La vidéo, terrifiante, s’intitule “Tuez-les où que vous les rencontriez” et elle montre pendant un quart d'heure, des images de revendication et de propagande de ce groupe terroriste
Elles ont été projetées vendredi, dans la salle d’audience du procès des attentats du 13 - Novembre. Diffusée via l’application de messagerie Telegram le 24 janvier 2016, elle met en scène neuf des auteurs des attentats devant le stade de France, au Bataclan et sur des terrasses et restaurants parisiens.
Daesh avait revendiqué les attentats du 13 novembre 2015 dès le lendemain matin dans un message audio, également diffusé à l’audience, mais il a attendu que les enquêteurs identifient et neutralisent le dernier kamikaze, Chakib Akrouh, pour diffuser sa vidéo: « Les images ont été expurgées des scènes les plus insoutenables » mais « la vidéo reste choquante », met en garde le commissaire de la sous-direction antiterroriste de la police judiciaire qui témoigne sous le nom de « SDAT99 ».
Les images sont effectivement insoutenables et donnent la nausée. On y voit, séparément, les neuf djihadistes des commandos du 13-Novembre. Vêtus de treillis militaires beiges, armés de couteaux ou d’armes automatiques, les cheveux longs dépassant de leurs bonnets de laine, « les neuf lions du califat », comme les surnomme Daech, menacent de « tuer les mécréants », promettent de faire “couler le sang”.
Joignant le geste à la parole, ils exécutent froidement des otages en combinaison orange à genoux devant eux. L’image s’arrête pile quand le poignard frôle la gorge ou l’arme se pose sur la nuque d’un malheureux.
Les djihadistes ânonnent, avec difficulté, des textes de haine. Selon l’enquêteur, ces images de propagande ont été tournées “au cours de l’été 2015”. Abdelhamid Abaaoud, chef opérationnel des commandos, apparaît sur la vidéo mais n’est pas en treillis, ni en extérieur.
L’enquêteur explique qu’à l’époque du tournage, Abaaoud était déjà en Europe: “On est déjà chez vous pour vous égorger. Vous êtes haïs. Vous envoyez vos avions de chasse, nous envoyons nos chasseurs”, vocifère-t-il à l’adresse de la France.
Ses paroles sont décousues voire incohérentes: « On va vous combattre jusqu’au pied de la Tour Eiffel », clame un autre membre des commandos, arme à feu à la main.
On voit également Brahim Abdeslam, le frère de Salah Abdeslam, s’entraîner au tir. Contrairement aux autres protagonistes de la vidéo, Brahim Abdeslam ne parle pas. Toujours en cavale au moment de la diffusion, Salah Abdeslam n’apparaît à aucun moment.
Mais si Daesh cherchait ainsi à protéger les siens pas encore arrêtés ou neutralisés par la police, elle commet des erreurs. L’audio de revendication des attentats a ainsi mis la police sur la piste d’un huitième homme.
Sept kamikazes ont fait exploser leur ceinture explosive ou ont été tués le soir du 13-Novembre, or le message de revendication diffusée parlait de « huit lions déchaînés », souligne l’enquêteur.
Cette bande audio est tout aussi terrifiante que la vidéo. On entend les frères Fabien et Jean-Michel Clain saluer les attentats dans « la capitale des abominations et de la perversion ».
« Huit frères, porteurs de ceintures d’explosifs et armés de fusils d’assaut ont pris pour cibles des endroits choisis minutieusement à l’avance dans la capitale française », dit d’une voix claire Fabien Clain.
Son frère Jean-Michel psalmodie des « anasheed » (chant a cappella) : « Avancez, avancez, sans jamais reculer, sans jamais capituler, guerriers invaincus, épée à la main, tu les tues »…
Dans la salle d’audience silencieuse, les voix des frères Clain – probablement morts en Syrie et jugés par défaut, – continuent leur litanie. Les Clain se félicitent d’une attaque qui a tué « 200 croisés » et en a blessé « des centaines d’autres ». « Les Français continueront de sentir le regard de la mort […]. Cette attaque n’est que le début de la tempête »… Dans la salle pétrifiée, une femme pleure.
