L’ex-chef de l’État, déposé par l’armée le 11 avril en réponse à des manifestations massives, est arrivé devant un tribunal de Khartoum, escorté par un imposant convoi militaire.
Détenu dans une prison de Khartoum, Omar el-Béchir, 75 ans, a été informé par le parquet qu’il faisait face à des accusations de « possession de devises étrangères, de corruption et trafic d’influence ». En charge de l’instruction, le brigadier Ahmed Ali a affirmé devant la cour qu’Omar el-Béchir avait reçu 90 millions de dollars (81 millions d’euros) du prince héritier saoudien Mohamed Ben Salman.
Fin avril, le chef du Conseil militaire de transition, le général Abdel Fattah al-Burhane, avait lui aussi affirmé que l’équivalent de plus de 113 millions de dollars avaient été saisis en liquide dans la résidence de l’ex-président à Khartoum. En mai, le procureur général avait également déclaré qu’Omar el-Béchir avait été inculpé pour des meurtres commis lors des manifestations anti régime ayant conduit à son éviction, sans que l’on sache quand il devra répondre de cette accusation.
Sera-t-il extradé vers la CPI ?
Amnesty International a relevé il y a quelques jours que son procès pour corruption ne devait pas détourner l’attention des accusations plus lourdes auxquelles il est confronté à La Haye. Omar el-Béchir, qui a dirigé le pays d’une main de fer après un coup d’État soutenu par les islamistes en 1989, fait l’objet de mandats d’arrêt internationaux de la Cour pénale internationale (CPI), pour crimes de guerre, crimes contre l’humanité et génocide, au cours de la guerre au Darfour (ouest), où une rébellion a éclaté en 2003.
L’ONU affirme que le conflit a fait plus de 300 000 morts et 2,5 millions de déplacés, et que des centaines de milliers de personnes vivent encore dans des camps misérables et appauvris plus d’une décennie et demie plus tard. La CPI exige depuis des années qu’Omar el-Béchir soit jugé, et a renouvelé son appel depuis sa chute. Amnesty a appelé les nouvelles institutions de transition au Soudan à ratifier le Statut de Rome de la CPI, ce qui permettrait de transférer l’ancien président à ce tribunal international.
Les protestations contre le régime d’Omar el-Béchir avaient éclaté le 19 décembre, après que son gouvernement a triplé le prix du pain. Elles se sont poursuivies après sa chute en avril, afin d’obtenir un transfert du pouvoir aux civils, et ont abouti samedi à la signature d’un accord entre les généraux au pouvoir et la contestation. Des milliers de Soudanais ont célébré cet accord historique, mais la désignation attendue dimanche du Conseil souverain censé piloter cette transition a été retardée, l’une des cinq personnes choisies par le mouvement de contestation ayant décliné l’offre.
La composition complète est désormais prévue ce lundi. Le Conseil souverain doit être constitué de six civils et cinq militaires et sera d’abord dirigé pendent de longs mois par un général puis par un civil pendant les 18 mois restants. Il devra superviser la formation d’une administration civile de transition, notamment du gouvernement.
Nicole Ricci Minyem