Les tensions financières sont telles que plusieurs camerounais ne sont pas sûrs de fêter comme ils le souhaitent ce réveillon de Noël. Une situation qui amène certains hommes à prendre eux mêmes les paniers pour se rendre au marché pour les emplettes avec dans la pensée l'idée de faire plus d'économies que leurs épouses.
Ce 24 décembre est veille de la fête commémorative de la naissance du Seigneur Jésus Christ. Traditionnellement les camerounais accordent une importance toute particulière à cette soirée de réveillon qui se réparti en général entre le réveillon dans une communauté religieuse de la place et une belle rencontre en famille.
Marché mokolo ce lundi matin. La circulation est pratiquement paralysée. Les automobilistes se battent comme de beaux diables pour se frayer un chemin au milieu des emballages. La journée déclarée fériée et chômée sur l'ensemble du territoire en rajoute au flux de personnes ayant décidé de se rendre au marché tôt ce matin. Ce qui attire notre attention, c'est la grande présence parmi les piétons autour des étales des hommes. Des hommes sacs de marché en main, ils sont venus eux mêmes faire les emplettes. Germain Abega, un camerounais d'âge mûr, est l'un d'eux. Nous le croisons à l'intérieur du marché autour des commerçantes de vivres frais. À la question de savoir pourquoi c'est lui et non son épouse qui se trouve à cet endroit ce matin, il nous répond "Je vous avoue que je ne savais pas que les prix des marchandises sont aussi coûteux et qu'il était aussi difficile de trouver des vivres aux prix que j'imaginais. J'ai demandé a mon épouse de se reposer un peu et d'apprêter les enfants, j'ai voulu m'exercer et toucher du doigt les réalités du marché."
Pendant qu'il nous répond, une bayam Sellam (nom communément donnée aux revendeurs de vivres dans les marchés camerounais) nous lance " ils sont comme ça ! Il ne vous dit pas mais je suis sûr qu'il ne voulait pas rationner comme madame demandait. Et il est venu au marché lui même". Le petit sourire esquissé par Germain en dit long sur l'invective de la revendeuse.
Un autre citoyen rencontré plus loin, venu lui aussi faire le marché ce lundi matin nous fait savoir que le problème au fond c'est le manque de moyens financiers. "Vous savez lorsque votre épouse vous fait le budget d'un réveillon comme celui de ce soir, vous regardez le ratio menu/coût total, vous vous dîtes qu'il y a certainement exagération quelque part. Et c'est à l'origine de quelques incompréhensions dans le couple. Peut être c'est parceque ce lundi est un jour férié que vous voyez un peu plus d'hommes ici à mokolo. Mais il y en a toujours qui viennent." "Et laissez moi vous dire que les bayam que vous voyez là vendent plus chers aux hommes plutôt qu'aux femmes. Surtout qu'elles savent que les hommes ne discutent pas trop les prix."
En sommes c'est l'état des finances des foyers qui est à l'origine de ce phénomène que nous observons. Il faut le reconnaître, les couples camerounais font faces à des tensions financières plus accrues au fil des années. Et le coût des denrées sur le marché ne va pas pour arranger la situation. Un tas de 5 tomates à 200f CFA, des oignons de 100f aux allures de petites billes, l'huile de palme, l'huile de table, les coûts sont plus importants aujourd'hui qu'il y a encore quelques temps.
Pour plusieurs, le réveillon de la nativité ne se passera pas forcément comme les précédents. Nombres d'hommes partis au marché ce matin ne reviendront pas avec le panier plein. Nous avons d'ailleurs assisté à une scène d'un de ces messieurs pris à partis par ces vendeuses qui n'ont pas toujours leurs langues dans la poche. Le monsieur découragé s'en est allé avec un air de dépit. Les préparatifs devront certainement être repris dans plusieurs familles en cette veille de la nativité.
Stéphane Nzesseu