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Serge Aimé Bikoï: “Le business du gouvernement camerounais met sous le boisseau la dignité humaine”

samedi, 28 mai 2022 14:09 Nicole Ricci Minyem

C’est ainsi que le journaliste a présenté le calvaire que vivent les habitants  de Bali-Besseke à Douala depuis qu’ils subissent les déguerpissements forcés au profit de la multinationale hôtelière canadienne Marriot Bonvoy international, qui envisage construire un espace hôtelier à ce niveau. 

 

Serge Aimé Bikoï: 

 

“ Les formes de contestations de la communauté Sawa sont si tonitruantes qu'il y a eu, hier, une marche pacifique des populations ulcérées par ces expropriations. De manière globale, tout est parti de la construction, en 2014, d'un hôtel 5 étoiles portant le label "Hilton" dans la ville de Douala. Projet, dont le promoteur est Olivier Chi Nouako, Président Directeur général de Immigration and business Canada(Ibc). 

 

D'après la documentation disponible, ce projet est destiné à être bâti sur 2,6 hectares, une propriété de la communauté urbaine de Douala. Ceci se vérifie à l'aune du titre foncier 44477/W dudit espace, où doit être aménagé un îlot de détente, de respiration et de socialisation.

 

Dans le processus de cession foncière, il y a, ce qu'il est convenu d'appeler, une Déclaration d'utilité publique (Dup). En effet, la cession d'un espace à un preneur requiert, au préalable, une Déclaration d'utilité publique. Pour ce faire, la délivrance dudit document rentre dans un dossier technique transversal au niveau gouvernemental. C'est, en réalité, le gouvernement camerounais, à travers le décret du Premier ministre, qui a conceptualisé et structuré la procédure de cession de cet espace de Bali au lieu-dit Dikolo. 

 

Le contrat de bail a, d'ailleurs, été signé le 10 août 2020 et paraphé par la Présidence de la république le 6 août 2020. A la faveur de cette Déclaration d'utilité publique (Dup), il y a eu l'acquisition d'un terrain de 2 hectares 63 ares couvert par les titres fonciers numéro 924925 et 926 Wouri A. Terrain acquis pour la construction et l'exploitation d'un hôtel 5 étoiles pour une période de 50 ans. 

 

En substance, les termes du contrat entre l'État camerounais et l'entreprise Immigration and business Canada(Ibc) indiquent que le preneur doit verser un loyer estimé à 131 millions 650 mil Fcfa par an à la recette départementale du ministère des Domaines, du Cadastre et des Affaires foncières (Mindcaff) du Wouri. Ce montant doit être versé au plus tard le 5 janvier de chaque année. Le montant total du bail, quant à lui, est évalué à 6 milliards 582 millions 500 mille Fcfa sur les 50 années que dure ce bail. 

 

Le coût du projet de construction et d'aménagement du Marriot Bonvoy international de Douala est estimé à 100 millions de dollars, soit 60 milliards de Fcfa. Suivant les prévisions faites, l'entame des travaux dudit projet doit se faire dans 36 mois après la signature du contrat par l'État du Cameroun. De plus, après recoupement des informations disponibles, le projet de construction d'un complexe hôtelier nécessitant une superficie de 2 hectares est passé à 14 hectares en une dizaine d'années. 

 

En fait, la première Déclaration d'utilité publique (Dup) sur le site de Besseke date de 2015. L'arrêté pris le 17 avril 2015 concerne la superficie de 4,5 hectares. Le 14 août 2018, une seconde Déclaration d'utilité publique (Dup) ayant trait à une superficie de 2,3 hectares a été prononcée sur un espace adjacent. Chose curieuse, le 14 mars 2019, un autre décret attestant d'une Déclaration d'utilité publique est officialisé sur un espace estimé à 4,5 hectares. Puis le 9 janvier 2020, un dernier décret  de Déclaration d'utilité publique a été établi sur une autre superficie de 2, 63 hectares. Les deux dernières expropriations étant justifiées par la construction d'un complexe hôtelier sous la bannière de Marriot Bonvoy international. Un autre projet initié par la société Immigration and business Canada (Ibc).