N.R.M
Plus de 3.000 enfants ont perdu un parent dans les attentats qui ont frappé le World Trade Center et le Pentagone ce jour là, ils ont grandi avec la douleur de l’absence, et un traumatisme ravivé à chaque anniversaire
Ashley Bisman avait 16 ans quand elle a vu, sur un téléviseur de son lycée, un avion percuter la tour nord du World Trade Center. Son père, Jeff Goldflam, travaillait pour une banque située au 101e étage – au-dessus de la zone d’impact. Comme elle, 3.051 enfants ont perdu un parent lors des attentats du 11 septembre 2001.
Parmi eux, 105 sont nés dans les mois qui ont suivi, et n’ont donc jamais connu leur père. Tous sont aujourd’hui de jeunes adultes. Et pour beaucoup, le 20ème anniversaire des attaques, samedi, “représente une date particulièrement redoutée, avec un deuil personnel à jamais associé à une tragédie nationale”, explique Terry Sears, directrice de Tuesday’s Children, une organisation de soutien aux enfants et aux familles touchées par les attentats.
Après le drame, les psychologues étaient en grande partie dans l’inconnu : « Ils ne savaient pas quel serait l’impact, sur le long terme, de la magnitude de la destruction, reprend-elle. Le 11-Septembre est un événement horrifique qui a changé le monde, avec des images terrifiantes à absorber à un jeune âge. C’est difficile de se sentir en sécurité en grandissant sans son père dans un monde où l’inimaginable peut se produire ».
Si la directrice de Tuesday’s Children insiste sur l’absence du père, c’est parce que près de 80 % des 3.000 victimes du 11-Septembre étaient des hommes.
Ils travaillaient pour l’essentiel dans la finance - dont 658 rien que dans la banque Cantor Fitzgerald – ou les assurances, auxquels il faut ajouter 400 pompiers, policiers et secouristes tués, et 125 membres du Pentagone.
Perdre un parent à un jeune âge est une épreuve sans fin. « L’absence est éternelle et se fait particulièrement sentir lors des grandes étapes de la vie, comme une remise des diplômes, un mariage ou à la naissance d’un enfant », souligne Terry Sears.
Mais le deuil des enfants du 11-Septembre est rendu encore plus difficile par des circonstances hors - norme. Les plus jeunes n’ont aucun souvenir d’un parent transformé en figure quasi mythique. Plus de la moitié des familles n’ont pas reçu de restes des défunts, avec 22.000 membres et fragments de corps collectés dans des conditions rendant les analyses ADN difficiles.
Cette semaine, les 1.646e et 1.647e victimes ont été identifiées, mais l’espoir s’amenuise au fil des années. Dans ses mémoires - Chasing Butterflies –, Ashley Bisman raconte qu’elle espérait que son père soit allé faire une course, ou qu’il ait miraculeusement survécu à l’effondrement de la tour. Jusqu’à ce qu’une de ses cartes de crédit ne soit retrouvée dans les décombres.
« Chaque famille crée ses traditions »
A chaque anniversaire du 11-Septembre, impossible ou presque d’échapper aux images de la tragédie. Selon Terry Sears, face à cette épreuve, « certains vont à Ground Zero pour la lecture des noms des victimes. D’autres préfèrent le calme d’une randonnée en forêt, ou vont dans le restaurant favori de leur parent défunt. Chaque famille crée ses traditions. »
Et pour la directrice de l’organisation, « la résilience dont font preuve les enfants est un motif d’espoir ». Certains se dirigent vers des carrières dans la diplomatie ou la résolution de conflits, pour combattre les racines du terrorisme.
Plusieurs dizaines de fils et de filles de pompiers décédés ont par ailleurs décidé de marcher sur les traces de leurs pères et ont revêtu l’uniforme. Selon Terry Sears, c’est un thème récurrent : « Espérer que leurs parents, où qu’ils se trouvent, soient fiers d’eux».
N.R.M