Dans une tribune libre l’économiste pense « être un pays fédéral, c’est être en excellente compagnie ».
Ce qui va détruire le Cameroun, c’est l’orgueil, la cupidité et l’entêtement. On veut nous dire que le Cameroun a réalisé de grandes prouesses en partant de l’Etat Fédéral à l’Etat unitaire. Comment peut-on appeler cela prouesse ? Normalement, on réalise une prouesse quand on part d’une situation dégradée à une situation meilleure. Mais depuis quand l’Etat fédéral représente une régression par rapport à l’Etat unitaire ?
Etre Fédéral, c’est être en très bonne compagnie. Puisqu’on côtoie les vrais grands du monde : les Etats-Unis, l’Allemagne, le Canada, le Brésil, la Suisse, la Russie, l’Inde. Et en Afrique, on se satisfait d’être ensemble avec le Nigeria, l’Afrique du Sud, l’Ethiopie et le Soudan qui sont précisément les Nations les plus puissantes au Sud du Sahara.
D’ailleurs, même les autres puissances que sont la Chine, la Grande-Bretagne, les Pays-Bas, l’Italie ou l’Espagne sont des Fédérations de Facto, autrement dit, des modèles composés d’Etats régionaux autonomes disposant de la même autonomie que les Etats fédérés, avec la seule différence qu’ils n’ont pas de Constitutions propres.
On veut nous dire que l’Etat unitaire réalise l’unité : quelle unité ? Comment un Etat qui oppose ses propres communautés pour le contrôle des emplois publics, des positions de pouvoirs, des infrastructures collectives et des rentes telles que les marchés publics peut réaliser l’unité ? C’est impossible ! Les guerres tribales et les purifications ethniques, c’est essentiellement le fait des Etats unitaires : RDC, Centrafrique, Tchad, RDC, Congo, Sierra-Leone, Liberia, Côte d’Ivoire, etc.
L’Etat unitaire porte la guerre tribale dans son sang. Et le Cameroun n’y échappera pas.
On veut nous dire que l’Etat unitaire réalise le développement : quel développement ? Quel développement peut-on obtenir avec une administration tentaculaire qui veut tout contrôler et ne contrôle rien, qui entretient une jungle touffue et opaque de bureaucrates corrompus, incontrôlables et dont on n’arrive jamais à saisir ni le nombre, ni la masse salariale ? Quel développement peut-on obtenir avec un système qui épuise toutes ses ressources à bâtir sa fictive unité nationale ?
On veut nous dire l’Etat unitaire est rationnel : quelle rationalité peut-on avoir un Etat qui se disperse partout, s’occupe aussi bien des barrages de 400 Milliards que des tables-bancs de 200.000 FCFA, soit un rapport de 1 sur 2 Millions ?
On veut nous dire que l’Etat unitaire est fort : quelle force peut avoir un Chef d’Etat qui prétend s’occuper de tout alors qu’il n’en a pas les moyens ? Comment peut-on être fort quand on est harcelé de tous les côtés ? La seule chose qu’un tel Chef d’Etat peut faire, c’est de tenter d’échapper au harcèlement à travers des brimades et des mensonges à sa population.
Les vrais Chef d’Etat forts, c’est dans les fédérations. Et on le voit tous les jours : ce sont les Présidents des Fédérations qui imposent leur ordre dans le monde.
Il faut le dire très clairement, nous avons fait une erreur en supprimant la Fédération. Si on avait été plus sages, on l’aurait plutôt élargie en 6 ou 7 Etats. Sans doute que cette suppression fut inspirée par de bons sentiments, mais les bons sentiments ne font pas des choix judicieux et, comme on dit, l’enfer est pavé de bonnes intentions.
L’Etat unitaire nous a conduits au gouffre :
-une gouvernance glauque, irréformable, avec des emprisonnements en chapelets qui n’apportent absolument rien ;
-une évolution économique totalement atone, presque paralysée ;
-un tribalisme à outrance, où chaque communauté aiguise ses armes pour s’emparer du pouvoir d’Etat ou le confisquer ;
-une terrible guerre de sécession qui n’en est qu’à ses débuts et qui va saigner le Cameroun à blanc, en dépit de fausses espérance.
Ce modèle n’est plus viable et doit être immédiatement aboli. Certains s’y accrochent par pur intérêt, c’est compréhensible. Mais d’autres le font par idéologie, caressant le rêve dépassé de bâtir une Nation camerounaise ! C’est une vision éculée de la Nation : aujourd’hui, la perception des institutions est une logique de cercles concentriques, où les anciens Etats se délestent de leur pouvoir au profit des entités subétatiques (décentralisation de plus en plus poussée) et au profit des entités supra étatiques (regroupement des pays).
Ce modèle place l’individu au centre de cercles concentriques comprenant :
-la Commune
-le Canton
-l’Etat Régional
-l’Etat fédéral
-la Confédération Régionale ou Continentale (comme la CEAC ou l’Union Européenne)
C’est chaque niveau qui a son champ d’action et c’est cette dynamique que prennent les Etats modernes. Ainsi, on devient de moins en moins citoyen français, mais de plus en plus citoyen européen et citoyen corse.
La construction d’une Nation camerounaise sur l’ancien modèle est une vieille chimère qui ne correspond plus à rien des dynamiques modernes de l’Humanité.
Propos transcrits par Félix Swaboka