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Interview d’Adèle Mbala, journaliste camerounaise en service à la CRTV

lundi, 25 mars 2019 15:40 Innocent D.H.

Dans son numéro du 24 mars 2019, CK Magazine est allé la rencontre de l’une figure marquante du domaine des médias au Cameroun : Madame Adèle Mballa. A CK magazine, Adèle Mballa, actuelle directrice de la Communication à la CRTV et célèbre présentatrice du 20h30, a livré sans détours différents aspects de sa vie.

Un entretien intéressant que nous vous invitons à lire ici.

 

Vous êtes depuis des décennies un visage incontournable du domaine du journalisme au Cameroun. Adèle Mbala, un nom qu’on ne présente plus. Comment se sont fait vos débuts dans le journalisme ?parlez-nous de votre parcours à la CRTV.

Après un diplôme en Relations internationales à Paris et l’ESJ de Lille, j’arrive à la CRTV en janvier 1990, sous la direction générale du Pr Gervais Mendo Ze. Je serai tour à tour Chef de Service, Chef de Département, Directeur du Centre de Formation De la CRTV, Chef de la station régionale CRTV Centre, directeur de l'information TV, puis aujourd'hui Chef de Division de la Communication. Parallèlement à ces fonctions, j'ai assuré la présentation de plusieurs programmes tels Actualités Hebdo, dimanche Midi à la radio, le journal parlé et télévisé. De Mendo Ze à Charles Ndongo, je dirais que ce n’est que le fruit du travail. Il faut résolument travailler, s’atteler à accomplir sa tâche avec dévouement et autant de perfection que possible. Et ce, quelle que soit la nocivité et l'agressivité de l'environnement.

C’est en 1990 que vous rejoignez la CRTV d’abord en tant qu’animatrice, puis présentatrice de l’émission actualité Hebdo. Vous aviez alors 25 ans. A cet âge et à cette époque en tant que femme, qu’est-ce qui vous a permis de vous démarquer ?

Je voudrais d’abord corriger si vous me le permettez Daniel ; je ne saurais être animatrice à un moment donné de ma carrière je suis journaliste formée comme tel donc même quand je vais faire un talk-show ce sera toujours une journaliste qui fera un talk-show pas une animatrice. C’est peut-être tout cela qui me démarque et qui m’a toujours caractérisé jusqu’aujourd’hui. C’est-à-dire ; la conscience de ce que je suis, la volonté de véritablement acquérir toutes les compétences et toutes les qualités nécessaires pour être ce que je suis. Je crois que la compétence dans quelque environnement que ce soit, quel que soit l’hostilité, de cet environnement, la compétence vous démarquera toujours, et j’ai toujours essayé d’y travailler et essayer d’acquérir autant que faire se peut les connaissances et compétences nécessaires pour l’exercice de mon métier.

Il est évident que vous avez fait toute votre carrière à la CRTV. Pourquoi ? Avez-eu besoin d’un parrain comme c’est souvent le cas pour y demeurer alors que beaucoup sont partis ?

C’est vrai que nombreux de mes collègues sont parties de la CRTV parfois à la fleur de l'âge, pour chercher bonheur ailleurs. Il faut avouer que j'ai également été tentée d'aller voir ailleurs. J'ai par exemple passé haut la main, en première position, le concours pour le recrutement d'un Chef de Division de la Communication à la Société Nationale des Hydrocarbures SNH...mais un ainé m'a vite découragée. Puis à la réflexion j'ai réalisé que je devais m'en tenir à l'appel et à la volonté de Dieu pour moi. L'herbe n'est pas toujours plus verte ailleurs. Je n'ai eu aucun parrain. Je n'en ai jamais eu. Depuis ma jeunesse j'ai trimé et travaillé. Je suis née de nouveau en classe de seconde au Lycée. Et depuis lors j'ai compris que j'aurais beaucoup de mal à intégrer le monde et ses manipulations. Si je devais parler d’un inspirateur je dirai mon grand frère Journaliste qui m'a donné envie de découvrir ce métier dont il était si fier. Il l'est toujours autant à la retraite. Puis certains aînés ont pris le relais. Tel que l'actuel Directeur Général de la CRTV M. Charles Ndongo.

