Ce qu’il faut comprendre à la base c’est que la république fédérale des USA (il faut bien comprendre fédérale), qui est la première puissance militaire et diplomatique sur le plan mondial est dans une logique de mise en garde avant des représailles. Le régime du président Biya s’est visiblement retrouvé dans un engrainage à l’issu incertaine. C’est un régime qui vit ses dernières années, sinon ses derniers temps. Tous les analystes et observateurs honnêtes et crédibles sont d’accord sur ce constat. Des puissances militaires comme la France, les USA sont en phase de donner le coup de grâce pour y mettre fin. En langage moins diplomatique c’est une manière de dire à Paul Biya « nous ne sommes plus avec toi ». Quand l’Amérique de Donald Trump et l’Union Européenne de Merkel et Macron exigent la libération sans condition de Maurice Kamto, il faut comprendre par là qu’ils ont clairement pris position. Le « Monsieur Afrique » de Trump, Tibor Nagy, est presque dans la même posture que le diplomate qui était de passage à Kinshasa pour faire comprendre à Mobutu que c’était la fin. Naturellement personne ne veut l’admettre, mais cette déclaration incendiaire, voulu comme telle, a toutes les composantes d’un avertissement de dernière minute.
Il a voulu faire passer un message à Paul Biya. Un message clair : « Les USA ne te laisseront pas faire comme d’habitude », il n’est pas passé par quatre chemins pour le dire. Cette posture, ce n’est un secret pour personne, est celle d’un Donald Trump qui ne veut plus de Biya à Etoudi. Les humiliations répétitives, les attaques contre les représentations diplomatiques traduisent clairement le fait que l’occident n’est plus en odeur de sainteté avec le régime de Yaoundé et fait tout pour le discréditer sur le plan international. Observez le Cameroun aujourd’hui, observez le d’assez prêt et vous constaterez que Paul Biya s’est foutu dans le même bourbier que Mobutu. Le syndrome du Zaïre est entré au Cameroun à plus d’un égard. A l’Extrême-nord du Cameroun, il y’a Boko haram qui curieusement résiste face aux assauts de quatre à cinq pays confédérés pour l’éradiquer. Où croyez-vous que Boko Haram trouve sa logistique ? Pensez-vous que ce sont toujours les armes de Kadhafi qui ont agi au Nord Mali, qui se retrouvent en Centrafrique, entre les mains de Boko Haram ?
Il est clair que la présence de Boko haram visait à déstabiliser le Cameroun à ses frontières pour affaiblir le régime de Yaoundé. Ensuite la crise anglophone. Il est aujourd’hui clair que cette crise a pour objectif d’ouvrir les portes du Cameroun aux forces d’interposition entre les factions sécessionnistes et l’armée gouvernementale. On s’est ce que ça a donné en Côte d’ivoire lorsqu’il fallait faire partir Gbagbo par la crise du Nord, au Libéria quand il y’avait la guerre des quatre chefs. Les mesures gouvernementales n’apportent aucunes accalmies ont un agenda qui n’a rien à voir avec celui du gouvernement. Ensuite il y’a la situation sécuritaire à l’Est et dans l’Adamaoua. Tous ces ingrédients montrent à suffisance que le Cameroun est en plein dans le syndrome du Zaïre. Les discours de terreur du gouvernement (déstabilisation et atteinte à la sureté de l’Etat, forces occultes, ennemis de la république, antipatriotisme), les agissements des forces de défenses, le climat social au Cameroun montrent clairement qu’il y’a une crise au Cameroun.
Et c’est connu de tous, les USA aiment les zones de crise, elle les créée, les alimente et même les pérennise parfois. A votre avis pour quelle raisons ? Ça n’a rien à voir avec l’ingérence, c’est un rapport de force pour le contrôle des ressources. Paul Biya a donné des motifs, beaucoup trop de motifs à la communauté internationale pour qu’elle entre au Cameroun. On ne peut plus parler d’ingérence dans un pays où le climat politique est en putréfaction, où il y’a une crise humanitaire, où des il y’a combat ouvert pour la succession de Paul Biya. Au fond c’est de ça qu’il s’agit.
