« Gbagbo libéré » - « Laurent Gbagbo président » - « On aime Gbagbo»: des milliers de personnes ont pris les rues de Yopougon, grand quartier populaire d'Abidjan, favorable à l'ex-président ivoirien actuellement jugé par la Cour pénale internationale (CPI), après l'annonce erronée de sa libération provisoire.
Récemment libérée, son épouse Simone Gbagbo, induite en erreur par des proches, a annoncé sa libération vendredi midi à des journalistes et, dans une vidéo sur son compte Facebook, avant de supprimer la vidéo un peu plus tard, aucune décision, n'ayant été prise, selon un porte-parole de la CPI.
Une audience s'est tenue jeudi, sur une demande de libération provisoire de M. Gbagbo, jugé pour crimes contre l'humanité lors de la crise post - électorale de 2010-2011 en Côte d'Ivoire, qui avait fait 3.000 morts.
Malgré le retrait de l'annonce par Mme Gbagbo, la fausse nouvelle s'est propagée partout dans Yopougon où des milliers de partisans, dont beaucoup grimés avec du kaolin, symbole de réjouissance, formaient des cortèges joyeux, salués par les coups de klaxon des automobilistes.
Des centaines de jeunes lycéens ou collégiens, dont beaucoup dans leurs uniformes, défilaient aussi.
« Après sept ans en prison, on a besoin de voir Gbagbo. Ses petites sœurs, ses grandes sœurs, ses enfants, son papa, sa maman veulent le voir! Il a besoin de son pays! Gbagbo! Ble Goudé! On a besoin d'eux », crie Estelle Sahe, 28 ans, une coiffeuse entourée d'une foule qui grandit.
Après plusieurs années de procès, la CPI doit en principe rendre sa décision sur le fond en mars 2019. Charles Blé Goudé, ex-chef du mouvement des Jeunes patriotes, fidèles à l'ancien président, est emprisonné et jugé avec lui par la CPI.
Un peu plus loin, Blandine Drogba, commerçante, a les yeux mouillés : « Je pleure parce qu'il m'a manqué. Il a été entre quatre murs pendant longtemps. Mon cœur est libéré ».
« Je me sens libre. La Côte d'Ivoire est libérée. Une injustice est réparée. Beaucoup sont morts. Il y a de l'espoir - Regardez la foule, personne ne les a appelés, c'est de la joie pure… ». Souligne quant à lui Casimir Apea, professeur retraité.
Une pluie diluvienne s'abat soudain sur le quartier, calmant quelque peu les ardeurs. Au quartier Kouté, au parlement un lieu de réunion, où sont notamment accrochés un poster Gbagbo Forever, ainsi qu'une affiche de Aboudramane Sangaré, un dirigeant historique du parti de Gbagbo décédé début novembre, on veut croire que même si l'annonce est erronée la libération de Gbagbo va arriver.
« De toute façon, c'est imminent. Laurent Gbagbo va nous revenir, Gbagbo va être réélu président. Par le vote. Il n'est pas trop âgé. On a besoin de lui ». assure Bernard Kingba, 42 ans enseignant, vêtu d'une casquette et d'un T-shirt Gbagbo.
« Gbagbo a été déporté à la CPI, loin de son pays. Il a fait sept ans de prison. Nelson Mandela en a fait 27. Sa libération va booster la réconciliation qui est bloquée. Aujourd'hui, il n'y a pas de liberté, l'insécurité, tout est cher, pas de gouvernement, la corruption... Avec Gbagbo ca va changer », estime Sylvestre Akabla secouriste, critiquant l'actuel président Alassane Ouattara, souvent qualifié Burkinabè ou d’usurpateur par les manifestants.
La pluie terminée, les cortèges reprennent sur les principaux axes de Yopougon. « On a gagné », crient des jeunes hilares. Des manifestants, des bières à la main pour fêter, proposent de partager leurs boissons.
A 18h, aucun incident n'avait été signalé alors que les forces de l'ordre se faisaient des plus discrètes. Des observateurs craignaient toutefois que cette joie ne se transforme en colère si Laurent Gbagbo n'était pas libéré.
Nicole Ricci Minyem