Ces statistiques ont été publiées en août 2017 dans la revue Pan African Medical Journal. Par ailleurs, l’étude souligne que l’avortement clandestin n’est jamais sans conséquence.
Le ministère de la Santé publique en collaboration avec le Fonds des Nations unies pour la population (UNFPA) et l’Association camerounaise pour le marketing social (ACMS), a publié début juillet dernier, des normes et standards en matière de santé de reproduction et de planning familial au Cameroun.
En effet, ces documents décrivent entre autres la conduite à suivre en cas d’avortement, entendu comme toute interruption (volontaire ou nom) de la grossesse avant la 22e semaine. Le droit camerounais considère pourtant l’avortement comme une infraction pénale et le punit d’une peine d’emprisonnement et d’une amende, sauf en cas de viol ou de menace pour la santé de la mère.
Dans le même sens, le protocole de Maputo, adopté sous l’égide de l’Union africaine en 2003 et ratifié par le Cameroun en 2009, autorise « l’avortement médicalisé, en cas d’agression sexuelle, de viol, d’inceste et lorsque la grossesse met en danger la santé mentale et physique de la mère ou la vie de la mère ou du fœtus ». Sauf que dans la pratique, des médecins et établissements hospitaliers se permettent tout. Hélas, plusieurs jeunes filles se font encore avorter dans les hôpitaux au grand mépris des conséquences légales et sanitaires.
Michelle, 25ans confie s’être faite avortée trois fois. « C’est à la troisième fois que j’ai eu des saignements abondants. Je suis rentrée voir celui qui m’avait fait cela au quartier et il m’a chassée en disant à mes parents qu’il ne me connaissait pas… Aujourd’hui, même si j’ai pu donner la vie après cela, j’ai gardé des séquelles. J’ai constamment des douleurs atroces au niveau du bas ventre, en plus de cela, je ne peux plus accoucher par voie basse », raconte-t-elle d’une voix étranglée.
Au cours de notre reportage, nous avons constaté par exemple que des cabinets de soins qui sont censés faire de simples pansements pratiquent des avortements, alors qu’ils n’ont pas un plateau technique adapté. Vivianne A., sage-femme en service dans un hôpital public de la ville de Yaoundé se souvient d’un exemple qui illustre cette situation : « Nous avons reçu en urgence récemment, une jeune fille de 16 ans qui avait essayé de se débarrasser d’un fœtus de 25 semaines en vain. A son arrivée à l’hôpital, la partie inférieure de l’enfant était hors de son vagin et la parte supérieure, à l’intérieur », fulmine-t-elle.
Tout près de l’université de Douala, la principale pharmacie qui ravitaille les étudiants confirme ces constats en affirmant que « nous vendons en moyenne 50 kits pour avortements par semaine et ce sont des jeunes filles qui les achètent le plus ». En effet, selon l’étude réalisée en 2017, la tranche d’âge de 20 à 24 ans est la plus représentée (33,1%) dans cette mortalité du fait de l’avortement, suivie de celle de 25 à 29 ans (24,19%).
73 millions de femmes dans le monde pratiquent un avortement chaque année
A l’instar de Michelle, 73 millions de femmes dans le monde pratiquent un avortement chaque année d’après la note publiée le 23 juillet 2020 par l’institut Guttmacher.
Au Cameroun, une étude publiée en août 2017 dans la revue Pan African Medical Journal relève que les avortements (24%) et les grossesses extra-utérines (5,8%) contribuent pour 30% aux décès maternels. Par ailleurs, l’étude souligne que les cas de décès sont liés à des avortements clandestins.
L’avortement clandestin n’est jamais sans conséquence. Les risques vont de l’hémorragie à la perforation utérine en passant par une infection de l’utérus pouvant s’étendre dans tout le ventre, les trompes bouchées, l’infertilité, voire la mort.
D’après Agnès Guillaume et Clémentine Rossier dans leur ouvrage sur l’avortement dans le monde publié en 2017, seuls 6 pays africains sur 53, autorisaient l’avortement à la demande de la femme durant le premier trimestre de la grossesse à savoir, le Cap Vert, l’Afrique du Sud, la Tunisie, le Mozambique, Sao Tomé et Principe, et l’Angola.
Par contre, neuf pays interdisaient totalement la pratique. Pourtant, le droit des femmes à la santé de reproduction impose que l’avortement légal ne soit plus seulement autorisé, mais effectif et intégré dans le programme national de santé de reproduction.
Par conséquent, le Women Health’s Projet (WHP) de l’ACMS Cameroun offre une sensibilisation contre les avortements clandestins et l’accompagnement en collaboration avec les centres de santé du réseau PROFAM, dont le plateau technique permet d’assurer le suivi après avortement.
L’ACE-Miso est utilisé pour les femmes qui arrivent à la clinique avec des complications, telles qu’un saignement ou une infection, en raison d’un avortement incomplet ou d’une fausse couche. Le protocole utilisé recommande la pratique de la méthode chirurgicale qui est l’aspiration manuelle intra-utérine, le curage ou aux traitements médicamenteux.
Source : Echos Santé