La morgue de l’hôpital du CHU a été prise d’assaut par des centaines d’enseignants, les membres de la famille du disparu, les élèves et les curieux aux premières heures de cette matinée du 30 Janvier 2020. Tous ont tenu à rendre un vibrant hommage au disparu.
Il était à peine 7h30 mais, la foule était immense. Pas moyen de se mouvoir facilement afin de voir ce qui se passe à l’intérieur de la chapelle ardente du site mortuaire du Centre Hospitalier Universitaire ; alors que le corps après la levée à 9h30, est retenu à l’intérieur de la morgue.
Les seigneurs de la craie, arborant les toges rouges ou bleues ciel sont venus de partout afin d’accompagner leur collègue, mort les armes à la main alors qu’il n’avait qu’une seule envie, partager son savoir avec les enfants qui lui ont été confiés. Pierre Emmanuel Mintamack – Professeur de Français dans un collège de la place : « Je ne pouvais ne pas venir. Vous savez, depuis la mort du jeune Tchakounte Boris le 14 janvier dernier nous n’arrivons pas encore à comprendre ce qui nous arrive. A quel moment est née cette ambiance mortifère entre nos enfants, nos élèves et nous ? Je suis au regret de dire qu’ils sont le fruit de la société. De notre société et, vous avez pu voir, les Forces de maintien de l’ordre ont déployé toute l’armada comme si nous sommes des bandits de grand chemin. Cet enseignant qui les a tous formés est devenu pour tous, celui qu’il faut abattre… ».
« Je suis Tchakounte – Je suis Tchakounte - Je suis Tchakounte » scandent ces milliers d’hommes et de femmes, qui justement disent ne pas comprendre ce fort déploiement sécuritaire.
« Vous savez, il y a longtemps que je ne cherche plus à comprendre mon pays. Expliquez moi, justement ce que craignent les uns et les autres. Pourquoi nous interdire de rendre hommage à notre jeune frère ? Qu’est ce qui peut justifier qu’ils nous envoient tous ces policiers, militaires et autres ? Dans tous les cas, nous irons jusqu’au bout et, jusqu’à Bafou, nous irons accompagner monsieur Tchakounte jusqu’à sa dernière demeure… », laisse entendre Mirna Mfegue, enseignante d’espagnol.
Un peu plus loin de cette foule d’enseignants, on aperçoit les parents de Njoni Tchakounté Boris Kevin. Tous habillés en noir, ne comprennent peut être pas les raisons pour lesquelles on leur interdit de sortir le corps de leur enfant, alors qu’il est sorti de la glace depuis plusieurs heures.
Les élèves qui ne sont pas allés en classe ce matin, se tiennent eux aussi à distance. Ils ont porté des polos de couleur noire, floqués de la photo de leur enseignant, avec des larmes qui coulent continuellement de leurs yeux et, ils chantent à voix haute, cette musique composée par l’un des leurs et dans laquelle ils disent leur regret d’avoir perdu leur enseignant, dans des conditions aussi atroces …
Nicole Ricci Minyem