 

Au regard de ce qui précède, il apparaît que la responsabilité des déguerpissements forcés actuels, qui génère des frustrations et des formes de protestations de la communauté Sawa est imputable, de manière générale, à l'actuel gouvernement camerounais, qui a formalisé plusieurs décrets de Déclaration d'utilité publique, dont les dates ont été mentionnées supra. Visiblement pour des enjeux de développement mais il s'agit là des enjeux mercantilistes, dont les instigateurs maîtrisent les tenants et les aboutissants, et qui fragilisent le socle de la dignité humaine.  

 

De manière singulière, la responsabilité incombe à la commission des constats et d'évaluation d'une quarantaine d'habitats concernés par ces expropriations collectives. En réalité, c'est cet organe consultatif constitué du Préfet de la localité territorialement compétent, des cadres du Minat et des experts du Mind Caf(Géologues, Ingénieurs de Génie civil, Bâtiments et Travaux publics, etc) qui est chargé de faire, au préalable, un travail approfondi sur le terrain. 

 

La  besogne de cet organe consultatif consiste, entre autres, pour les experts du Mindcaff, à mener des des études exploratoires et fiables sur le terrain. Question d'exécuter les engagements de l'État relatifs aux indemnisations des populations expropriées. A ce giron, c'est le gouvernement camerounais qui est chargé de dédommager les concernés, en fournissant des ressources pécuniaires à cette commission des constats et d'évaluation des habitants déguerpis. Qui a donc été indemnisé et qui n'a pas été dédommagé ? A ce giron, il y a les personnes véridiques tout comme il y a des filous et des mafieux qui ne travaillent pas à la manifestation de la vérité à travers des preuves matérielles. 

 

Cependant, ceux et celles qui n'ont pas été indemnisés sont appelés à déposer leurs requêtes auprès de cet organe consultatif afin d'être rétablis dans leurs droits. Leurs dommages seront ainsi réparés. Actuellement, la communauté Sawa veut les réparations et les indemnisations tant elle affirme que les habitats de ses frères et sœurs ont été, injustement et indûment, démolis. Il est question de réparer les dommages et intérêts si et seulement s'ils n'avaient pas été dédommagés antérieurement. 

 

A ce niveau-là, chacun doit faire preuve de franchise et de sincérité. Car d'après les informations disponibles, certaines catégories sociales ont été indemnisées alors qu'elles n'avaient pas qualité à être indemnisées. De qui s'agit-il alors? Seule la commission des constats et d'évaluation d'une quarantaine de logements déguerpis est susceptible de nous en dire davantage en faisant montre de transparence sans fard. C'est cet organe consultatif chargé d'identifier les requérants, les acteurs concernés et de procéder à la régularisation en payant leurs indemnisations. 

 

Aussi avons-nous appris que certains ont refusé de décharger des sommes d'argent liées à ces indemnisations. Tout comme il y a ceux et celles qui ont, manifestement, perçu leurs frais d'indemnisation. De manière globale, quand nous apprenons que le gouvernement camerounais perçoit, pour ce projet de développement, 11 millions de Fcfa mensuellement, il y a lieu de conclure à la thèse suivant laquelle les autorités officielles ont choisi de déraciner les populations locales de Bali-Besseke pour des intérêts bassement capitalistes. Le mercantilisme a véritablement supplanté la dignité humaine. Malheureusement !

 

Au-delà de tout, il reste et demeure deux curiosités porteuses de sens: le silence du gouvernement camerounais sur ces expropriations et celui des élites et chefs Sawa alors que leurs frères et sœurs se lamentent depuis le 14 mai 2022”.

 

N.R.M

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