Depuis 2008, des rumeurs font état d’âpres discussions dans les couloirs diplomatiques entre le Cameroun et la France au sujet d’un certain renouvellement des accords de défense passés entre le Cameroun et la France juste avant son accès à l’indépendance officielle. Aujourd’hui, certains observateurs avertis annoncent que Paul Biya n’a pas renouvelé ces accords. Infox ?
En rappel ces accords ont été signés pour la première fois entre le Cameroun et la France le 26 décembre 1959 à Yaoundé. Soit quelques heures avant la proclamation de l'indépendance le 1er janvier de l'année suivante. Des accords signés entre dans un contexte et avec des acteurs curieux. Selon les historiens, les accords de défense entre le Cameroun et la France ont été négociés, côté camerounais, par deux français : Jacques Rousseau et Georges Becquey. C'est à dire que le pays France a négocié avec 2 français, représentant le Cameroun pour statuer sur l'avenir du Cameroun. Une véritable entourloupe.
Et que stipulent donc ces accords confidentiels de défense entre le Cameroun et la France ?
Dans ces accords, en échange de la protection militaire de la France, il est imposé au Cameroun de suivre les quelques indications suivantes :
a) Informer la France de la politique que les politiciens camerounais entendent suivre en ce qui concerne les matières premières et produits stratégiques, ainsi que des « mesures qu'ils se proposent de prendre pour l'exécution de cette politique »
b) Faciliter, au profit des forces armées françaises, le stockage des matières premières et produits stratégiques; et lorsque les intérêts de la défense l'exigent « limiter ou interdire leur exportation à destination d'autres pays »;
c) « Le Cameroun doit réserver en priorité, la vente de ses matières premières et produits stratégiques à la République française, après satisfaction des besoins de sa consommation intérieure, et s'approvisionner en priorité auprès de la France », etc.
d) Les accords mentionnent une liste de matières premières dites stratégiques qui appartiendront de fait à la France s'ils seront découverts sur le sol camerounais, notamment : les hydrocarbures liquides et gazeux, l'uranium, le thorium, le lithium, le beryllium, l'hélium etc. De peur que dans l'avenir, la science identifie certains minerais qui ne figuraient pas sur la liste, la France a pris soin de signifier que cette liste pouvait encore s'allonger sans trop de complication, en ces termes : « les modifications à cette liste feront l'objet d'échanges de lettres entre les parties contractantes ».
En des mots plus simples, avec ces accords signés par 2 français sous la présidence d’Amadou Ahidjo, en 1960 et renouvelés en 1974, le sous-sol du Cameroun appartient à la France. On comprendra seulement après que même ce qui était au-dessus du sol appartenait aussi à la France, comme les plantations de café et de cacao, d’où le risque de prison pour toute personne qui tentait de couper ces plantes pour les remplacer par quelque chose de plus rentable pour l’alimentation villageoise ou pour l’économie nationale.
Et ce n’est qu’en 2009, après la signature des nouveaux accords que les Camerounais ne risquent plus la prison lorsqu’ils se débarrassent de ces plantations ingrates et inutiles de café, de cacao et de coton. D'après le contenu des nouveaux accords signés par Paul Biya et Nicolas Sarkozy, on peut donc affirmer que l'indépendance du Cameroun ne commence qu'en 2009.
Avec les accords signés en 2009, on va connaître une petite avancée. Le 21 mai 2009, c’est par communiqué de presse que le public est informé de la signature à Yaoundé entre le Président du Cameroun, Paul Biya et le premier ministre français François Fillon d'un accord instituant un "partenariat de défense". C'est un texte composé de 28 articles et d’une annexe, lui-même en 11 articles.
Lorsqu'on compare ce texte à celui de 1974, et à celui signé en même temps, ou après, entre la France et d'autres pays africains, on peut dire que c'est l'acte officiel de divorce entre le Cameroun et la France. Il s'agit en effet d'un texte très vague, composé de grands principes propres à la diplomatie de la langue de bois, reprenant pour l’essentiel les accords-cadres de Lisbonne de 2007 entre l’Union européenne et l’Union africaine. Contrairement au précédent accord qui est de 50ans, celui-ci est de 5 ans renouvelable. Seulement c’est en 2012 que le parlement français va valider le texte. Il expirait donc en 2017 et devait être renouvelé. L’a-t-il été ?
Si l’on s’en tient à la logique et à la stratégie implémentée jusqu’ici par le Chef de l’Etat camerounais, il n’est pas impossible qu’il ait réussi à obtenir l’indépendance contractuelle du Cameroun. Historique en soi.
Stéphane NZESSEU