La violence est au rendez vous, alors que la campagne électorale en
République démocratique du Congo en est à son onzième jour, avec des
morts parmi les hommes et les femmes venus accueillir le candidat
d'opposition Martin Fayulu en tournée dans un fief du pouvoir.
Une situation qui a emmené l’Organisation des Nations Unies à sortir de sa
réserve.
Au moins deux personnes ont été tuées mercredi lors du déplacement
électoral de M. Fayulu à Kalemie, chef-lieu de la province du
Tanganyika au sud-est, a indiqué une source contrôlant la campagne sur
place. L'entourage du candidat parle de trois morts.
Des balles réelles ont été tirées, selon les témoignages : «J'ai vu
des gens tirer et j'ai vu une dame tomber devant moi », a déclaré
Martin Fayulu joint par quelques médias.
Le candidat attribue ces violences qui ont perturbé son cortège à des
jeunes drogués, armés, habillés en tenue du le parti au pouvoir et, à
la police. Cela ne les a pas empêché de rejoindre les lieux du
meeting.
Mais M. Fayulu affirme qu'à son départ de Kalemie il n'a pas pu se
rendre en avion vers la prochaine étape de sa tournée, Kolwezi, dans
le Katanga minier.
Dimanche déjà, il avait affirmé avoir été empêché de se rendre à Kindu
en raison d'affrontements. Et mardi, de faire meeting à Lubumbashi,
capitale du Katanga, où la police a dispersé ses partisans. Et où des
violences avaient déjà été enregistrées.
Deux personnes ont été tuées et 43 blessées dans cette ville, selon
l'Association congolaise pour l'accès à la justice (Acaj). La police
parle de 11 policiers et deux civils blessés et accuse les partisans
de Fayulu de dégradations
La région est à la fois le fief du président Joseph Kabila et celui de
l'un des principaux soutiens de M. Fayulu au sein de la coalition
Lamuka, l'ex-gouverneur du Katanga Moïse Katumbi en exil en Belgique.
Cette série de violences, les plus graves depuis le début de la
campagne en vue des scrutins présidentiel, législatifs et provinciaux
prévus le 23 décembre, ont suscité des premières réactions
internationales.
La représentante spéciale du secrétaire général des Nations unies en
RDC, Leïla Zerrougui, a déploré « les pertes en vies humaines et
demande aux autorités congolaises de prendre les mesures nécessaires
pour éviter de nouveaux incidents ».
La France a appelé les autorités congolaises à mettre en place les
conditions d’un scrutin crédible dans un climat apaisé.
L'autre candidat de l'opposition, Félix Tshisekedi, a fait campagne
mercredi dans la ville de Beni au Nord Kivu, victime d'une épidémie
d'Ebola et de tueries attribuées au groupe armé d'origine ougandaise
ADF.
Le meeting de M. Tshisekedi et de son binôme Vital Kamerhe a été
perturbé par des jets de projectiles, selon des témoignages locaux,
dont certains attribuent ces jets de pierres à des partisans de M.
Fayulu.
En revanche, le candidat de la majorité au pouvoir, Emmanuel Ramazani
Shadary, a fait étape ce mercredi à Bunia (Ituri) sans incident, selon
son entourage.
L'élection présidentielle du 23 décembre doit désigner le successeur
du président Joseph Kabila, qui n'a pas brigué de troisième mandat
interdit par la Constitution.
Cette campagne pour la succession du sortant est sans précédent en
RDC, géant instable au cœur de l'Afrique (neuf frontières, 2,3
millions de km2) qui n'a jamais connu de transition pacifique du
pouvoir.
Mais outre la crainte des violences à l'approche des scrutins, une
partie de l'opposition dénonce depuis des semaines l'utilisation
prévue pour les élections des "machines à voter".
Ces écrans tactiles doivent servir à cliquer sur le nom des candidats
et à imprimer les bulletins de vote. Ses critiques nombreux
considèrent que ce système manque de fiabilité et va favoriser la
fraude dans ce pays où Joseph Kabila, au pouvoir depuis l'assassinat
de son père en 2001, élu en 2006, avait été réélu dans la contestation
en 2011.
A onze jours du vote, la Commission électorale nationale indépendante
(Céni) a assuré mercredi que tous les matériels électoraux, dont les
machines à voter étaient arrivés dans les territoires et les villes.
Martin Fayulu a déjà refusé cette procédure de vote. Félix Tshisekedi,
entend aller aux élections avec ou sans machine à voter mais a demandé
à ses partisans de rester dans les bureaux de vote jusqu'à l'obtention
des procès-verbaux.
Nicole Ricci Minyem