Le Parlement grec a validé vendredi le nouveau nom de la Macédoine, mettant un terme à près de 30 ans de dispute avec ce petit pays voisin et lui ouvrant les portes de l'Union européenne et de l'Otan.
153 députés sur 300 ont voté en faveur de l'accord conclu en juin entre Athènes et Skopje, qui rebaptise l'«Ancienne république yougoslave de Macédoine» (ARYM) en République de Macédoine du Nord. 146 se sont prononcés contre.
L'accord a été salué par plusieurs responsables de l'Union européenne et de l'Otan, tandis que le Premier ministre grec Alexis Tsipras parlait d'un «jour historique» ouvrant «une nouvelle page» pour les Balkans. Il est, avec son homologue macédonien Zoran Zaev, le principal artisan de cet accord qui œuvre selon lui «pour l'amitié, la coopération et la paix».
Une victoire historique
Le chef du gouvernement macédonien a également salué une «victoire historique», et a félicité son «ami» Alexis Tsipras. «Ensemble avec nos peuples, nous avons remporté une victoire historique. Vive l'accord de Prespa ! Pour une paix éternelle et le progrès des Balkans et en Europe», a-t-il tweeté.
Validé le 11 janvier par le Parlement macédonien, le texte a été adopté par la chambre grecque après 40 heures de débats houleux. Un élu d'extrême droite a crié «Non à la trahison !» en votant «non». L'annonce des résultats par le président de la chambre, Nikos Voutsis, a en revanche été applaudie par les députés du parti de gauche Syriza d'Alexis Tsipras.
Au-delà de la question du nom, l'accord dit de Prespes permet de lever un obstacle de taille à l'entrée dans l'UE et l'Otan de cette ancienne république yougoslave, coincée entre l'Albanie, le Kosovo, la Serbie, la Bulgarie et la Grèce. Athènes avait mis son veto à ces adhésions tant que l'accord ne serait pas ratifié.
Mission impossible accomplie
Saluant une étape cruciale, le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, s'est félicité que «les deux pays (aient) saisi cette occasion unique qui (...) impulsera un nouvel élan à la perspective européenne dans la région». «Mission impossible accomplie», a tweeté Donald Tusk, le président du Conseil européen. Dans un tweet, le président français Emmanuel Macron «salue le vote, un exemple de courage et d'unité pour l'Europe».
Le secrétaire général de l'Otan, Jens Stoltenberg, a déclaré «attendre avec impatience l'adhésion à l'Otan de la future République de Macédoine du Nord», saluant la «contribution importante» d'Athènes à la stabilité et à la prospérité de toute la région. La mise en œuvre de l'accord (...) renforcera la paix et la sécurité dans la région et donnera un nouvel élan aux efforts de réconciliation en Europe et au-delà», s'est réjoui le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres.
«Les Etats-Unis soutiennent cette réussite marquante qui va promouvoir la stabilité et la prospérité dans les Balkans», s'est également félicité John Bolton, le conseiller à la sécurité nationale de la Maison Blanche. La Grèce devra dans les prochaines semaines approuver le protocole d'adhésion de Skopje à l'Otan, avant ratification par les Etats membres, selon l'analyste Maximilien Lambertson de l'Economic Intelligence Unit.
Une forte opposition
Mais le texte gréco-macédonien, signé le 17 juin sous l'égide de l'ONU, est loin d'être anodin pour la population en Grèce, où la mobilisation n'a pas faibli contre le nouveau nom de la Macédoine. «L'accord n'est pas passé pour les Grecs, il est illégal, il n'a pas eu suffisamment de voix au Parlement», s'est insurgée Konstantina Farmaki, une historienne grecque venue d'Autriche pour manifester vendredi.
Dimanche, de violents incidents avaient éclaté au cours d'un rassemblement de 60.000 à 100.000 protestataires sur la place Syntagma, devant le Parlement. Le gouvernement avait pointé du doigt des extrémistes du parti néonazi Aube Dorée. Pour les Grecs, le terme Macédoine n'appartient qu'à leur patrimoine historique et à la province éponyme du nord de leur pays, terre natale d'Alexandre le Grand. Certains redoutent même que le petit état balkanique voisin n'ait des velléités d'annexer cette région grecque qui ouvre sur la mer Egée, un accès dont il est privé.L'accord suscite en Grèce l'opposition de 62% des personnes interrogées, selon un sondage Pulse SKAI TV publié jeudi. La majorité des partis politiques étaient farouchement opposés à l'accord, de l'extrême droite aux socialistes du Kinal et aux communistes du KKE, en passant par la grande formation de droite Nouvelle-Démocratie. Le principal leader de l'opposition Kyriakos Mitsotakis a parlé d'un «recul national».