,75 % de femmes subissent des violences sexuelles. Elles sont entre autres recrutées par les propriétaires des sites ou encore des exploitants qui leur imposent la vente de leurs corps pour un revenu…

C’est ce qui pourrait expliquer « le taux de prévalence élevé du Vih, qui est de 4,5 % dans les zones minières ».

Les nombreuses grossesses précoces des filles âgées de 13 à 15 ans, les maladies sexuellement transmissibles, les viols dans le cadre de rites traditionnels pour obliger les femmes à « céder leurs corps sans résistance » et les chantages exercés sur elles par les hommes qui pensent devenir leurs protecteurs sont eux aussi considérés comme des violences.

Malheureusement, elles ne peuvent compter sur aucun véritable soutien : Yanelle, minière à Kambele III : « Nous ne pouvons même pas compter sur la protection des hommes en tenue qui sont pourtant présents ici ; Au contraire, nous sommes considérées comme leur proie. Lorsque nous essayons de nous plaindre, ils nous obligent à coucher avec eux et, nous voyons que ça ne vaut pas la peine. Qui peut nous rendre justice dans ce cas ? Alors, nous sommes obligées de subir et subir encore parce que personne ne peut venir à notre secours… ».  

Risques sanitaires énormes  

La nocivité des activités menées par ces femmes reste une préoccupation de tous les instants. Elles sont entre autres exposées à diverses formes de cancer et diverses autres maladies car, elles travaillent sans masques et pieds – nus. Elles sont aussi exposées aux radiations de certains minerais qui nuisent à leur santé reproductive.  

Leurs enfants sont eux aussi exposés

A Kambele III et à Kana, il est loisible de voir des enfants qui présentent quelques malformations au niveau des yeux, de la tête, de la bouche et des bras, peut être à cause d’une contamination toxique pendant la grossesse chez la mère.

Yanelle : « Nous faisons face à de multiples problèmes de santé parce que vous savez, nous n’avons pas la notion de gynécologie ici chez nous et même si nous y pensons de temps en temps, comment y aller, alors que nous travaillons sept jours sur sept et nous avons très peu de temps de repos dans la journée ;

Je ne vous cache pas que nombreuses parmi nous souffrent de   perturbations menstruelles ; Nous ne pouvons pas compter le nombre d’avortements involontaires dont nous sommes victimes, des mycoses vaginales…Nous aurons pu éviter tout cela et nous prendre en charge, si nous étions proches des Centres de Santé Communautaires, je ne sais pas si c’est ainsi que cela se dit mais bon, nous sommes obligées de vivre ainsi, en espérant qu’un jour, les promesses qui nous sont faites soient enfin tenues ».

L’impérieuse nécessité d’agir dans les plus brefs délais, notamment dans un cadre juridique  

A l’instar des « Principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme » qui mentionne la mise en œuvre du cadre de référence « protéger, respecter et réparer » des Nations Unies.

Cela est d’autant plus important que faire le « droumage » pendant 8, voire 10 heures par jour dans les mines artisanales n’est pas chose aisée : Ce d’autant plus que les femmes, qui y passent la quasi majorité de leur vie, plongées dans des eaux boueuses, pleines de mercure et autres produits chimiques, peinent à sortir de la précarité qu’elles semblent pourtant vouloir fuir.

Bien qu’analphabètes, elles ne manquent toutefois pas de sagesse et savent exactement ce qu’elles désirent afin que leurs conditions de vie soient améliorées.

Leurs souhaits, de même que les propositions qu’elles font, comprennent des solutions durables de santé, de respect de l’environnement et de la terre : (Puits d’eau potable, Centres de Santé, Engrais, Semences…). 

Si l’on considère uniquement les deux derniers éléments, ces femmes pourront ainsi mener des activités qui vont leur permettre d’évoluer vers une économie agricole, éloignée des productions minières.

Toutes sont conscientes que l’industrie minière suit une logique capitaliste et économique qui place le profit économique au-dessus du bien-être des personnes et de la planète.

Il revient donc au Gouvernement Camerounais, notamment au ministère des Mines et du Développement Technologique de même qu’au ministère de l’Environnement et de la Protection de la Nature  de prendre les mesures qui s’imposent afin que l’extraction minière soit contrôlée et respectueuse des droits humains et de l’environnement ; Qu’elle soit une extraction qui participe au bien-être des personnes et ne pense pas uniquement au profit des entreprises exportatrices des minerais.

 

Nicole Ricci Minyem

 

 

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