Le Chef de Département d'Histoire de la Faculté des Lettres et Sciences Humaines de l'Université de Yaoundé 1 a, sur sa page facebook, dit ce qu’il pense de cet ouvrage qui fait grand bruit actuellement et qui suscite de nombreux débats, selon qu’on éprouve de la sympathie ou de l’antipathie pour le président du Pcrn, auteur du “ Fédéralisme Communautaire”
« L'ouvrage est écrit d'une plume alerte, avec un style dynamique et aérien. L'auteur aborde ses problématiques - il y en a plusieurs - d'un ton docte. Serti de références, il va généralement les rechercher plus chez les modernes que chez les classiques. L'auteur, on le sent, veut se donner un relent révolutionnaire qu'il n'a guère et que son texte n'affiche pas.
Qu'est-ce qui, dans cet ouvrage, a si fait peur à Maître Charles Tchoungang qu'il ait tout de suite fait appel à la Gestapo ?
Il est républicain, dans les canons de notre pacte commun. C'est quoi au fond, le fédéralisme communautaire de Cabral Libii? D'abord une nécessité : ce qui existe aujourd'hui, tout comme ce qui a jadis été sont des échecs. Il faut les réformer.
Je trouve cette conclusion un peu hâtive. Il y a une forte nostalgie du fédéralisme originel. Ce n'est, après tout, que le corps dirigeant qui en a voulu l'abrogation.
Dans son contexte, peut-on dire qu'il ait fait ce qu'il fallait pour le succès ? Et même la décentralisation actuelle, peut-on honnêtement la dire vraiment appliquée ? Et en ce cas, a-t-elle effectivement échoué ?
En tout cas, Cabral n'en débat pas. Partant du constat d'échec dont il situe l'inéluctabilité logique, il repose de nouvelles bases à notre régionalisation. Nous avons dix régions. Il en propose trente. Comment les découpe-t-il : sur un contrat affinitaire. Ça part d'un hiatus que nous pouvons tous observer.
Le colon, hier, a découpé nos territoires sur des bases plutôt socialement aléatoires. Des tribus furent écartelées entre divisions ; quand ce ne fut pas entre pays. Cabral propose de rétablir une forme de justice administrative : chacun se remet dans sa famille. (Il en cite quelques exemples). Ça sonne séduisant. Sauf qu'il n'en donne pas clairement le modus operandi.
Les spécialistes en sciences sociales qui ont entendu son titre l'ont tout de suite mis en garde : l'ethnie, c'est explosif. À manipuler avec extrême prudence.
Si prudentes ont été toutes les administrations successives qui les ont managées qu'elles ne leur ont jamais laissé la possibilité de s'exprimer. Parce que sinon... Ce qu'il faut en savoir est que l'ethnie est affamée.
L'Honorable Libii le sait-il ? Je n'ai pas tout lu le livre. Je vous le dirai après. En tout cas, il veut la réveiller. Au stade où j'ai lu, je n'ai pas bien perçu s'il entend la consulter.
Mais déjà, rien que ce début de programme exige un carcan d'une grande force. Le fédéralisme de Cabral Libii ne peut être conceptuellement pour un État autre qu'unitaire. Et même, unitaire et fort.
À la page où je suis, ces deux notions sont littéralement agressives : l'État et la tribalité. Remarquez bien : cette tribalité, ce n'est pas lui, l'Honorable, qui l'a fabriquée. Il se borne à la constater. Et se réécrire de la voir aussi mal utilisée. Si je le comprends bien - ce n'est pas très clair au début, mais peut-être que par la suite, ça gagnera en clarté - la tribalité, il veut en faire un moteur...
L'essence du fédéralisme est la mise en commun. Et un leitmotiv revient dans le cabralisme : la libération des énergies. Ce concept, il le prend toujours au pluriel. Jamais au singulier. J'ai encore regardé dans ma dédicace, écrite de sa plume ferme. Ça traduit une perception idéographique. Pas l'énergie. Jamais l'énergie. Toujours les énergies.
Quand des énergies sont libérées, comment les canaliser ?
Généralement, quand on met en commun, c'est pour produire une chose unique. Le mot même l'indique. Par quelle aberration logique peut-on parvenir à produire l'unicité fédératrice dans la pluralité ethniciste ?
Ce qui est frappant et idéologiquement novateur dans la pensée cabraliste est que c'est su. Et même, c'est voulu. C'est même ça le cabralisme... Enfin, je crois...
J'ai arrêté ma lecture à ce stade en me demandant si, ce jeune leader, je ne l'ai pas mésestimé. C'est vraiment nouveau, ce qu'il propose. Possible ? Faisable ? Je ne sais pas. Nouveau ?
Oui. Certainement. Irréaliste ? Non. Du tout. C'est même ce qui m'intrigue chez ce cadet. Il a l'art de savoir construire avec du matériau de récupération. Il n'invente rien. Il recycle.
Vous rappelez-vous de son idée d'onze millions d'inscrits ? C'était déjà l'entreprise de recyclage du bétail électoral négligé de cette jeunesse inculte et bavarde que des charlatans comme Maurice Kamto manipulent. Il semble avoir remis ça. Avec de vieilles conceptions usées, abusées, violées, voilées, entamées... Notre tribalité : il fallait y penser !
Trop fort, le petit. Je vais continuer à le lire…Je bois du petit lait...».
N.R.M