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Lutte contre les discours haineux sur les réseaux sociaux : Julie Owono en fait son cheval de bataille

mercredi, 13 mai 2020 09:20 N.R.M

Le nouveau membre du Conseil de Surveillance de Facebook l’a affirmé au cours d’un entretien fleuve accordé à nos confrères du « quatrième pouvoir ». Entretien au cours duquel de nombreux autres sujets ont été abordés.

 

-         Comment-vous sentez-vous suite à cette nomination ?

Je suis très honorée de continuer à servir la cause des libertés sur Internet, et la liberté d’expression en particulier, aux côtés de collègues au parcours exceptionnels. Je mesure également l’immensité de la tâche qui nous a été confiée.

-         Quel sera votre rôle au sein du Conseil de surveillance?

Le Conseil de surveillance aura pour charge de trancher en dernier ressort les décisions relatives aux contenus postés sur les plateformes Facebook et Instagram. Pour l’instant, seuls les contenus supprimés pourront faire l’objet d’une procédure d’appel auprès  du Conseil, mais les statuts du Conseil restent ouverts sur les possibilités d’inclure dans le futur d’autres types de contenus.

-         La pandémie du coronavirus fait rage dans plus de 180 pays dans le monde. Dites-nous comment comptez-vous contourner la question des fausses nouvelles liées au Covid-19?

Le mandat du Conseil de surveillance est de s’assurer que la liberté d’expression et les droits de l’homme, sont protégés dans le cadre de l’application des politiques de modération de contenus par l’entreprise Facebook. C’est encore trop tôt pour répondre avec précision à votre question, car nous n’avons pas encore commencé à nous pencher sur des cas.

Une chose est certaine, la désinformation qui a sévit pendant la crise sanitaire ne manquera pas de poser de nombreux défis pour la liberté d’expression et la modération des contenus.

 

-         La lutte contre les discours haineux sur Facebook cela vous parle-t-il?

Dans l’espace francophone africain, notamment au Cameroun, ces dérives s’observent surtout en périodes électorales.

En tant que directrice de l’ONG Internet Sans Frontières, et actuellement chercheuse au Berkman Klein Center d’Harvard et au Digital Civil Society Lab de Stanford, la lutte contre les discours haineux sur les réseaux sociaux est au cœur de mes préoccupations.

Je me suis d’ailleurs beaucoup exprimée sur le sujet. Depuis de nombreuses années, mon ONG et moi militons contre les coupures d’Internet et des réseaux sociaux, qui sont des atteintes graves à la liberté d’expression, comme l’a rappelé á plusieurs reprises le rapporteur spécial de l’ONU pour la liberté d’expression, David Kaye.

Un nombre croissant de gouvernements disaient se servir des coupures Internet et la limitation de l’accès aux réseaux sociaux pour lutter contre la haine et la désinformation sur Internet.

« En matière de vie privée, la meilleure protection reste selon moi la loi »

Si cette justification a longtemps servi d’excuse, il n’en demeure pas moins que la haine et la désinformation sont devenues des réalités sur les réseaux sociaux, et qu’elles sont porteuses de danger pour la paix et la sécurité, notamment pour de nombreux Etats africains. Face à ce constat, nous avons décidé à Internet Sans Frontières de réfléchir à des solutions qui permettent de lutter contre ces contenus, tout en protégeant la liberté d’expression.

Nous avons par exemple organisé un colloque qui a réuni les acteurs publiques et privés à Yaoundé pour créer une plateforme de dialogue et de collaboration en vue de lutter contre les discours dangereux, tout en protégeant la liberté d’expression, en amont de l’élection présidentielle camerounaise d’octobre 2018.

Nous avons également mené un projet d’observation de la haine et de la désinformation sur les réseaux sociaux dans des pays d’Afrique centrale et occidentale. 

Ces deux projets ont renforcé notre conviction que lutter contre ces deux fléaux en ligne nécessite une collaboration entre différents acteurs du numérique, gouvernements, plateformes, société civile. Et ils ont confirmé qu’en matière de lutte contre la désinformation et la haine sur Internet, le contexte est une donnée essentielle.

 

-         N’avez-vous pas peur que les décisions du conseil soient influencées par Mark Zuckeberg en personne ?

Le Conseil est totalement indépendant de l’entreprise Facebook et son dirigeant. À titre personnel je n’aurais pas accepté de rejoindre le conseil sans la garantie que je peux garder ma liberté de ton, et que le conseil n’a aucun lien de subordination avec Facebook.

« Pour ce qui est du Cameroun, ladoption dune législation sur la protection des données personnelles devient urgente »

Une camerounaise désignée membre du Conseil de surveillance de Facebook

 

-         En tant qu’avocate de formation, et militante pour les droits digitaux, quelle sera la stratégie que vous allez proposer pour élargir la protection des données dans l’espace cybernétique Facebook ?

En matière de vie privée, la meilleure protection reste selon moi la loi : celle-ci doit encadrer la collecte, le partage des données personnelles, ainsi que prévoir des mécanismes de contrôles des utilisateurs sur celles-ci.

Encore faut-il bien sûr que la législation soit adaptée aux innovations technologiques. La réflexion menée par exemple par l’Union Européenne pour mettre à jour son cadre réglementaire sur la protection des données et aboutir au RGPD est un exemple intéressant. Pour ce qui est du Cameroun, l’adoption d’une législation sur la protection des données personnelles devient urgente.

-         Facebook travaille avec de nombreux partenaires de confiance dans le monde. Avez-vous le sentiment qu’il ne s’agit pas d’un remix ?

Je ne le pense pas. Les partenariats que vous évoquez sont importants, ils ont pour objet d’aider l’entreprise á décider au cas par cas de la suppression de certaines publications, au regard des standards de la communauté Facebook. Ils ne concernent que certaines catégories de publications.

Le Conseil a été créé pour, à partir d’un cas individuel, trouver des réponses qui peuvent s’appliquer á d’autres cas similaires, en somme des décisions qui pourront faire jurisprudence. Et la compétence du Conseil s’étend par exemple aux publicités politiques.

-         Comment allez-vous pouvoir concilier l’intelligence artificielle aux responsabilités de modération dans un monde de plus en plus Big Data?

Comme l’a précisé Michael McConnell, l’un des présidents du Conseil, nous ne serons pas la police de Facebook et d’Instagram, notre rôle est de prendre des décisions sur les contenus supprimés, en nous assurant de protéger la liberté d’expression.

40 personnes, le nombre maximum de membres prévus par les statuts du Conseil, ne pourront à elles seules se prononcer sur tous les problèmes posés par les milliards de contenus partagés sur ces deux plateformes.

-         Avez-vous été approché par des gouvernements africains dans la suite de votre profil d’Avocate 2.0 ?

Rires. Je suis un pur produit de la société civile, cette place me convient…

 

N.R.M

 

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