Le journaliste Alex Devechio à publier un article ce matin sur MediaPart
La vidéo, de plusieurs minutes, montre Maurice Kamto, ancien ministre de Paul Biya et aujourd'hui principal challenger, en plein acte sexuel. La vidéo est certes de mauvaise qualité, mais elle a troublé de nombreux camerounais, dans un pays où l'homosexualité n'est pas libérée comme en Occident. Très rapidement, la vidéo a été mise hors-ligne et condamnée par les supporters de M. Kamto, mais sa propagation sur WhatsApp n'a pas pu être empêchée. Et s'il est impossible de vérifier la véracité de la vidéo, ses conséquences ont été désastreuses pour la nouvelle coalition des challengers.
Car après une campagne électorale où chacun des 9 candidats a essayé de montrer ses muscles et a refusé toute coalition, vendredi vers 22h, soit à moins de quarante huit heures du scrutin, Akere Muna - opposant historique à Paul Biya - a annoncé son désistement au profite de Maurice Kamto. Une annonce beaucoup trop tardive pour que l'information puisse circuler dans cet immense pays où le taux de pénétration de l'Internet n'est pas tellement élevé dès que l'on sort des grandes villes. D'ailleurs, dans les bureaux de vote, le bulletin "Akere Muna" sera disposé sur la table normalement. Le retirer pour forcer ses supporters à choisir Maurice Kamto serait illégal et frauduleux.
Enfin, cette coalition, est d'autant plus déconsidérée par les camerounais, qu'un article publié hier dans la presse camerounaise et française, dénonce une sale affaire de corruption impliquant Maurice Kamto (de l'époque où il était ministre).
De son côté, le jeune et dynamique Cabral Libii, grand espoir de la politique Camerounaise, ferait son possible pour se coaliser avec un autre candidat perçu comme intègre : Joshua Osih. Et bien que seuls ou ensemble, ils n'ont quasiment aucune chance d'être élus, ils pourraient très bien représenter l'avenir du pays, l'espoir d'une génération politique nouvelle pour le Cameroun de demain.
En attendant, sur le terrain, des centaines d'observateurs ont été disséminés. Ils viennent de l'Union Africaine et du Commonwealth. D'autres arrivent des Etats-Unis ou d'Europe. Et si l'Union Européenne a annoncé ne pas avoir les fonds nécessaires pour venir surveiller les élections (c'est tellement mieux de garder de l'argent pour sur-payer les indemnités kilométriques des députés européens...), cela n'a pas décourager de nombreuses organisations à venir sur le terrain.
Ainsi, sous la supervision de l'ONG Transparency Internationale (importée au Cameroun par l'opposant Maurice Kamto), des centaines d'observateurs feront remonter leurs observations directement par téléphone ou sur Internet. Une formation a d'ailleurs été organisée ce matin, dans le centre de Yaoundé, pour 6 observateurs internationaux. La plupart d'entre eux a déjà été observateur lors d'élections en Afrique et dans le Caucase mais la présence de l'application téléphonique de Transparency est nouvelle.
Ces observateurs, qui promettent l'intransigeance, seront disséminés sur tout le territoire camerounais, en compagnie de leurs collègues de l'Union Africaine.
A présent, la question est de savoir ce qu'il en sera demain soir, à la fermeture des bureaux de vote. Certains craignent des débordements dans au moins deux régions (Nord-Ouest et Sud-Ouest). D'ailleurs, de nombreux artistes ont déjà mis sur Internet des messages, en photo et vidéo, appelant à voter "pour qui vous le voulez" mais "respectez la paix et la stabilité. N'envoyez pas nos enfants à la mort !"
Espérons que les appels au calme soient entendus par tous et qu'aucun candidat ne s'auto-proclame vainqueur dès dimanche soir, alors que les résultats de l'élection sont attendus pour la semaine du 15 au 22 octobre.
Alex Devechio de MediaPart
https://blogs.mediapart.fr/alex-devechio/blog/061018/presidentielle-au-cameroun-sextape-coalitions-et-observateurs-internationaux