Plusieurs associations, dont Reporters sans Frontières (RSF) et la FIDH, ont demandé mercredi à Paris la libération de l'ancien patron de la radio et télévision publique camerounaise, la CRTV, incarcéré à Yaoundé depuis près de deux ans et demi.
Officiellement, Amadou Vamoulké est poursuivi pour détournement de fonds publics, près de 6 millions d’euros, non pas à des fins personnels, mais au profit de la chaîne de télévision publique qu’il a dirigée entre 2005 et 2016. Aucun rapport d’audit et aucun témoin n’ont appuyé ces accusations depuis le début du procès dont la plupart des 14 audiences qui se sont tenues à ce jour n’ont duré qu’une poignée de minutes.
«Aucun élément à charge ni aucun témoin n'ont été apportés par l'accusation depuis le début de son procès dont la plupart des 15 audiences qui se sont déjà tenues n'ont duré qu'une poignée de minutes», pointe RSF dans un communiqué.
Le journaliste doit comparaître le 22 janvier 2019 pour la seizième fois en un an et demi. RSF a annoncé mercredi la saisine du groupe de travail sur la détention arbitraire de l'ONU. «Après deux ans et demi derrière les barreaux sans avoir été condamné, le caractère arbitraire de la détention ne fait aucun doute. Il est essentiel qu'il soit reconnu par l'ONU afin d'accentuer la pression sur les autorités camerounaises pour obtenir sa libération», estime Arnaud Froger, responsable du bureau Afrique de RSF.
«La défense des libertés est aujourd'hui plus qu'hier, une nécessité au Cameroun», a ajouté Florent Geel, responsable Afrique à la Fédération internationale des droits de l'homme.
Selon une enquête de RSF publiée en décembre dernier, Amadou Vamoulké est un «fervent partisan du pluralisme médiatique» et «un ardent défenseur de la liberté de la presse». Amadou Vamoulké est l’une des grandes figures de la presse camerounaise. Major de la promotion de l’école supérieure de journalisme de Yaoundé fondée par Hervé Bourges, ancien président de plusieurs chaînes françaises (TF1, France Télévisions, RFI) et du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) qui a lui aussi apporté son soutien, il fut le premier président de l’Union des journalistes du Cameroun.
Il milita activement pour l’ouverture du marché audiovisuel camerounais pour mettre fin au monopole d’information détenu par la chaîne publique. Il est également connu pour être un fervent défenseur de la dépénalisation des délits de presse. A l’instar de RSF, il s’était engagé pour obtenir la libération de Pius Njawé, icône de la presse indépendante camerounaise, détenu pendant 10 mois pour avoir évoqué la santé de Paul Biya dans un article de son journal.
RSF ne cesse de demander la fin des détentions arbitraires de journalistes au Cameroun. L’organisation avait dénoncé les 29 mois d’emprisonnement du correspondant de RFI Ahmed Abba, finalement libéré le 22 décembre 2017. Plus récemment, au début du mois de novembre 2018, le président Paul Biya a ordonné la remise en liberté de la présentatrice d’Equinoxe TV Mimi Mefo, dont RSF avait dénoncé la veille le placement en détention provisoire et les poursuites engagées devant une juridiction militaire.
Otric N.