La maire de Podor soutiendra la réélection du président Macky Sall lors de la prochaine élection présidentielle au Sénégal. Une décision qui suscite l’amertume dans la classe politique et sur les réseaux sociaux, tant cette dissidente socialiste, qui s’affichait hostile à l’actuel chef de l’État, donne l’impression d’avoir transhumé à quelques jours de l’élection.
La députée et maire de Podor a provoqué une vague d’amertume sur les réseaux sociaux en annonçant face aux caméras qu’elle et son mouvement (“Osez l’avenir”) soutiendraient la réélection du candidat de Benno Bokk Yakaar (BBY), le président sortant Macky Sall. “Notre coalition est en phase avec elle-même, avec ce qu’elle croit être l’intérêt du Sénégal […]. Voilà pourquoi nous avons décidé, de façon consciencieuse, méticuleuse, studieuse, de soutenir le candidat Macky Sall”, a-t-elle annoncé en conférence de presse, le 28 janvier, après en avoir référé à sa base.
Éthique en politique
Sur les réseaux sociaux, les Sénégalais se sont déchaînés suite à cette volte-face, sans toutefois manquer de respect à cette socialiste historique, devenue frondeuse avant d’être purement et simplement exclue du parti d’Ousmane Tanor Dieng. Autrefois proche de l’ex-maire de Dakar, Khalifa Sall, Aïssata Tall Sall incarnait, pour beaucoup de Sénégalais, une figure de la conviction et de l’éthique en politique.
La désillusion semble d’autant plus forte, pour certains internautes qui l’ont soutenue ou parrainée, que celle-ci avait fustigé l’apologie de la transhumance et s’était régulièrement érigée en défenseur de la fidélité à ses idéaux en politique.
Cette ancienne porte-parole du Parti socialiste avait été exclue de la formation en décembre 2017, en même temps que 64 militants – dont Khalifa Sall, Bamba Fall (maire de la Médina) ou Barthélémy Dias (maire de Mermoz-Sacré-Coeur), pour s’être montrée hostile à l’alliance nouée par son parti avec Macky Sall. La lionne du Fouta avait par la suite exhorté Khalifa Sall à “prendre ses responsabilités” pour se lancer à l’assaut du pouvoir.
Candidate à la présidentielle
Lorsque l’édile de la capitale s’est retrouvé incarcéré, en mars 2017, son entourage a commencé à exprimer des doutes sur la loyauté d’Aïssata Tall Sall. Aux élections législatives de juin 2017, alors que des tractations avaient lieu entre les principaux partis de l’opposition pour aboutir à une liste commune, la maire de Podor a fait cavalier seul. Un an plus tard, elle se déclarait candidate à la présidentielle de 2019 sous la bannière d’“Osez l’avenir”, le mouvement qu’elle a créé.
Face aux rumeurs grandissantes de son ralliement à l’actuel président, au cours des derniers jours, certains de ses soutiens l’avaient suppliée de ne pas se renier. C’est le cas du rappeur Kilifeu, du groupe Keur Gui, qui invectivait ainsi l’avocate : De grâce, Maman, restez digne comme vous l’avez toujours été !
De nombreux internautes, pour expliquer leur amertume, ont rappelé l’affection qu’ils portaient à celle qu’ils considèrent désormais comme une transhumante.
La fille de la députée, Fatima Zahra Sall, très active sur les réseaux sociaux, a elle aussi fait face à une volée de bois vert en tentant de justifier la démarche de sa mère. Elle a fermement nié toute transhumance, estimant que le fait d’apporter son soutien à Macky Sall pour une élection ponctuelle ne signifiait en rien l’abandon de son propre mouvement, Osez l’Avenir, et encore moins un ralliement au parti du président sortant.
Nicole Ricci Minyem