S’achemine t- on vers un report ?
Un ruban jaune estampillé « police technique et scientifique » barre l’entrée à l’un des entrepôts de la Commission électorale nationale indépendante (Ceni), avenue des Forces armées, à Kinshasa.
À neuf jours des élections en RDC, près de 8 000 machines à voter ont été consumées dans un incendie qui s'est déclaré dans la nuit de mercredi à jeudi dans un entrepôt de la Ceni à Kinshasa. Très rapidement, une cellule de crise a été mise en place au sein de la Ceni avec comme objectif de : procéder à une évaluation préliminaire du sinistre.
Lors d’une conférence de presse organisée au siège de la commission, le président de cette institution, Corneille Nangaa a fait une évaluation : « En attendant les estimations définitives de cet ignoble événement, la Ceni constate que le feu a consumé le matériel de 19 sur 24 communes de Kinshasa, soit près de 8 000 machines à voter sur les 10 368, 3 774 isoloirs sur 8 887, 552 kits bureautiques sur 8 887, 17 901 encres indélébiles, 800 nouvelles motos et 15 véhicules, près de 9 500 batteries externes ».
Avant l’incendie, le déploiement du matériel électoral n’était effectif que dans 3 % du territoire national, selon la Ceni. Là bas, on pense qu’un report des élections va avoir de graves conséquences. Cette inquiétude est partagée par le gouvernement de Joseph Kabila : « Aujourd’hui, peu importe les raisons, un nouveau report des scrutins entraînera une crise de trop dont l’issue sera incertaine. Pour le moment, il n’est pas question de repousser les échéances -La Ceni s’emploie pour que ces élections se tiennent conformément à son calendrier, soit le 23 décembre… ».
La Ceni et son stock tampon
Mais comment compte-t-elle s’y prendre pour équiper des bureaux de vote de Kinshasa de machines à voter ? L’hypothèse d’une nouvelle commande auprès du fabricant sud-coréen a été écartée, car cela risque de prendre des mois. Oubliez également le recours aux bulletins papiers classiques. La Ceni dit miser surtout sur la contingence et, plus précisément sur le stock tampon.
105 257 machines à voter ont été commandées pour 75 781 bureaux de vote. De ces 29 476 machines à voter de réserve, la Ceni en a déjà déployé une supplémentaire dans chacun de 17 785 centres d’inscription qui vont être transformés en centres de vote. « En réalité, nous avons dû déployer 21 000 machines à voter de réserve parce que, suivant leur grandeur, certains centres d’inscription ont été scindés à deux centres de vote », précise une source proche du dossier au sein de la Ceni.
Se fondant sur ces chiffres disponibles, il existerait donc quelque 8 476 autres machines à voter dans le stock tampon de la Ceni. Pourtant, ces machines à voter ne sont pas à Kinshasa, elles sont déjà disséminées à travers le pays. Mais, en dépit de cette contrainte, le discours des responsables de la commission électorale se veut rassurant.
« Une instruction a été donnée au secrétariat exécutif national qui est déjà en train d’identifier, d’empaqueter ce matériel par voie aérienne (…), a indiqué Corneille Nangaa. L’enjeu maintenant, c’est de les faire revenir le plus tôt possible dans la capitale. » Mais, pour l’instant, aucune date de l’arrivée de ces machines à voter à Kinshasa n’a été communiquée.
Les accusations fusent de partout
Les politiques s’accusent déjà mutuellement. Pour le Front commun pour le Congo (FCC), plateforme électorale soutenant Emmanuel Ramazani Shadary, le dauphin du président Kabila, le coupable est tout trouvé : Martin Fayulu, candidat de la coalition Lamuka, qui draine des foules aussi enthousiastes que nombreuses depuis le début de la campagne électoral. L’opposant rejette le recours à la machine à voter.
Certains, à l’instar de Moïse Katumbi, membre influent de la coalition pensent qu’il ne s’agit que d’un simple montage, parce que selon le régime ne veut pas organiser les élections: « Il n’y a que des gens qui ont vécu dans le maquis pour réfléchir de la sorte. Ils doivent être intelligents lorsqu’ils se lancent dans des tels montages - des images montrent par exemple que des palettes en bois n’ont pas brûlées lors de l’incendie, alors que des véhicules ont été calcinés. Et l’endroit se trouve dans un lieu hautement sécurisé, à moins de 200 mètres du bureau du chef d’état-major des forces terrestres …».
Nicole Ricci Minyem