Vous avez été à plusieurs postes de responsabilité au sein de la maison CRTV. L’un des plus remarquables, votre passage au CFPA. Quel souvenir gardez-vous de cela quand on sait que vous l’avez rejoint à un moment où il avait grave besoin de renouvellement ?

De mon passage au CFPA, Le Centre de Formation Professionnelle de l'audiovisuel de la CRTV, je garde un excellent souvenir. D'abord parce que je n'y suis pas nommée mais j'y accède à travers un concours lancé par le DG d'alors Amadou Vamoulke. Je commençais à stagner à Mballa 2 et j'avais besoin d'autres expériences. J'ai postulé et passé le concours sous l'évaluation de l'ISMP, l'institut Supérieur de Management Public. C'était d'autant plus exaltant que le CFPA est considéré comme le ghetto de la CRTV. J'ai aimé ce chantier : réécrire les Statuts des enseignants, renouveler la Convention de Tutorat entre le Ministère de l'Emploi et de la formation Professionnelle et la CRTV et surtout faire accéder et admettre le CFPA au sein du très select CILECT, le Centre International de Liaison des Écoles de Cinéma et de Télévision qui rassemble la crème des grandes écoles du monde dans ce domaine, depuis les écoles affiliées à Hollywood (USA ) jusqu'à la filière de Bollywood (Bombay en Inde) en passant par Nollywood au Nigeria. L'admission s'est faite à Barcelone en Espagne et a propulsé le Centre à un niveau International. Puis il y'a eu la création des nouvelles filières en Infographie, en journalisme et animation. En tout, j’ai aimé aider les jeunes à se frayer un chemin dans la vie.

Votre carrière n’a pas été qu’un long fleuve tranquille. Vous êtes passée il y a quelques années par un scandale qu’on a surnommé « La bourde d’Adèle Mbala ». Qu’est-ce qui s’est réellement passé ? Et comment avez-vous réussi à être maintenue au 20 :30 malgré cet incident ?

Vous vous rappelez que ce jour-là de la formation du premier gouvernement Louis Philippe, toutes les chaînes de radio et de télévision se sont affolées dans tous les sens. On ne cessait de l’annoncer et de l'annuler. J’achève la rédaction du journal pour me rendre à la cabine de maquillage. Je suis rattrapée par le journaliste qui m’assiste. C’est lui qui m’informe verbalement de la formation du gouvernement. Comme Directeur de l’information, je l’interroge sur la source de cette information de dernière minute hors menu « je la tiens de TF1 » me répond-il. Je me sens alors rassurée. Le journal a commencé plus d’une vingtaine de minute, on s’achemine vers sa fin. Je reçois soudainement une note du proof Reader. Il s’agit de la composition du gouvernement formé par Eduard Philippe. La note qui ne figure pas dans le conducteur initial du journaliste rédigée à la main. Je la lis en l’état actuel tel que je la reçois, sans rien omettre du contenu. Je découvre la composition dudit gouvernement en même temps que je livre l’information. Après le journal je reçois un appel du Directeur Général qui m’informe du caractère erroné de l’information diffusée. Ensuite je reçois un SMS du journaliste qui confirme l’erreur en s’excusant d’avoir été fourvoyé par les supputations qui circulent sur les réseaux sociaux. Avec du recul, je crois que le journaliste qui m’assiste ce jour-là s'est un peu emmêlé les pinceaux et m'a écrit une note sur l'une des supputations qui étaient en cours dans les réseaux sociaux. Alors comment je reste au 20h30 ? Il faut dire qu'au fil des jours, cette affaire s'avère être une tempête dans un verre d'eau : ni l'ambassade de France, ni les Gouvernements français ou camerounais ne s'en émeuvent. Rien. Contrairement à l'affaire d’Actualités Hebdo aujourd'hui. J'étais en direct. Ce programme est enregistré.

Cela fait plusieurs mois qu’on ne vous voit plus présenter le 20h30. Doit-on penser que vous préparez déjà votre retraite ? Songez-vous à faire autre chose après cela ? Une carrière dans la politique peut-être ?

