Oscar Njiki - Etudiant-chercheur au département de Philosophie de l’Université de Yaoundé I a saisi l’homme politique afin que ce dernier l’éclaire sur un certain nombre de points qui selon lui, ne cadrent pas avec la carrure du leader qu’il veut être. Lisons plutôt…
« Lettre ouverte à Maurice Kamto, président national du Mrc
Vous êtes à la fois avocat, enseignant, chef de famille et surtout homme politique.
Je m'adresserai exclusivement à l'homme politique que vous êtes car, comme avocat, intellectuel, ou chef de famille, sauf mauvaise foi, vous êtes un modèle, une référence au Cameroun, en Afrique et même dans le monde.
Mais en tant que homme politique, ancien candidat à la dernière élection présidentielle, je crois, jusqu'à preuve de contraire, l'une de vos ambitions est d'être Président de la République du Cameroun. La République, signifiant littéralement « chose publique », votre ambition de devenir Président de la République, fait de vous une « personne publique » et, par conséquent, chaque citoyen camerounais, sans discrimination aucune, peut avoir son opinion sur vous, ses inquiétudes par rapport à vous, ses interrogations vous concernant. C'est en tant que citoyen camerounais que je vous écris.
Si j'ai tenu à faire de telles clarifications, c'est parce que pour vos militants que nous rencontrons tous les jours, nous ne pouvons pas, au regard de votre impressionnant CV, nous adresser à « l'imminence » que vous êtes.
Pour eux, vous ne comprenez que le langage des dieux et n'écoutez que les anges. Or, il me semble que vous vouliez et voulez encore être Président de tous les camerounais y compris des illettrés, des pauvres, des sourds-muets (...) tant qu'ils sont camerounais. J'espère donc que vous lirez l'illettré et pauvre citoyen que je suis.
Monsieur le Président du MRC, permettez-moi de revenir sur votre parcours politique qui, de mon point de vue, fait de vous un transhumant politique.
Vous êtes parti de l'opposition avec la coalition qui soutenait Fru Ndi, pour le gouvernement de Paul Biya et ensuite du gouvernement de Biya pour rejoindre l'opposition en tant que Président national du MRC. Vous n'avez jamais été du SDF, nous dit-on; vous n'avez jamais été du RDPC, nous chante-t-on. D'où ma question: êtes-vous du MRC ?
Vous avez conduit une opposition en tant que cadre avec Fru Ndi, mais il se dit que vous n'avez jamais été avec lui. Vous avez fait partie du gouvernement de Biya, mais vous dites n'avoir jamais été du RDPC. Comment comprendre donc que vous qualifiez le RDPC de Parti-État ? Autrement dit, si, comme vous le dites, le RDPC est un parti-Etat, comment est-ce possible de faire partie de l'État sans faire partie du parti ? Permettez-moi de vous reposer cette question: êtes-vous du MRC?
Cette question peut, pour certains, mais pas pour vous, sembler banale, cependant vous et moi savons que cela ne vous coûte rien de dire, selon la direction du vent de demain, que vous n'avez jamais été du MRC même si vous avez été Président dudit parti. Vous ne cessez de par votre rhétorique, de vouloir vous faire croire que, faisant simplement partie du Tout, vous n'avez jamais été de ce Tout, feignant d'ignorer que le Tout n'est rien d'autre que l'ensemble de ses parties.
Alors, je vous repose une fois de plus, mais pas de trop la question suivante: êtes-vous du MRC? Et, si on s'en tient au fait que vous n'avez toujours été qu'en n'étant jamais, on sera tenté de se poser la question suivante qui préoccupait les présocratiques: « Qu'est-ce que l'être » ? Votre parcours sied à l'école ionienne avec Héraclite pour qui, l'être n'est qu'une illusion alors que seul le devenir est réel. Pour cette école, il n'était pas possible de saisir l'être dans la mesure où il est en perpétuel changement.
Vous n'avez été du SDF qu'en n'y étant pas, du RDPC qu'en n'y étant pas. Mais, êtes-vous du MRC? Ah oui! Vous êtes pour la renaissance et pour le changement (devenir). Mais peut-on renaître sans avoir été? Votre changement perpétuel qui vous empêche d'être n'est-il pas en contradiction avec votre projet de renaissance dans la mesure où la renaissance doit nécessairement être précédée de l'être? Comme vous le constatez, votre projet de devenir Président de la République est conditionné par la question d'être.
Or, vous n'avez jamais été, vous vous êtes toujours situé dans le changement perpétuel, c'est-à-dire, dans le non-être. Même avec le MRC, lorsque votre jeune étudiant Cabral Libii a lancé un mouvement pour des inscriptions massives sur les listes électorales, vous avez qualifié ce mouvement de filouterie politique, prétextant que l'urgence était la révision du code électoral.
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Finalement, vous êtes allé à cette élection avec le même code électoral et vous êtes autoproclamé Président. Sans inscrits c'est-à-dire sans électeurs en votre faveur et sans code électoral consensuel c'est-à-dire sans transparence, vous avez, éhontément, déclaré que vous étiez vainqueur de cette élection. Après, vous avez boycotté les élections locales même si j'avoue que j'ai été étonné de ne pas vous entendre dire que vous avez raflé la majorité parlementaire à l'élection à laquelle vous n'avez pas participé.
Vous êtes passé par l'UA, l'ONU, les USA et aujourd'hui, vous comptez sur la vacance à la à la tête de l'État pour devenir Président. Vous constatez avec moi que vous n'êtes pas puisque vous changez sans cesse. Et répondant à l'école ionienne à laquelle appartenait Héraclite, pour qui seul le devenir était réel, l'être (présent) quant à lui n'étant qu'illusion, Parménide (école éléate) dira ceci: "du non-être, rien ne peut devenir". Autrement dit, le devenir n'est possible que si l'on a été, la renaissance n'est possible que si l'on a été.
Vos multiples changements de vestes, vos multiples incohérences et contradictions sont liés à la question de votre être : vous n'avez jamais été. Et, n'étant pas, vous ne pouvez que sombrer dans cet obscurantisme politique qui fait de vous le monsieur Jourdain de la politique camerounaise.
Lorsque vous parlez de devenir, le vôtre, c'est vous en tant que Président de la République. Or, pour devenir, il faut être car du non-être rien ne peut devenir. En un mot comme en mille: votre projet de devenir Président est une illusion tant que vous n'avez pas réglé votre question d'être. Voilà, Monsieur le Président du MRC, le premier point sur lequel j'ai tenu à attirer votre attention. Votre devenir politique résultant d'un néant d'être passé et présent, ne peut qu'être une succession d'illusions. Pour votre honneur, faites votre identité narrative et quittez la scène un moment.
Très respectueusement ».
N.R.M