Quand s’est – il adressé à ses concitoyens, en dehors des dates prévues pour cet exercice : le 10 Février, le 31 Décembre et lors de la présentation des vœux. C’est peut être la raison pour laquelle le communiqué du cabinet civil suscite tant de conjecture, tout le monde y va de son analyse et de ses attentes.
C’est le cas de Dieudonné Essomba, économiste et analyste de la scène politique camerounaise qui, dans cette tribune parle de ce qui selon lui, sera dit ce mardi, dès 20h.
« Personne ne peut prédire ce que le Chef de l’Etat va dire à a Nation, mais on peut supputer sur les thèmes probables, au vu de l’actualité.
Et de ce point de vue, on peut exclure d’office sa démission : il n’y a aucun argument objectif en faveur de celle-ci, exception faite des désirs impatients des gens qui ne veulent plus le voir. Mais à la vérité, ceux-là doivent prendre leur mal en patience : Biya ne leur a pas dit qu’il va écourter son mandat, ni même que c’est son dernier mandat ! Car, aussi agaçant que cela puisse apparaître à quelques-uns, il est plus sage de se préparer à le revoir se présenter en 2025 et même de gagner !
Peut-être faudrait-il rappeler à ceux qui le voient déjà mort de vieillesse ce monsieur est issu d’une famille qui vit très longtemps ! Les gens qui atteignent 90 ans dans cette famille ne sont pas rares… Et quand on ajoute ses moyens…
Le pouvoir de Biya n’est donc nullement contesté, personne ne croyant sérieusement à la farce de la « victoire volée » d’une poignée d’agitateurs...
Par contre, le seul problème prégnant est la Sécession des Anglophones. C’est un mouvement armé qu’on a cru anéantir en deux semaines avec une escouade de gendarmes et de policiers, mais qui a résisté et qui a pu chasser l’Etat de zones rurales du NOSO. Toute l’activité politique, économique et sociale a été déstabilisée et il n’existe aucune perspective opérationnelle pour ramener l’ordre par la force.
Bien plus, toutes les initiatives prises par le Gouvernement se sont soldées par les échecs et on ne voit pas très bien comment on peut sortir de cette situation sans de véritables mesures politiques. Plus le temps passe, plus la situation se dégrade, car il faut bien en convenir, le temps joue leur faveur de la Sécession.
Du reste, le problème s’est internationalisé et le monde entier commence à s’y intéresser vivement. Et si personne n’accepte la Sécession au Cameroun, personne non plus ne soutient le Gouvernement avec son « Etat unitaire » et ses « unités nationales ». On lui demande de rentrer à la Fédération de 1961…
C’est cela le vrai et seul problème du Cameroun : nous n’avons pas une crise du pouvoir, mais nous avons une crise de l’Etat. Cela signifie que le pouvoir de Biya n’est pas contesté, comme l’était celui de Gbagbo. Par contre, c’est le modèle étatique dont les Anglophones, mais aussi d’autres Camerounais ne veulent plus.
Le discours de Biya ne peut donc porter que sur la forme de l’Etat, suivant deux hypothèses
Hypothèse 1 : S’il persiste dans sa logique de l’Etat unitaire, il va très probablement annoncer des Régionales, précédées d’une réforme qui élargit les prérogatives des Régions, tout en instaurant des droits spécifiques pour les Régions anglophones. Avec en prime l’élargissement des prisonniers anglophones et peut-être aussi l’instauration d’un Poste de vice-président, réservé naturellement aux Anglophones si un Francophone est Président, et vice-versa.
Cette hypothèse entre en droite ligne de la logique du pouvoir de Yaoundé, mais il est improbable qu’elle puisse résoudre le problème de fonds posé par la Sécession. Tout d’abord, c’est le mot « unitaire » lui-même qui est devenu le carburant de la guerre, puisqu’il représente, dans les schèmes des Anglophones, une absorption pure et simple. Et ceci, quel que soit la manière dont on pense le présenter.
Du reste, un attelage dans lequel on affecterait un poste spécifique à chacune des deux communautés linguistiques, ou alors, où les Régions anglophones auraient des dérogations spéciales risquerait d’amplifier l’exception anglophone, avec des risques récurrents des comportements sécessionnistes.
Hypothèse 2 : si le Président a changé de cap, il pourra annoncer une réforme constitutionnelle portant sur une fédéralisation généralisée, ce qui serait une bonne manière de résoudre une fois pour toutes le problème de la diversité du Cameroun.
Mais peut-il aller jusque-là ?
Ce sont juste des supputations… ».
N.R.M