Dans une tribune libre, le journaliste et analyste politique Morgan Palmer fustige l’hypocrisie qui règne au sein de la société camerounaise quant à la criminalisation des détourneurs de fonds publics. Selon lui, l’argent volé permet d’une manière ou d’une autre à réguler la société.
Son adresse intitulé « On arrête l'hypocrisie ou pas? » est un véritable rappelle mémoire pour ces concitoyens qui jettent à la vindicte populaire les agents de l’Etat accusés de détournements, pourtant ils sont dans une certaine mesure les principaux bénéficiaires sinon des commanditaires sournois de ce phénomène d’agression des caisses publiques. Le problème, le système défaillant de sécurité sociale dans notre pays.
« J'ai un double sentiment quand je vois les arrestations de détourneurs d'argent public au Cameroun.
1- D'abord la joie de voir notre appareil judiciaire faire enfin son travail.
2- Ensuite la tristesse de ne pas voir émerger dans l'espace public, un vrai débat de fond sur le type de société que nous souhaitons.
Peut-on combattre efficacement les détournements, si notre société n'est pas dotée d'un système de sécurité sociale et si c'est au citoyen qu'il revient d'incarner cette dernière? »
Et quand il parle de sécurité sociale, il précise bien l’étendue de ce qu’il y inclut : « Sécurité sociale à mon sens = assurance maladie pour tous, éducation primaire et secondaire gratuite, rémunération minimum pour chaque citoyen majeur Etc... »
À quel usage sert l'argent détourné par certains pontes de nos administrations ?
« Ce trésor est souvent utilisé pour régler les ordonnances de familles élargies, les frais de scolarités, financer les problèmes sociaux divers, rémunérer les conquêtes féminines qui elles-mêmes s'en servent à leur tour pour nourrir des familles entières.
Donc le Ministre qui vole subit en quelque sorte les pressions sociales que la structure étatique a refusé pour l'instant à solutionner. […] Je me souviens d'un grand DG camerounais. Tous les week-ends devant le portail de son manoir à Yaoundé, de longues files humaines de camerounais l'attendaient. Et dès son réveil, il distribuait des billets de 10 mille F CFA à chacun et payait les ordonnances à d'autres, recrutait leurs enfants Etc...
Bon s'il est vrai qu'il prenait cet argent dans une caisse sans en avoir le droit, peut-on condamner un tel loustic de suppléer l'Etat dans l'une de ses missions régaliennes non assumée qui est de permettre l'accès à l'éducation, aux soins à tous et de leur octroyer un minimum vital mensuel ? Si un tel dispositif était opérant chez nous, je suis à peu près certain que beaucoup de fléaux seraient endigués à la source. Quand personnellement, je vois le nombre de problèmes qu'on me pose au quotidien, alors même que je ne suis gestionnaire d'aucun budget, j'imagine que la vie de ces responsables publiques doit être un calvaire. »
Une réflexion pertinente. Les faits sont éloquents. Elles sont très nombreuses les populations qui bénéficient de ces prébendes. La réflexion est ouverte.