C’est ainsi que Dieudonné Essomba a intitulé sa tribune publiée ce lundi sur sa page Facebook.
« Les massacres des populations dans un village du Nord-Ouest m’amènent à rappeler ce que j’ai demandé bien avant le déclenchement des événements, à savoir qu’il fallait immédiatement rentrer à la Fédération de 1961 ou toute autre formule renouvelée et ceci pour plusieurs raisons :
- Les Anglophones ne veulent plus de l’Etat unitaire. Ils n’en veulent vraiment plus, quel que soit par ailleurs les réformes qu’on peut y apporter. L‘Etat unitaire leur rappelle tout ce qu’il y a de sournois, de violent, de brutal et de malhonnête. C’est le mot « unitaire » lui-même qui alimente la guerre et il faut en prendre acte. On ne sait pas exactement ce que gagne le Gouvernement à maintenir ce mot malgré les flots de sang ;
- En matière de Sécession, la Communauté anglophone bénéficie de trois avantages décisifs qui rendent pratiquement impossible leur maintien dans un Etat unitaire :
- Ils sont trop nombreux, car une sécession qui couvre 20% de la population n’est plus contrôlable par un Etat unitaire ; à titre d’information, la Sécession du Cabinda, de la Casamance, de la Corse ou du Tibet ne couvre pas 2% de la population ;
- Ils ont déjà vécu sous un régime fédéral, et ils perçoivent cette époque comme un Age d’or qui alimente une irrépressible nostalgie ;
- Ils ont une légitimé internationale, car ils sont venus au Cameroun francophone sous l’égide des Nations-Unies. En cas de conflit, leur situation va nécessairement attirer l’attention de la Communauté Internationale qui viendra imposer ses solutions.
- Enfin, de manière opérationnelle, la Fédération permet de mieux combattre la Sécession par 3 mécanismes :
- Elle assèche l’attractivité de la Sécession, puisqu’elle a aussi ses partisans
- Elle oppose à une police locale qui vient de la même souche sociologique, a une meilleure connaissance du terrain et dispose au moins de la même légitimité. L’armée nationale vient alors en appui. A contrario, l’Armée nationale se confronte directement à la Sécession, elle ne bénéficie pas d’un appui populaire et commet un grand nombre de bavures qui lui donne l’allure d’une force d’occupation
- Elle rend les attaques des Sécessionnistes très difficiles, car la majorité des infrastructures visibles appartiennent en propre l’Etat local. Les populations savent qu’elles n’attendent rien de l’Etat central si ces infrastructures sont détruites, ce qui les amène à se désolidariser des actions des Séparatistes.
Malheureusement, nos positions ont été combattues sur des bases affectives et idéologiques. Bien plus, on nous a accusés de tous les noms d’oiseaux : antipatriotes, pro-ambazoniens, traitres, etc.
Car ce que ceux-là voulaient, c’est de nous départir de notre posture d’analyste froid et de grand patriote pour encourager le Gouvernement à aller sombrer dans le marécage puant où il se débat maintenant désespérément, sans qu’on voit exactement l’issue.
Et les faits sont là, durs et implacables : les Sécessionnistes Anglophones ne déposeront jamais les armes, à moins d’être battus, ce qui est improbable avec l’Etat unitaire ! Il ne faut jamais croire qu’il y aura un moment où les Sécessionnistes, écoutant la voix de la sagesse, viendront déposer tranquillement leurs armes pour rentrer humblement dans l’Etat unitaire. Bien entendu, on aura quelques défections, mais sans grand impact sur le cours des événements.
Car, qu’est-ce que la Sécession anglophone ?
- Ce sont des gens qui ont engagé une rébellion avec des mains nues et des lances, puis des armes artisanales et maintenant, ils ont des armes plus sophistiquées : ce sont ces gens qui vont baisser les armes ?
- Ce sont des gens qui craignaient le moindre sous-préfet et qui obtempéraient devant n’importe quel commandant d’une petite brigade. Aujourd’hui ils ont chassé l’Etat qui se retrouve confiné dans quelques villes sécurisées. Ce sont des gens comme ça qui vont déposer les armes ?
- Voilà des gens dont on prédisait la chute en moins de deux semaines. On croyait alors qu’une petite escouade de gendarmes allait mettre fin au mouvement. Mais quatre ans plus tard, la situation a empiré et ce sont eux qui imposent les Villes Morts, les Rentrées Mortes et les Elections Mortes. Avec succès, malgré les efforts désespérés du Gouvernement. Et vous voyez des gens comme ça déposer les armes ?
- On nous avait dit c’est un problème interne et qu’il n’y aura pas ingérence. Mais il y a l’intervention de plus en plus appuyée des pays étrangers et de la Communauté internationale, et dans la majorité des cas, la sympathie est de leur côté. C’est plutôt le Gouvernement qui est aux abois, qui tente de se justifier avec difficulté. Vous voyez des gens comme ça abandonner les armes ?
- Certains individus nous avaient dit que l’Etat est un Léviathan qui ne cède jamais. Mais après avoir nié le problème anglophone, le même Etat a fini par le reconnaître, avant d’octroyer es statuts spéciaux sans compter d’autres séductions comme les recrutements spéciaux des Anglophones. L’Etat a cédé, et pourtant, les Sécessionnistes ne cèdent absolument rien. Ils ne veulent aucun débat ! Ils veulent seulement combattre pour arracher leur indépendance : ce sont des gens comme ça qui peuvent déposer les armes ?
- La crise a déjà causé 3000 morts, avec des villages rasés, et maintenant, des massacres à grande échelle imputés à raison ou à tort à l’Armée nationale. Ces actes ne font qu’aggraver la fracture et la détermination des combattants. Vous allez demander à des gens dans cet état d’esprit de déposer les armes ?
Il faut le dire de manière claire, dans cette histoire, c’est la cause séparatiste qui avance, qui gagne des points sur le plan militaire, diplomatique et médiatique. La cause du Cameroun qu’on croyait acquise perd de plus en plus du terrain.
Et moi, de faire un TERRIBLE RAPPEL : L’Afrique Noire est née avec quatre Etats fédéraux qui ont eu la maladresse de supprimer la Fédération : l’Ethiopie, le Soudan, la Somalie et le Cameroun. Les 3 premiers ont connu des sécessions victorieuses, les seules d’ailleurs en Afrique.
Il se peut aussi que le Cameroun, dernier sur la liste, empreinte la même voie… ».
N.R.M