Je n'ai aucunement l’intention de demander quelque rallonge pour ma retraite. J’attends ce moment avec impatience pour un repos bien mérité après 37 années de bons et loyaux services. Est-ce que je compte me lancer dans la politique ? En ai-je des ambitions ? Pourquoi pas. Si telle est la voie de Dieu pour moi à ce moment-là. Je suis prête à servir ma Nation à tous les niveaux. En attendant, je me consacre à mon travaille en tant que Directeur de la communication à la CRTV Mballa 2.

En ce mois de la femme, quel regard Portez-vous sur la condition de la femme camerounaise aujourd'hui ?

Je voudrais d’abord dire qu’en tant que femme chrétienne née de nouveau, quand je dis que je milite contre les inégalités entre les sexes au Cameroun, il ne s’agit pas de revenir au livre de la genèse pour dire que l’homme est créé supérieur à la femme, que je ne fais en réalité qu’une simple côte de l’homme. Cela n’a rien à voir ici. Ce qui a à voir c’est les inégalités dans le sens juridique de ce terme. Ce sont les inégalités dans le sens du droit. C’est-à-dire que si le Seigneur nous a donc créé tous égaux, quel que soit la partie dont je suis tirée sur l’homme, je suis FILS de Dieu, je ne suis pas fille de Dieu. D'ailleurs dans le Seigneur il n’y a pas de fils il n’y a pas de fille. Il y a des fils quel que soit le sexe. Donc je suis en tant que femme ; fils de Dieu, je suis donc créé à égale condition que mon frère en face. Cela veut dire que ce qui me motive dans cette saison de célébration de la journée internationale de la femme, c’est d’abord cette sensation et cette impression que les inégalités d’années en années sont allées grandissantes dans certains domaines notamment en ce qui concerne la vie privée de la femme au Cameroun. Pour ce qui est de la vie publique, le Président de la République S.E Paul Biya, et le gouvernement du Cameroun ont ratifié la plupart des textes sinon tous d’ailleurs, jusqu'au protocole de Maputo et tous les autres qui protègent la femme camerounaise et le Président de la République a à cœur la promotion de la femme. Tout un ministère a toujours été sous son magistère dédié à la protection de la femme. Et la femme camerounaise dans ce contexte a évolué d’années en années en prenant plus de pouvoir, prenant plus d’espace, occupant de plus en plus des postes visibles dans tous les domaines, que ce soit dans l’armée qui était quand même un domaine réservé. C’est vrai on n’a pas de femme Général d’armée jusqu'aujourd’hui mais elles sont une dizaine de femmes colonels, on a déjà une femme préfet, on a des femmes dans le commandement territorial, sans compter les autres départements ministériels et des directions générales dans ce pays. L’Assemblée Nationale, le Sénat sont en train d’accroître les effectifs féminins. Donc sur le plan de la vie publique il y a eu une grande évolution, d’années en années la femme a énormément évolué. Mais sur le plan de la vie privée, c’est-à-dire que quand j’ai quitté la sphère publique, toute Directeur Général que je suis, l’homme que j’ai en face de moi qui est peut-être mon mari ou mon frère, n’a jamais vraiment intégré l’idée que je puisse être un être humain avec des droits, avec une certaine capacité à exister et à créer une réalité qui est la mienne et c’est là qu’il y a un problème. Parce que dans cette sphère privée ce qui se passe dans les foyers ; la femme battue, ce qui se passe dans les familles, au niveau de l’héritage, au niveau des rites du veuvage, ce sont des choses qui aujourd'hui annihilent totalement ce que la femme représente par ailleurs dans la sphère publique. Qui humilie et ridiculise aujourd'hui la femme. Et c’est là où moi j’ai un problème. C’est pourquoi je dis que la bataille de la camerounaise n’a même pas commencé dans cette sphère privée. Il y a encore énormément de choses à faire, parce qu’une jeune femme qui arrive dans un commissariat aujourd'hui et qui dit ; « mon copain m’a battu »" ou bien « mon mari m’a tapé dessus », il n’y a personne pour l’écouter, pour prendre ce cas de traumatisme extrême, physique moral en charge. Il n’y a pas de structure pour considérer cette blessure. D'ailleurs, on dit « elle a tort forcément elle a dû faire quelque chose et puis écoutez ; vous êtes dans vos appartements c’est votre problème. » Si votre mari vous tape dans la rue et qu’il crie « non, non écoutez c’est ma femme », tous les passants vont passer outre de l’autre côté de la rue personne ne va s’arrêter pour porter secours à cette pauvre femme qui est battue à mort parfois. C’est ça notre société aujourd'hui. Donc il y a deux poids deux mesures ; oui il y des évolutions mais dans l’espace de la vie privée de la femme camerounaise aujourd’hui elle reste chosifiée moi ça c’est ma révolte. C’est pour ça que je marche le huit mars, c’est pour ça que je parle le huit mars, c’est pour ça que je dis stop aux violences faites à la femme camerounaise. A l’occasion de ce huit mars et au-delà de tous les huit mars.

