C’est par un décret que le Président Ali Bongo a mis fin aux fonctions de quelques uns de ses fidèles collaborateurs, notamment, son vice-président Pierre Claver Maganga Moussavou et son ministre des Forêts et de l'Environnement, Guy Bertrand Mapangou.
Aucun détail n’a été donné sur les raisons de ces limogeages, mais les deux hommes, d’après les informations recoupées dans certains médias paraissant dans ce pays, avaient été mis en cause dans le sillage de cette affaire de trafic de bois précieux, pourtant interdit d'exploitation.
Les appels à la démission de M. Mapangou, en particulier, s'étaient multipliés après la suspension dans ce dossier de son directeur de cabinet. Ce qui a d’ailleurs fait la Une des journaux : « Coup de tonnerre dans le monde politique gabonais, un acte d'autorité posé par le chef de l'Etat » a titré il y’a quelques jours, le journal pro-gouvernemental et principal quotidien gabonais, L'Union.
Pierre Claver Maganga Moussavou n'a pour le moment pas été remplacé et le poste de vice-président de la République se trouve donc vacant. Cette fonction avait été rétablie en 2017 et confiée à M. Maganga Moussavou, un opposant à Ali Bongo et candidat malheureux à la présidentielle de 2016, conformément aux résultats d'un dialogue politique avec une partie de l'opposition.
Aucun nouveau titulaire du portefeuille des Forêts et de l'Environnement n'a été désigné par le président, qui a placé ce ministère sous l'autorité directe du Premier ministre, Julien Nkoghe Bekalé.
Ancien porte-parole du gouvernement, Guy-Bertrand Mapangou est un pilier du régime, qui a été plusieurs fois ministre, notamment à l'Intérieur : « Il y a une certaine confusion des rôles et on aurait préféré que le pouvoir judiciaire joue pleinement le sien. On ne sait pas quelle est la part de responsabilité de chacune des personnes concernées, ce qui leur est exactement reproché », souligne Wilson-André Ndombet, politologue proche de l'opposition à l'Université Omar Bongo (UOB).
Fin février et début mars, près de 5.000 mètres cubes de kévazingo, une essence rare très prisée en Asie, d'une valeur d'environ 7 millions d'euros, avaient été découverts dans deux sites d'entreposage appartenant à des sociétés chinoises, au port d'Owendo, à Libreville.
Une partie du kévazingo était chargée dans des conteneurs sur lesquels figurait le tampon du ministère des Eaux et Forêts indiquant une cargaison d'okoumé, une essence de bois dont l'exploitation est autorisée.
Après la découverte de ces documents falsifiés, le responsable de ce ministère au port et son équipe avaient été arrêtés, soupçonnés d'implication dans ce trafic.
Mais le 30 avril, 353 de ces conteneurs, placés sous l'autorité de la justice, s'étaient mystérieusement volatilisés. Deux cents containers ont par la suite été retrouvés dans les entrepôts de deux entreprises différentes, toujours au port d'Owendo.
Bois précieux et sacré
Depuis plus d'une semaine, la presse gabonaise fait ses choux gras de l'affaire, dans le cadre de laquelle plusieurs hauts cadres ont été suspendus de leurs fonctions, dont les directeurs de cabinet des ministères des Forêt et de l'Economie.
La justice gabonaise a annoncé l'arrestation de deux ressortissants chinois, accusés d'avoir participé au trafic, avec la complicité de fonctionnaires gabonais. Le directeur général des douanes a été placé en détention provisoire : « Le Premier ministre avait déclaré que son gouvernement serait exemplaire et que les membres de son gouvernement qui s'éloignerait de cette attitude seraient sanctionnés. Les membres du gouvernement qui seraient impliqués dans cette affaire sont invités à en tirer les conséquences qui s'imposent », avait prévenu la porte-parole du gouvernement, Nanette Longa-Makinda, dans une déclaration lourde de sous-entendus.
Le kévazingo est un bois rare d'Afrique centrale, considéré comme sacré par certaines communautés locales et très apprécié en Asie, notamment pour la réalisation de parquets, escaliers, meubles de luxe.
Représentant 60% du PIB (hors hydrocarbures), le secteur forestier est l'un des piliers historiques de l'économie du Gabon, un pays recouvert à près de 80% par la forêt.
Fin mars, le rapport d'une ONG britannique avait dénoncé les pratiques illégales d'un groupe chinois à l'origine d'un vaste trafic d'exploitation de bois au Gabon et au Congo, accusant notamment plusieurs personnalités politiques et agents de l'administration d'y être impliqués.
Nicole Ricci Minyem