Pour la présidence nigériane, cette décision a été prise lorsqu’on a vu la radicalisation de cette formation qui a mené de nombreuses actions meurtrières dans la capitale Abuja, pour faire libérer son leader détenu depuis 2015.
Le Mouvement islamique du Nigeria (IMN) n’a plus droit de cité et, pour les populations, le gouvernement a eu raison d’agir avant que la situation ne soit hors de contrôle : « A de nombreuses reprises, il a été demandé aux leaders religieux, de ne pas poser des actes illégaux, en s’appuyant sur leur confession, pour justifier le refus de respecter les lois ».
« L'interdiction du Mouvement islamique du Nigeria n'est pas l'interdiction aux nombreux chiites pacifiques et respectueux de la loi dans le pays de pratiquer leur religion. Elle vise à décourager la violence gratuite, le meurtre et la destruction volontaire de biens publics et privés… », précise la présidence dans son communiqué.
Le pouvoir nigérian estime en effet que « des extrémistes, qui ne croient pas aux manifestations pacifiques et utilisent au contraire la violence et les incendies criminels, ont pris le contrôle de l'IMN, semant la peur et sapant les droits des autres ainsi que des autorités constituées ».
L'IMN, un mouvement terroriste
Avant que n’intervienne cette décision, un tribunal d’Abuja avait accordé l‘onction légale en considérant l’IMN comme un parti terroriste. Il était dès lors important de prendre des mesures fortes pour les mettre hors d’état de nuire.
Un avis qui n’est pas partagé par tout le monde. En effet, Yahiya Dahitu, un haut responsable de l’IMN avait condamné la décision du tribunal d’Abuja la qualifiant de : « développement dangereux. Vous ne pouvez jamais stopper une idéologie, vous ne pouvez jamais stopper une idée, vous ne pouvez jamais stopper notre religion », a-t-il lancé lors d'une conférence de presse, soulignant en passant que les manifestations ne cesseraient pas tant que Zakzaky ne serait pas libéré.
Aucune accalmie sur le terrain
Ces derniers mois, des violences ont à plusieurs reprises éclaté, lors des marches quasi quotidiennes de l'IMN dans la capitale, alors que l'état de santé de Zakzaky soulève de plus en plus d'inquiétude. Au moins six manifestants, un journaliste et un policier ont été tués dans des violences lors d'une marche le 23 juillet dernier. Le lendemain la police a empêché de nouveaux regroupements de se former en faisant usage de gaz lacrymogène et en tirant des coups de sommation en l’air.
En rappel, Zakzaky avait été arrêté après des violences pendant une procession religieuse. L'armée avait tiré, faisant plus de 350 morts, pour la plupart des chiites non armés, selon des organisations de défense des droits de l'Homme. Sa femme Zeenah Ibrahim et lui sont toujours en détention bien qu'un tribunal fédéral ait ordonné en 2016 leur remise en liberté. Le gouvernement l'a refusé et a lancé de nouvelles poursuites pénales, notamment pour homicide volontaire, un crime susceptible d'être sanctionné par la peine de mort.
Son mouvement, apparu comme un mouvement étudiant en 1978 avant de muer en groupe révolutionnaire inspiré par la révolution islamique en Iran, est aujourd'hui encore proche de Téhéran et suscite une grande hostilité au Nigeria, où l'élite musulmane sunnite ne cache pas ses affinités avec l'Arabie saoudite.
Nicole Ricci Minyem