Il n'y aura pas eu de surprise au terme de l'examen du 17e recours inscrit au Rolle du Conseil Constitutionnel. Le recours vient d'être rejeté par Clement Atangana et les autres membres du Conseil. Mais la surprise aura été la forte mobilisation des camerounais qui ont tenu à suivre attentivement les débats durant ces trois jours.
Les camerounais ont rêvé. Au terme de trois jours palpitants de débats retransmis en direct devant le monde entier. On aurait dit que les lions indomptables jouaient le Brésil en finale de la coupe du monde de Football. Le contentieux aura fait rêver plus d'un.
Sur les motos, les bensikineurs avaient connecté des haut-parleurs retransmettant les travaux du Palais des Congrès. La radio collée à l'oreille ou à travers les oreillettes, les camerounais dans les rues étaient attentifs. Hassan moto-taximan opérant dans la cité universitaire SOA avait intérêt selon lui à suivre attentivement le dérouler de ce contentieux : "je suis bensikineurs mais je suis aussi étudiant à l'Université. Je fais troisième année droit. Donc pour moi en tant qu'étudiant c'est un moment historique. Je ne veux rien rater mais il faut que je travaille pour manger".
Il faut rappeler que ces trois jours n'étaient pas fériés et chômer au Cameroun. Mais c'est tout comme. On aurait dit que les citoyens s'étaient passé les mots pour faire fonctionner le pays au rythme des débats plutôt houleux du Palais des Congrès.
Dans les administrations publiques, le même engouement était perceptible. Les agents de l'État, poste radio branchée sur le poste national de la CRTV, pour ceux qui ont la chance d'avoir un téléviseur dans leurs bureaux, c'étaient des chaînes de télévisions locales, reprenant le signal de CRTV News qui captivaient l'attention. Entre deux dossiers il fallait jeter un coup d'œil pour savoir à quel niveau on se situe déjà. Qui parle? Comment réagit le magistrat Clément Atangana? L'attention était à son comble. Dans d'autres services, l'occupant du bureau gardait la télécommande à portée de main. Lorsqu'un usager faisait son entrée, il diminuait le volume, une fois celui-ci repartit, il augmentait le volume de son téléviseur pour ne rien manquer de ce qui se dit.
Dans les chaumières, les ménagères ont tronqué leurs Novellas habituels pour se laisser entrainer par ce qui faisait désormais battre le coeur de la nation, le contentieux Post-électoral. Encouragée dans cet élan par les stations de télévision qui ont mis de côté leurs programmes quotidiens pour la retransmission exclusive des débats devant le Conseil. Ne comprenant pas grand-chose au jargon juridique déployé à l'occasion, elles étaient par contre très émues par l'éloquence des avocats, le calme et la courtoisie du Président du Conseil, de la jeunesse et du courage de Me Michèle Ndoki. Michèle Ndoki qu'elles ont d'ailleurs considéré comme la seule amazone dans cette forêt de phallocrates.
À tout point de vue, cette session 2018 du contentieux Post-électoral restera fortement gravée dans la mémoire des camerounais. Un moment devenu historique, peut-être pas par ses décisions, mais tout au moins par la fabuleuse odyssée des avocats du candidat Maurice Kamto.
Stéphane Nzesseu