Président de l'Assemblée nationale centrafricaine il y’a encore quelques heures, il tombe sous le coup d’une pétition déposée par la majorité des députés réclamant son départ. Ces derniers avancent comme prétexte, différents manquements notamment, des décaissements sans justificatifs.
Et, pour l’ensemble des centrafricains, ce 26 octobre est une date historique, comme marqué d’une pierre blanche au sein de leur parlement. Karim Meckassoua a été révoqué de l’Assemblée Nationale, à l’issue de la conférence des présidents composée des députés, des commissions permanentes ainsi que des groupes parlementaires. A l’issue du vote, 98 personnes ont demandé son départ, contre 41 en sa faveur et 1 abstention.
Les débats ont été houleux dans l’enceinte de l’hémicycle. Pendant plus d’une heure d’horloge, Karim Meckassoua s’est attelé à répondre aux questions posées par ses pairs, principalement pour ce qui concerne les détournements de fonds liés aux kits électoraux. Il s’est exprimé dans une langue locale, sans toutefois convaincre ceux qui l’accusent d’avoir obtenu sa position, grâce à son appartenance à la communauté musulmane.
Ses critiques, se sont appuyés sur la déclaration qu’il a faite le 1er octobre dernier, lorsqu’il appelait à soutenir prioritairement les pays partenaires qui ont accompagné le pays dans la tempête. Une façon, selon eux de remettre en question, la récente alliance du président Touadéra avec la Russie, alors qu’il est très proche des français. Or, ces derniers ont été critiqués par le camp d’en face.
En remontant plus loin, c’est en décembre 2017 que l’ex président de l’assemblée nationale est interpellé par ses pairs qui l’accusent entre autres d’accorder uniquement des missions à ses proches et d’autoriser des décaissements sans justificatifs.
Une pétition avait alors été déposée par député et deuxième vice-président de cette chambre parlementaire, qu’on soupçonne d’être très proche de Faustin Archange Touadéra, le chef de l’Etat. Il a estimé qu’une partie des fonds destinés à l’achat des kits aurait été détourné. Selon lui, il y’a eu une facturation dans les dépenses, d’un montant de 22 millions de FCFA. Il lui est également reproché d’avoir retenu deux rapports d’audits réalisés par la Cour des comptes, empêchant le bureau de l’Assemblée de faire son travail. Dans le chapelet des accusations, on reproche à Karim Meckassoua le recrutement abusif et clanique d’un personnel peu ou pas diplômé.
Il y’a quelques semaines, alors que le parlement était encore en pourparlers, la tension est montée d’un cran dans le quartier du PK5 à Bangui, jusqu’au quartier général de l’ONU en Centrafrique. Plusieurs centaines de personnes ont manifesté pour marquer leur solidarité au président de l’assemblée nationale.
La majorité des députés interrogés estiment que la pétition et la tentative de destitution pourraient de nouveau être pilotée par la présidence centrafricaine, qui souhaiterait placer un de ses fidèles à la tête de l’Assemblée. De simples allégations, d’après Mathurin Dimbelet Nakoé.
Pourtant membre de la majorité présidentielle dès son élection à la tête de l’Assemblée nationale, Karim Meckassoua avait été tranchant dans sa déclaration lors de l’ouverture de la session parlementaire en cours, mettant en garde contre des troubles dans le pays s’il venait à être destitué, alors que des rumeurs sur une possible pétition circulaient déjà.
C’est la première fois en Centrafrique qu’un président de l’Assemblée nationale est destitué. Selon le règlement intérieur, un nouveau président doit être élu en plénière dans les trois prochains jours.
Nicole Ricci Minyem