Vous êtes un modèle pour plusieurs femmes, les jeunes en particulier. Quelle a été votre leitmotiv durant toute votre carrière ?

Je crois que très tôt, premièrement j’ai rencontré le Seigneur. Ça m’a sauvé littéralement la vie de connaître Dieu. Je n’aurais jamais pu résister à toutes les violences et à toute l’animosité que j’ai vécu personnellement que ce soit à l’intérieur de ma cellule familiale ou dans la société si je n’avais pas eu Christ dans ma vie. Je crois que c’est un atout extraordinaire pour la jeunesse aujourd’hui. La jeune fille, le jeune homme qui veut vivre sa vie et en faire un succès doit prendre le mode d’emploi de cette vie. On n’arrive sur terre par un cheminement et c’est Dieu qui est le maître de la vie. C’est Lui seul je crois qui Est la clé qui peut ouvrir la porte de tous les succès. Si on n’a pas Dieu, je me demande comment on peut vivre. C’est comme de prendre un médicament sans lire la notice. C’est comme d’acheter une voiture et commencer à vouloir la conduire sans du tout lire tout le mode d’emploi. Donc la clé c’est d’abord de connaître Dieu et puis il vous déroule au fur et à mesure ce qui doit être votre destinée, ce qui doit être votre parcours. Et fatalement il vous évite, Il m’a évité à moi tous les écuelles. Et si je suis vivante même physiquement aujourd'hui, Il m’a énormément protégé et préservé. Ensuite le travail, parce que Dieu ne viendra jamais faire à votre place ce que vous devez faire. Il faut bosser, il faut travailler. Et ce n’est pas de faire semblant d’aller à l’école pour avoir des diplômes. C’est de connaître. La Bible dit « Mon Peuple périt faute de connaissance. » et ce n’est pas la connaissance de la parole de Dieu seule qui libère, c’est la connaissance de la vie, ce que vous ne connaissez pas, c’est votre limite. Si vous ne connaissez pas comment on fait, vous aujourd’hui qui êtes si numérisés, digitalisés, si vous n’avez pas une application, et si vous avez même un téléphone 4G et que vous ne connaissez pas ces applications, vous êtes un peu limités. Donc la connaissance libère, il faut savoir, il faut connaître. Il faut chercher. Il faut aller à l’école pour connaître et pour avoir l’autre manuelle de la vie. Le manuel c’est Dieu qui le donne et puis il y a l’autre manuel pour la vie pratique d’aujourd’hui qui est l’académie, la connaissance. Je crois que ces deux pôles m’ont soutenu et m’ont aidé à avancer et à être aujourd’hui peut-être ce que vous appelez un modèle qui me semble excessif. Mais d’être à même de dire une ou deux choses à la génération actuelle ; faites attention à vous, marchez à l’ombre, ne croyez pas ce que vous voyez parce que ce n’est pas la vérité, c’est la réalité mais ce n’est pas la vérité. La vérité c’est Christ. Il dit je suis le chemin, la vérité et la vie. Et c’est là que la vie commence quand on rencontre Christ. Et c’est là le manuel, le vrai mode

 

Source : CK Magazine. CK magazine est en téléchargement gratuit à l’adresse : www.ckoment.com

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