Des fossoyeurs sont obligés de creuser de nouvelles tombes dans le cimetière de Roodepoort, à Johannesburg
Dans la plus grande ville du pays, 45 à 60 sépultures sont ainsi rouvertes chaque semaine. Les autorités locales s'en inquiètent, au point d'envisager de rendre les incinérations obligatoires.
Selon Reggie Moloi, responsable municipal de ce secteur: Nos cimetières étouffent. C'Est le résultat de très forts mouvements de population, aussi bien Internes qu' externes, qui affectent Johannesburg".
La situation des autres grandes villes n'est guère plus enviable. Sur les rives de l'Océan Indien, Durban a tiré la sonnette d'alarme de la surpopulation funéraire il y'a des dizaines d'années.
En effet, au début des années 90, les violences politiques qui ont accompagné la transition de l'apartheid à la démocratie et les ravages de l'épidémie de sida ont considérablement accru la mortalité dans la capitale de la province du Kwazulu Natal: Nous avions alors constaté que les cimetières se remplissent très vite ...Nous allions manquer rapidement de place, se souvient Thembinkosi Ngcobo, responsable des parcs pour la municipalité de Thekwini, qui inclut Durban. Les craintes se sont depuis confirmées. Et, les familles de l'agglomération sont menacées de se voir fermer la porte des cimetières municipaux.
" La situation est grave et difficile à comprendre par le citoyen moyen et les décideurs qui, à la vue des grands espaces inoccupés de notre pays présument que nous disposons encore de beaucoup de place ...", abonde Denis Ing, vice - président de l'Association Sud - Africaine des cimetières.
La crise a forcé les autorités locales à réfléchir en urgence à des alternatives innovantes. Le recyclage des tombes anciennes en est une, la crémation une autre. Mais cette dernière solution se heurte aux réticences d'une population encore très attachée à ses traditions.
Dans le quartier de Roodeport, à Johannesburg, la famille Sipamla à fait le choix d'enterrer une parente dans la même sépulture que son fils: " Les cimetières sont complètement pleins ...Il nous a semblé plus facile et surtout bien moins cher de rouvrir la tombe que d'en faire creuser une autre".
Le révérend Harold Ginya, de l'église de Nazareth recommande sans détour la même solution à ses ouailles: " C'Est clairement ce qu' on préfère. Personne ne viendra jamais se plaindre en disant que l'un est au dessus de l'autre.. ", fait remarquer l'ecclésiastique.
Les sud-africains ne croient pas en l'incinération. Ils se recrutent spécialement parmi les plus anciens, qui associent encore volontiers l'image du feu à celle de l'enfer.
D'autres refusent l'incinération car ils sont persuadés que seul un corps complet peut rejoindre l'au - delà: La crémation leur est culturellement inimaginable, car ils croient en l'importance du corps humain, à son pouvoir. Ils veulent donc à tout prix éviter la crémation...", note l'anthropologiste Casey Golomski, de l'université du New Hampshire.
De fait, très peu de noirs sont incinérés à Durban. Un seul en moyenne chaque semaine, contre plusieurs dizaines d'enterrements traditionnels, selon les autorités.
Pour s'affranchir des réticences qu' elle suscite : " il serait peut-être utile que l'on explique aux gens pourquoi ils doivent choisir l'incinération - On peut simplement leur dire que l'espace n'est pas infini...", suggère la jeune Zoleka Sipamla.
Que l'on soit pour ou contre, la crémation risque bientôt de s'imposer à tous. A l'heure où le gouvernement sud-africain souhaite relancer la redistribution des terres au profit de la majorité noire, spoliée sous l'apartheid, la pression foncière est telle que les cimetières ne seront sûrement pas servie les premiers. Certaines municipalités agitent donc publiquement l'idée de rendre l'incinération obligatoire.
Nicole Ricci Minyem