Tout est parti d’un tweet de l’institut hospitalo-universitaire (IHU) de Marseille, dirigé par Didier Raoult et publié le 09 décembre 2021 :
“Un nouveau variant Covid-19 a été détecté à l’IHU Méditerranée Infection issu de patients de Forcalquier. Il a été baptisé variant IHU et déposé sur GISAID sous le nom de B.1.640.2”.
Quelques semaines après, l’IHU livre une prépublication sur ce variant dit français. Le texte crée rapidement l’inquiétude dans nombre de médias anglo-saxons, qui soulignent notamment le fait que ce variant présenterait de nombreuses mutations et serait lié à un grand nombre d’hospitalisations dans le sud du pays.
Un tollé général dans les médias
Alors, dangereux, le variant déposé par l’IHU ? Dans un récent bulletin, en date du 5 janvier, Santé Publique France indique avoir classé le variant 20A/C (B.1.640) comme “variant à suivre”.
“Ce classement est dû à la poursuite de sa circulation en France et à des données préliminaires in vitro indiquant une diminution de l’efficacité de la neutralisation par les anticorps vaccinaux ou post infection et donc un possible échappement à la réponse immunitaire”, justifie dans son bulletin Santé Publique France.
Des résultats toutefois à “interpréter avec prudence”, prévient cette même source, en raison “du petit nombre de sujets et de sérums analysés”.
“La machine médiatique s’est emballée et a fait marche arrière aussi vite”, tance Samuel Alizon, directeur de Recherche au CNRS et à l’Institut de recherche pour le développement (IRD).
Le rapport de l’IHU est une prépublication. Il s’agit donc de résultats non évalués. Autrement dit, n’importe quelle équipe peut poster ce qu’elle veut.
De notre coté, lorsque nous tweetons sur de tels résultats, nous rajoutons "non relu par les pairs", afin de bien montrer que cela n’engage que nous et sont à manier avec infiniment de précautions. »
Un variant qui “n’est pas nouveau “
De plus, pour Samuel Alizon, ce variant “n’est pas nouveau”, contrairement à ce qu’a pu laisser entendre l’IHU. “On trouve des séquençages quasi identiques, de la même lignée B.1.640.2, partagées par le laboratoire CEBRA le 4 novembre 2021”, rappelle le chercheur.
“La lignée B1.640 a été identifiée depuis octobre novembre 2021”, abonde François Blanquart, chercheur du CNRS au Centre interdisciplinaire de recherche en biologie.
“Comme l’illustre la circulation ancienne de ces séquences, leur potentiel épidémique est limité car plus de deux mois plus tard elles demeurent très rares, souligne enfin Samuel Alizon. Bref, cette lignée a eu le temps d’émerger mais elle demeure marginale. Et on ne sait évidemment rien de la virulence vu la rareté de cette lignée”.
“B1.640.2 n’augmente pas en fréquence en France”, note François Blanquart. Contacté, l’IHU n’a pas donné suite à nos sollicitations à l’heure où ces lignes sont écrites.
N.R.M