Il y a 36 ans, le vendredi 06 Avril 1984, à 13 heures, le Poste National diffuse l’hymne National du Cameroun. Le sous-lieutenant Yaya Adoum va prendre la parole pour délivrer le message des putschistes qui viennent de lancer un assaut sur Yaoundé. On le sait aujourd’hui, le coup de force n’aura pas prospéré, mais le contenu de ce discours, 36 ans après, continue de marquer les esprits.
« L’armée nationale vient de libérer le peuple camerounais de la bande à BIYA, de leur tyrannie, de leur escroquerie, et de leur rapine incalculable. » C’est par cette phrase que le sous-lieutenant Yaya Adoum ouvre l’antenne du poste national ce vendredi 06 Avril à 13 heures. 15 mois seulement après l’accession à la magistrature suprême de Paul BIYA, un jeune groupe d’officiers et de sous-officiers des armées regroupés au sein du mouvement JOSE attaquent le pouvoir de Yaoundé. Ils déplorent, « l’unité de la nation mise en péril, la paix interne troublée, la prospérité économique compromise et la réputation nationale ternie. »
Les putschistes dénonçaient déjà des attitudes et des comportements qui aujourd’hui encore constituent des leviers qui enfoncent notre pays. « La Constitution était ballottée au gré des considérations de la politique politicienne. Le gouvernement et ses agents propulsés à la tête des rouages de l’Etat, agissaient avec comme pour seule devise non de servir la nation, mais de se servir. Oui, tout se passait comme s’il fallait se remplir les poches le plus rapidement possible, avant qu’il ne soit trop tard. »
Et même le secteur de la justice n’est pas épargné. La corruption est rampante, le despotisme et le clanisme fait son bout de chemin. Depuis l’accession de Paul BIYA au pouvoir, plusieurs des cadres de l’administration publique originaires de la région du Sud proclament à tue-tête « c’est notre tour de manger ». Des réminiscences du tribalisme qui va prendre une place importante dans la nation au fil des années. Au fur et à mesure, le Cameroun va se dégrader et perdre son éclat et sa prospérité d’antan.
Même à contre cœur, il faut reconnaître que les griefs dits hier par les putschistes se vérifient encore de nos jours. Dans une interview accordée au journaliste Venant Mboua, Guerandi Mbara parle des attitudes sectaires qui existaient déjà entre différents corps de l’armée. Une situation qui est perceptible aujourd’hui encore quand on considère les multiples sauts d’humeur des militaires de la Garde Présidentielle, et des autres corps de l’armée qui expriment leurs désaffections avec les officiers supérieurs de l’armée camerounaise. 36 ans plus tard, on a le sentiment d’y être encore.
Stéphane NZESSEU