Davantage utilisé dans les taxis collectifs que dans les événements mondains, le « Pidgin » est très utilisé au Nigeria. Mais cette fois-ci, c’est dans un opéra qu’il a été chanté pour la première fois.
« Des milliers de personnes applaudissent et acclament les artistes qui défilent sur la scène du festival de percussion d’Abeokuta, dans le sud-ouest du Nigeria. Mais lorsque Helen Epega arrive, habillée d’une cape bleue pailletée, et entonne ses premiers airs d’opéra en pidgin, le créole nigérian, la foule se tait instantanément. Puis, alors que sa voix puissante et le rythme de son djembé métallique remplissent l’auditorium de plusieurs milliers de spectateurs, une explosion de joie monte des rangs du public et des spectateurs encouragent la chanteuse de leurs applaudissements. » Rapporte le journal « Le Monde ».
Il est rare de voir le public danser pendant un opéra. Mais ce soir-là, à Abeokuta, les spectateurs se sont levés sur des pas de danse stylés. Et si l’on en juge aux tonnerres d’applaudissements, ils ont adoré. « Elle chante dans notre langue, c’est vraiment quelque chose d’unique », s’est enthousiasmé David Ikeolu, étudiant.
Les précédentes prestations de « La Vénus des feux de brousse » (The Venus Bushfires) comme on la surnomme ont également connu un succès fou au Cap en Afrique du Sud, mais aussi à Londres. « Les gens sont très enthousiastes, c’est peut-être parce qu’ils se rendent compte qu’ils n’avaient jamais pu s’exprimer de cette façon avant, qu’ils pensaient qu’il n’y avait jamais eu de place pour eux dans cet univers. » a déclare la chanteuse d’opéra trentenaire.
Un opéra en pidgin nigérian, ce n’est pas courant. Selon Helen Epega et les organisateurs du spectacle, c’est même une première. Il a le mérite de toucher un très large public, notamment les personnes qui ne sont d’habitude pas du tout exposées à la musique classique. « Non seulement, on peut s’exprimer à travers ce langage, mais c’est plus qu’un moyen de communication : c’est un outil d’unification. » Insiste la chanteuse.
Helen espère que sa musique en pidgin permettra de rapprocher les classes moyenne et supérieure. Et selon Richard Ali, auteur nigérian, « le pidgin est unificateur ; il réunit ceux qui ne se parlent ni ne se comprennent en général pas dans la langue commune. »
Notons que le Nigeria compte d’innombrables ethnies, avec plus de 500 langues locales, mais le pidgin, qui compte environ 75 millions de locuteurs (sur 190 millions d’habitants), est la seule langue véhiculaire parlée quasiment à travers tout le pays.
Danielle Ngono Efondo