Depuis un an, les Tchadiens n'ont plus accès normalement à leurs réseaux sociaux. Plusieurs associations ont ainsi dénoncé jeudi la « censure » des réseaux sociaux, après la décision du régime de couper il y a un an les réseaux sociaux dont Facebook, Twitter et WhatsApp pour des raisons « sécuritaires ».
Depuis un an donc, jour pour jour, les Tchadiens sont privés d'un accès normal à Facebook, Twitter mais aussi aux messageries WhatsApp et Viber. La situation sécuritaire au Tchad est alors évasivement évoquée. Ce fut encore le cas mercredi 28 mars, lors d'une rencontre entre le ministre de la Communication Oumar Yaya et des journalistes. Sans beaucoup plus de précision.
En effet, Depuis la dernière élection présidentielle, en 2016, les détracteurs du président Déby ne cessent de sonner la mobilisation par le biais des réseaux sociaux. Cette mobilisation s'est avérée efficace car, selon Vincent Niébédé, le correspondant de la BBC à Ndjamena, de nombreux Tchadiens utilisaient les réseaux sociaux pour organiser des manifestations anti-gouvernementales. Cette mobilisation a fait d'Internet une véritable menace pour le gouvernement.
« Cette censure est d’autant plus insupportable que les gens ne savent pourquoi ils n’ont plus la possibilité d’utiliser normalement les réseaux sociaux », indique Julie Owono, directrice exécutive d'Internet sans frontières, une ONG très impliquée dans ce dossier. Elle exhorte le gouvernement tchadien à mettre fin à une mesure de censure qui viole le droit à la libre expression et entrave les opportunités pour la jeunesse tchadienne.
Il aura déjà fallu aller devant la justice pour avoir la preuve que ces blocages sont le fruit d'une volonté gouvernementale. « On a introduit des actions au civil [contre les principaux opérateurs Airtel et Tigo, ndlr], et au cours des débats, le représentant de l'Arcep, l’autorité de régulation des télécommunications, qui a été convoqué, est venu en apportant l’ordre qui avait été transmis par le ministère de l’Intérieur aux opérateurs téléphoniques », poursuit Julie Owono.
Mais, vous croiserez des Tchadiens connectés. Les 400 000 internautes adeptes de ces réseaux ont trouvé des moyens de contourner les blocages. Mais ces tours de passe-passe commencent à coûter cher. Il y a d'abord le traditionnel recours aux VPN, ces réseaux privés virtuels qui simulent une connexion à l'extérieur du pays. Problème, ces applications consomment aussi de la bande passante. « On utilise soit des versions gratuites soit des versions payantes, Les versions gratuites, déjà, ralentissent la vitesse de connexion, et de façon générale, les VPN utilisent une partie du forfait internet, qui se termine donc plus vite. », explique le blogueur Annadjib Ramadane.
Or, pour les Tchadiens résidant près de la frontière camerounaise, la tentation est grande également d'aller se servir de l'autre côté. « Il y a certains quartiers de Ndjamena qui sont près du fleuve Chari, ça veut dire que leurs habitants peuvent capter le réseau des villes camerounaises voisines. Dans la capitale, vous pouvez ainsi trouver des vendeurs de cartes SIM camerounaises Nexttel, Orange ou MTN », assure Annadjib Ramadane.
Des pratiques encouragées par une connexion plus fluide et des tarifs surtout plus bas. Mais des pratiques qui ne plaisent pas beaucoup aux autorités tchadiennes, qui auraient même envisagé, selon Internet sans frontières, d'installer des brouilleurs pour empêcher que les ondes des réseaux camerounais ne traversent la frontière.
Danielle Ngono Efondo