Les élections directes (présidentielles, législatives et provinciales) prévues dimanche en République démocratique du Congo (RDC) ont été reportées au mois de mars dans deux zones de conflit dont Beni, a indiqué ce mercredi la commission électorale nationale indépendante (Céni).
Ce report partiel concerne notamment l'élection présidentielle, déjà trois fois reportée, qui doit désigner le successeur du président Joseph Kabila au pouvoir depuis janvier 2001. Ce report concerne 1.256.117 électeurs (sur les 40 millions inscrits).
Le communiqué de la Céni, dont ACP a eu une copie, précise «Considérant la persistance de l'épidémie de la maladie à virus Ebola qui continue de sévir dangereusement dans les circonscriptions électorales de Beni, Beni Ville et Butembo Ville dans la province du Nord-Kivu ainsi que la menace terroriste qui plane sur cette région avec des actes criminels récurrents perpétrés par des bandes et milices armées.
Considérant, en outre, que les élections suscitent des mouvements importants des électeurs vers les lieux de vote, entraînant ainsi des concentrations et une forte promiscuité de la population, augmentant le risque de propagation de cette maladie et favorisant opportunément les attaques terroristes.
Qu'en sus, le déploiement des agents opérationnels de la Céni, des témoins, des observateurs électoraux et journalistes dans ces contrées les expose aux mêmes menaces relevées ci-dessus (...) les élections directes dans les circonscriptions électorales de Beni, Beni ville et Butembo ville en province de Nord-Kivu ainsi que Yumbi, dans la province de Maï-Ndombe, initialement prévues le 30 décembre 2018, sont reportées au mois de mars 2019 et feront l'objet d'un calendrier spécifique».
Kinshasa veut organiser ses élections sans l'aide financière ni l'appui logistique de ses partenaires étrangers occidentaux (ONU, UE), ni de leur mission d'observation électorale.
Les Nations unies, présentes depuis 20 ans en RDC, et les partenaires occidentaux de Kinshasa sont restés très discrets, voire silencieux, jusqu'à présent. La Mission des Nations unies au Congo a répété qu'elle proposait ses bons offices à «toutes les parties» pour «un processus électoral pacifique, transparent et crédible».
«Nous aurions souhaité que les élections se tiennent à la date prévue», glisse une source onusienne. «Nous prenons acte de ce report de sept jours et demandons à tout le monde de rester calme». L'incendie d'un entrepôt de la Céni le 13 décembre à Kinshasa a porté un coup dur au processus électoral, s'est justifiée la centrale électorale.
La région de Beni est en proie à des attaques fréquentes de rebelles musulmans ougandais (les ADF) et à une épidémie d'Ebola qui a fait plus de 300 morts. À Yumbi, au moins 80 personnes ont été tuées dans la soudaine éruption de violences communautaires qui a touché la province du Mai-Ndombe au nord de Kinshasa, au bord du fleuve Congo.
La Commission électorale nationale indépendante maintient pour l'instant le calendrier électoral pour les autres régions du pays. Les élections directes sont donc maintenues le dimanche 30 décembre 2018 et la prestation de serment du président est prévue le 18 janvier 2019.
A la vue du dernier calendrier électoral publié par la Céni, une question se pose. Comment est-il possible de maintenir la prestation de serment du président de la république le 18 janvier 2019 si l'élection présidentielle est reportée au mois de mars 2019 dans certaines régions du pays ?
Joint au téléphone par nos confrères de la RTBF, Bob Kabamba, professeur de sciences politiques à l’Université de Liège (ULiège) et auteur de nombreuses recherches sur la République démocratique du Congo. Il se trouve pour l'instant à Kinshasa. «Pour moi, cela signifie clairement qu'on ne tiendra pas compte de l'avis de ces populations dans le cadre de l'élection présidentielle».
Otric N.