Les associations sont les premières victimes d’une pratique qui semble avoir été établie comme une règle par certains fonctionnaires et agents de l’Etat
« Il nous a fallu attendre sept ans, pour que nous obtenions l’autorisation de fonctionner. Il faut reconnaître que nous avons oublié que nous avons eu à déposer un dossier à la préfecture et lorsque nous recevons les coups de fil à la veille de l’élection présidentielle qui nous informe que nous avons finalement obtenu l’autorisation de fonctionner, nous sommes assez surpris, mais bon, comme disent certains, le Cameroun c’est le Cameroun ».
C’est le témoignage de la présidente d’une association, qui avait sollicité en 2011 une autorisation afin d’obtenir une existence légale, mais, au fur et à mesure que les mois ont passé, les membres de cette association ont perdu espoir et ont abandonné le dossier, parmi les milliers d’autres qui jonchent les classeurs et les tables de certains services administratifs.
Questionnée sur les raisons qui selon elles sont à l’origine de cette longue période d’attente, elle avoue son ignorance : « Je ne sais pourquoi cela a pris autant d’années. Ce dont je me souviens c’est que chaque fois que nous y sommes allés, on nous a toujours demandé de l’argent, pour les timbres, pour l’obtention de certaines signatures et pour d’autres raisons que je me refuse d’évoquer ici, car cela démontre que la corruption a encore de beaux jours devant nous. Elle s’est installée comme une gangrène et lorsqu’on refuse de s’aligner, on obtient le résultat qui est celui de notre association aujourd’hui … Chaque fois que l’un de nous a réclamé un reçu en échange, on lui a retourné un regard narquois avec quelques menaces. Nous avons catégoriquement refusé de souscrire à cela, surtout que sur les murs de la préfecture, on peut lire : Les services publics sont gratuits…».
Et ce n’est malheureusement pas le seul exemple que l’on peut citer ici. Il y’en a un peu plus chaque jour, qui démontrent que ce n’est pas demain la veille que l’on n’entendra plus parler de corruption dans les services administratifs. Parce qu’en dehors des agents publics, l’on a compris qu’il existe des « démarcheurs », qui promettent aux personnes incrédules de leur obtenir dans les plus brefs délais les autorisations qu’ils sollicitent. Arrivent alors le temps du chantage, lorsqu’on a le malheur de demander à quoi peut servir tout l’argent demandé. L’attitude affichée par certains vous faire croire qu’en fait, c’est vous qui commettez l’infraction, parce que vous refusez de vous aligner en affichant en plus, le sourire de celui qui trouve normal et logique de corrompre pour obtenir un service public gratuit. Les pratiquants de ces anomalies vous remettent parfois votre dossier, vous invitant à entreprendre les démarches qu’il faut, tout en vous rappelant que vous aurez à dépenser plus que ce qui vous a été demandé.
Une enquête menée dans certains services publics dans la capitale politique camerounaise nous a donné de comprendre que tous ceux qui sollicitent ces autorisations ne sont pas logés à la même enceinte. Ceux qui se plient aux « normes » ne rencontrent pas les mêmes difficultés. Ils peuvent obtenir leur sésame quelques heures après le dépôt de leurs dossiers et même s’il existe quelques anomalies, dès lors que la patte est graissée, on peut très bien fermer les yeux. D’où la prolifération des débits de boisson et autres lieux de déviances ou encore églises réveillées qui naissent un peu plus chaque jour, avec l’onction de l’autorité administrative, jusqu’à ce que survient un incident malheureux. Alors là, on assiste à des sorties médiatiques au cours desquelles on tente de donner des informations toutes aussi peu plausibles les unes que les autres.
L’on est tout à fait conscient qu’une enquête minimum est requise, lorsqu’on veut accorder des autorisations à ceux qui en demandent mais, à quoi et à qui sert l’argent arraché parfois à ceux qui n’en disposent même pas ? Les regards sont tournés vers les responsables en charge de ces services publics, afin d’attirer une fois de plus, une fois encore leur attention par rapport à ce qui se passe dans les services publics qu’ils dirigent, s’ils ne sont pas informés. La gangrène de la corruption continue malheureusement d’avoir le vent en poupe. Et, il est urgent de se pencher sur la question, au moment où s’ouvre pour le Cameroun, le septennat des grandes opportunités.
Nicole Ricci Minyem