Quelques six mois après la garde à vue du milliardaire Vincent
Bolloré, sa holding a été mise en examen à son tour ce 12 Décembre,
suite à l'enquête menée portant sur des soupçons de corruption, dans
le cadre de l'obtention de concessions portuaires en Afrique de
l'Ouest, a annoncé le groupe.
« La holding Bolloré SA, qui n’est en rien concernée par les faits
objets de l’investigation, a décidé d’exercer un recours afin d’être
mise hors de cause », s'est-elle défendue dans un communiqué annonçant
l'information.
Le 25 avril 2018, l'homme d'affaires de 66 ans avait été mis en examen
dans ce dossier, après deux jours de garde à vue dans les locaux de la
police anticorruption, une procédure rarissime pour un chef
d'entreprise aussi influent. Deux de ses proches collaborateurs
avaient été gardé le même jour.
Il y’a 24 Heures, les juges d'instruction Serge Tournaire et Aude
Buresi ont procédé à la mise en examen attendue de la holding, pour
les mêmes qualifications que son patron : corruption d'agent étranger
- complicité d'abus de confiance - faux et usage de faux, selon Me
Olivier Baratelli, l'avocat du groupe et de M. Bolloré.
Les juges d'instructions du pôle financier du tribunal de Paris
soupçonnent le groupe Bolloré d'avoir utilisé les activités de conseil
politique de sa filiale Havas afin de décrocher la gestion des ports
de Lomé, au Togo, et de Conakry, en Guinée, via une autre de ses
filiales, Bolloré Africa Logistics, anciennement appelée SDV.
SDV a obtenu la gestion du port de Conakry quelques mois après
l'élection d'Alpha Condé fin 2010, et avait remporté la concession à
Lomé peu avant la réélection en 2010 au Togo de Faure Gnassingbé, qui
étaient alors tous deux conseillés par Havas.
S'appuyant en particulier sur les documents retrouvés lors des
perquisitions de 2016 au siège du groupe Bolloré, les magistrats
soupçonnent Havas d'avoir sous-facturé ses services rendus aux deux
candidats victorieux pour obtenir, en contrepartie, la gestion des
concessions portuaires.
A chaque fois, la désignation de SDV a entraîné une bataille
judiciaire avec les anciens gestionnaires. S'agissant de Conakry, le
français Necotrans avait, dès mars 2011, déposé une plainte pour
"corruption internationale", rapidement classée sans suite par le
parquet de Paris.
Bolloré avait fini par être condamné en 2013 à Nanterre à verser plus
de 2 millions d'euros à Necotrans. Le groupe avait toutefois été placé
en redressement judiciaire en juin 2017 avant d'être racheté par
Bolloré.
Les soupçons sur les activités africaines de Vincent Bolloré ont par
ailleurs été nourris par les plaintes d'un de ses anciens associés, le
Franco-Espagnol Jacques Dupuydauby, qu'il avait évincé du port de Lomé
en 2009 et attaqué en justice avec succès.
Dans cette affaire, le directeur général de Bolloré, Gilles Alix, est
mis en examen pour les mêmes qualifications que son patron et que le
groupe. Jean-Philippe Dorent, responsable du pôle international
d'Havas est lui poursuivi pour "abus de confiance" et "faux et usage
de faux".
Le groupe Bolloré avait déjà formellement contesté avoir commis des
irrégularités en Afrique où il gère 16 terminaux portuaires.
Les concessions obtenues au Togo l'ont été en 2001, bien avant
l'entrée du groupe dans Havas, et en Guinée, en 2011, à la suite de la
défaillance du n°1 le groupe étant arrivé en seconde position lors de
cet appel d'offres, défaillance constatée avant l'élection du
président, avait fait valoir le groupe lors de la garde à vue de ses
dirigeants au printemps.
« Bolloré remplissait toutes les conditions d'appel d'offres. C'est un
ami, je privilégie les amis. Et alors ? », S’était justifié pour sa
part en 2016 le président Alpha Condé auprès du journal Le Monde.
Nicole Ricci Minyem