Tout ce qui se passe au Cameroun actuellement est alimenté par le démon de la succession de Paul Biya. Que ce soit la situation avec Maurice Kamto, la situation de sécession anglophone, les guerres tribales en devenirs entre tontinards et sardinards, entre Bulu et Nnanga, les prisonniers politiques comme Marafa Hamidou Yaya, Atangana Mebara et autres, et aujourd’hui la neutralisation crue de Mebe Ngo’o par Ngo’o Ngo’o, il faut comprendre que tout ce qui se passe au Cameroun c’est la guerre de succession et rien d’autre que cela. Maintenant, est-ce-que l’interventionnisme américain pourra changer la donne ? Pourra faire libérer Kamto, Agbor et Marafa ? Le problème est plus complexe qu’on ne le croit. Kamto n’est pas le premier prisonnier « politique » au Cameroun, il ne sera pas le dernier non plus.
La question n’est pas à sa libération, il peut être libéré et exilé. Mais est-ce qu’au fond c’est l’objectif poursuivis ? Pas du tout. Si les USA veulent vraiment gâter les choses ils s’y engageront. La CIA a des équipes spécialisées pour ça, la CIA est capable de neutraliser le président Biya si c’est l’objectif. Mais ce n’est pas là le but des USA. Les USA sont dans une logique de pressions pour être présent sur la scène diplomatique en Afrique centrale. C’est de ça qu’il s’agit. Les déclarations de l’émissaire de Trump sont loin de faire peur à Paul Biya, en 36 ans de règne il a connu pire. Il est passé par une tentative de coup d’Etat sur laquelle l’histoire n’a pas encore rendu ses copies.
Il est passé par les villes mortes, par les grèves de la faim, par les contestations électorales et aujourd’hui il faut comprendre que Paul Biya est complètement déconnecté des réalités du Cameroun. Il n’y comprend plus grand-chose parce que ce n’est plus son temps, ce n’est plus sa génération, ce n’est plus dans le contexte dans lequel il a gouverné. Les guerres de positionnement à l’intérieur du régime montrent même à qui refuse de voir que c’est déjà la fin. « L’ingérence inadmissible » comme cri Emmanuel René Sadi, « les tentatives accrues de déstabilisation » comme cri Issa Tchiroma Bakari, « les apprentis-sorciers » comme dit Paul Biya lui-même sont essentiellement les discours liés à l’incertitude et aux plaintes vers la communauté internationale. Moi je pense le glas sonne pour le régime de Yaoundé et que le Président Biya gagnerait à situer les grandes lignes de sa succession pour éviter que le Cameroun devienne une nouvelle Libye. Tels des loups prêts à attaquer, des puissances étrangères rodent autour du Cameroun pour tirer bénéfice de l’après-Biya donc personne ne veut parler. Si le président Biya est dans la logique d’Houphouët, alors là nous courrons droit vers l’irréparable. Cette rencontre Biya-Nagy en vue d’une médiation pour la libération de Kamto, pour l’arrêt des hostilités en zone anglophone est un peu comme le rendez-vous Mobutu – Kabila et Mandela sauf que là il manque un acteur, Maurice Kamto qui est toujours détenu dans la même prison que Mebara, que Mebe Ngo’o, que Marafa, qu’Olanguena, qu’Agbor. Tous des prétendants d’une manière ou d’une autre au fauteuil présidentiel.
A l’issu de cette rencontre de deux choses l’une. Soit Biya aura cédé, ce qui va le décrédibiliser aux yeux des camerounais parce qu’il apparaitra comme un petit président qui ne sait pas tenir tête à l’occident ou alors il aura dit NON, une option qui le mettra dans un conflit sérieux avec ses amis d’hier. De toute façon, Paul Biya est entre le marteau et l’enclume. Il lui reviendra donc de prendre une sage décision pour le sage donc on dit qu’il est, mais cette décision ne devra pas tarder parce que les temps sont assez troubles pour son régime. Comme un brasier, les choses peuvent se compliquer et tourner au vinaigre.