Installée en face de la garnison militaire de santé de Roumdé-adjia à Garoua, elle mène soigneusement cette activité sans honte, ni gène alors que ses congénères sont nombreuses dans les restaurants tournedos qui foisonnent en bordure des rues de la cité capitale de la région du Nord. Généralement, ce métier qu’exerce cette femme au teint clair, la quarantaine sonnée et, mère de 5 enfants, est l’apanage des hommes. Elise a fini par briser ce tabou et crée une émulation dans ce métier. Le public lui, a fini par l’aduler et lui dédier l’appellation « debo be reta » qui signifie en français « femme et demie » à cause de la ténacité et le courage dont elle fait preuve, lorsqu'il s’agit de regarder dans les yeux ceux qui l’encouragent ou ceux qui cherchent à la dénigrer.
Cette femme n’a pas de tabou, lorsqu'elle parle du métier qu’elle exerce et va même jusqu'à critiquer ses « confrères », vendeurs de soya. « Ils ne connaissent pas ôter la peau sur une chèvre, je le fais mieux qu’eux. Il y a certains qui viennent voir comment je procède ». C’est d’ailleurs à la suite de ce défi lancé aux hommes qu’elle nous invite à témoigner de ses prouesses. Ce 25 mars 2019, à son domicile sis au quartier Demsaré, elle a acheté une chèvre au marché de Djefatou. L’animal immolé par un sacrificateur, elle s’en saisit, le pose sur une feuille de tôle, un couteau baïonnette à la main, passe à l’action.
Elle commence par la poitrine de l’animal et dirige la pointe du couteau de haut en bas et ouvre la peau en deux parties, saisit chaque patte et renouvelle les fentes jusqu'au point de jonction et les dépècent jusqu'au niveau des cuisses. Elle découpe les pattes et accroche le reste de l’animal sur un bout de fer en forme d’hameçon la tête en bas. Elle découpe ensuite la tête et ôte toute la peau sans difficulté, au bout compte, la peau ainsi ôtée, la viande reste d’une propreté à ne rien reprocher, par rapport à ceux qui les dépècent posé à même le sol ou sur un support.
Elise poursuit sa besogne, utilisant une casserole posée au bas de l’animal pour recueillir les tripes. Elle les nettoie ensuite avec de l’eau potable et insère dans le gros intestin, les tripes, le foie, poumons, etc. « La façon dont elle s’y prend prouve qu’elle a de l’art. La viande n’est pas coupée de façon désordonnée, mais de façon spéciale, dans le sens de la longueur de la colonne vertébrale, ou la viande est détachée avec les deux pattes d’un même côté uni aux côtelettes et séparé de la colonne vertébrale », explique un boucher présent. Une fois la viande coupée en trois morceaux, elle sépare la chair des os. C’est après cette minutieuse chirurgie qu’un rinçage systématique est opéré sur la viande pour nettoyer le sang qui dégouline. La viande est à nouveau raccrochée pour être essorée et près à passer au gril pour être rôtie. En tout, 45 minutes auront suffi à la vendeuse pour dénuder la chèvre.
Une fois la viande essorée après qu’Elise ait pris son bain, elle se rend au point de gril situé en face de la garnison militaire de santé. Là, elle expose également des parties de la chèvre. « Les quatre pattes et la tête, je les vends à 1 000 Fcfa, les os à 3 000 Fcfa », déclare Elise avant d’ajouter que « mon soya n’est jamais resté. Je le vends bien. Le bénéfice que j’ai après avoir cumulé toutes les dépenses peut aller de 3 000 à 7 000 Fcfa ».
Félix Swaboka